À Arras, des élèves concourent pour le prix Dominique-Bernard sur la tolérance

C’est une histoire d’amour, celle d’un chat noir, Bob, et d’un chat blanc, Céliesse, qui s’aiment malgré leur histoire familiale, « un peu comme Roméo et Juliette mais avec des chats, c’est une histoire sur le racisme », raconte Odin, 13 ans, élève de quatrième au collège Jean-Monnet d’Aubigny-en-Artois. Ce collège, où Isabelle Bernard enseigne l’anglais, est l’un des treize établissements de l’Arrageois participant à la première édition du prix Dominique-Bernard.

Près de 1 000 élèves participent ainsi à l’élaboration d’une nouvelle, à chute, individuelle ou collective, parfois rédigée comme un journal de bord. Ou à partir d’une carte mentale, comme cette histoire qu’un groupe de jeunes filles est en train d’élaborer, autour d’un étrange orphelinat où les règles varient selon les sexes.

La veuve du professeur de français assassiné le 13 octobre 2023 dans son lycée à Arras, a lancé en octobre dernier ce concours de nouvelles aux côtés d’amis et de collègues : « Ce qui m’intéresse, c’est l’échange, le débat, l’ouverture d’esprit pour faire reculer la barbarie. Il faut bien commencer par quelque chose» Le thème de cette première édition : la tolérance. «Ce mot s’est imposé comme une évidence pour mettre en lumière les valeurs de la République », souligne Isabelle Bernard dont le mari aimait en particulier les nouvelles de Jorge Luis Borges et de Maupassant.

La tolérance, thème de la première édition du prix Dominique-Bernard

Soutenu par le ministère de l’éducation nationale, le rectorat de Lille, la ville d’Arras, le Centre national du livre et la Fondation BNP-Paribas, ce projet citoyen embarque aussi des auteurs dans l’aventure comme Valérie Mouriaux, en résidence à Jean-Monnet. « Allez chercher dans votre vécu, votre propre expérience…», conseille l’autrice de livres jeunesse et de poésie. Ce matin, au sein de la classe qu’elle rencontre pour la quatrième fois, elle aide les élèves à séquencer leur histoire et à y introduire un « grain de sable ». «Écrire, c’est un pouvoir, les élèves racontent collectivement une histoire qui leur tient à cœur et les ramène à la lecture, à la pensée et à l’intime », note-t-elle.

« On est fiers de participer à ce prix Dominique-Bernard pour lui rendre hommage et contents de travailler en groupe, c’est amusant », raconte Odin. Avec Baptiste, Yann et Lukas, ils collaborent au mieux, imaginant, dessinant ou rédigeant selon leur talent et leur envie… À fond dans l’aventure, les quatre copains construisent un récit profond et humoristique, leurs chats se régalant à Noël avec un « thon farci à la dinde et aux croquettes », sous l’œil amusé de leur jeune professeure de français, Laure Vital.

« J’obéis aux consignes de Valérie, j’aide les élèves quand ils sont coincés, sans prendre leur place ni celle de l’autrice», confie l’enseignante. Ces ateliers d’une heure et demie se déroulent sur ses heures de cours, en prolongement du programme : « En début d’année, nous avons étudié la nouvelle à chute avec La Parure de Maupassant, et les élèves ont ensuite écrit une nouvelle réaliste et une nouvelle fantastique. Cette expérience leur restera en tête, c’est sûr… »

Soigner la chute avec Valérie Mouriaux

« Nous travaillerons la chute de vos nouvelles lors du dernier atelier, attention, il ne vous reste que deux ou trois semaines», prévient Valérie Mouriaux. La chute de la nouvelle n’est pas la fin de l’histoire, les élèves le savent, mais un ultime rebondissement, un ultime suspense… Toutefois, le livre doit-il finir bien ou mal ? Si les avis divergent, les collégiens s’accordent sur un fait : leur histoire doit faire reculer l’intolérance. « On veut une fin comme Jean de la Fontaine, souligne Yann, dire quelque chose d’important en utilisant les animaux. »

Discrète, Isabelle Bernard ne veut rien savoir de ce qui se passe dans les ateliers d’écriture – « Je suis dans le jury », rappelle-t-elle d’un air sérieux, heureuse cependant de constater que l’initiative a pris. « Rassembler collectivement des jeunes pour qu’ils s’expriment, réfléchissent et produisent un écrit, ce travail-là est déjà une réussite en soi. Et si en plus, ils y trouvent du plaisir…», souligne la veuve de Dominique Bernard. « Revenir à la lecture depuis l’attentat n’est pas si simple… », confie pour finir celle qui la pratiquait avec son mari, à voix haute.

——-

Cette première édition du concours de nouvelles Dominique-Bernard « Lire, écrire, penser » sur le thème de la tolérance rassemble quelque 1 000 élèves de quatrième, troisième et seconde (lycées d’enseignement général et professionnel) répartis dans treize établissements publics et privés d’Arras et des environs.

Les résultats du concours seront proclamés le 22 mai prochain à Arras lors d’une cérémonie publique en présence de Brigitte Macron, marraine d’honneur de cette première édition.

Plusieurs prix seront remis : nouvelle collective, individuelle, carnet de bord et prix du progrès. L’an prochain, le concours devrait s’élargir à toute l’académie de Lille et peut-être ensuite à l’ensemble de l’Hexagone.

Crédit: Lien source

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.