La presse du Burkina Faso est en émoi ce matin après l’enlèvement hier d’Atiana Serge Oulon, directeur de publication du bi-hebdomadaire L’Événement.
Le journaliste a été embarqué hier, lundi 24 juin, à 5 heures du matin par « un commando d’une dizaine d’hommes, relate L’Observateur Paalga. Le commando se serait d’abord trompé de destination en allant réveiller des occupants d’une autre maison. Ces derniers ont rapidement alerté leurs proches sur ce qui se passait. Finalement, le commando a frappé à la bonne porte. Contrairement à ce qui se fait d’habitude, ceux qui sont venus chercher Oulon n’étaient pas cagoulés. Ils ont agi à visage découvert. (…) Pas plus tard que la semaine dernière, rappelle L’Observateur Paalga, le CSC, le Conseil supérieur de la communication, avait sanctionné le journal en lui infligeant une interdiction de paraître durant un mois. On ignore pour l’heure les raisons de cette arrestation. Mais ce nouveau développement équivaut, estime L’Observateur Paalga, à une mort du journal L’Événement. »
Un journalisme « à géométrie variable… »
« C’est la première fois qu’un journaliste fait l’objet d’un enlèvement (au Burkina Faso) », commente pour sa part le quotidien Aujourd’hui. Un enlèvement qui s’inscrit « dans un contexte de restriction pour la presse burkinabè qui a vu son champ de liberté d’expression se réduire considérablement depuis quelque temps. Car avec la Loi sur la mobilisation générale et le contexte de lutte contre le terrorisme, la polémique sur la posture du journaliste est sur toutes les lèvres et dans tous les esprits ? Doit-il tout dire ? Au risque de se faire remonter les bretelles par le CSC. (…) L’éthique et la déontologie sont-elles solubles dans la communication en temps de guerre ? Voilà la question qui divise… (…) Du coup, poursuit Aujourd’hui, c’est naturellement un journalisme à géométrie variable qui se déploie au Burkina Faso, car enjoint “d’accompagner“ les efforts des FDS et des VDP en matière de lutte contre le terrorisme. Ce qui est normal, estime le journal, on est Burkinabè avant d’être journaliste (…) La preuve, les reportages sont rarissimes, on relaie quotidiennement les comptes rendus officiels. Mais, relève encore le quotidien ouagalais, ce qui arrive à notre confrère intervient au lendemain de la folle semaine de rumeurs et d’allégations et surtout de la menace d’IB, jeudi dernier, sur les “médias menteurs“ et les comploteurs. Chacun doit se le tenir pour dit ! En attendant de savoir ce qui est reproché à Oulon, les médias (burkinabé) sont recroquevillés car en ces temps de guerre chaque mot est soupesé, chaque incise, virgule ou adverbe jaugé, avant d’être frappé sur l’écran de l’ordi ou dit devant un micro. Indubitablement, conclut Aujourd’hui, les temps se durcissent davantage pour les médias locaux. Rudes coups pour les journalistes. »
Détresse…
Dans une récente interview au site Lefaso.net, le journaliste Ouézen Louis Oulon, ancien directeur de la radio et de la télévision nationale, affirmait : « je lis une détresse sur les visages des journalistes, mais aussi sur les visages des responsables de médias. C’est comme s’ils étaient à un carrefour et ne savaient pas s’il faut prendre la voie de droite ou de gauche. (…) Les médias se portent mal et la corporation s’interroge. (…) Je suppose que cette situation est temporaire, qu’on va arriver à la reconquête du territoire et que la plume va gagner en noblesse. »
Normalisation…
L’enlèvement d’Atiana Serge Oulon intervient après un moment de flottement la semaine dernière au Burkina Faso. Le chef de l’État, le capitaine Ibrahim Traoré, était resté muet après l’attaque de Mansila, il y a 15 jours, au cours de laquelle l’armée avait subi de lourdes pertes. Finalement, il est réapparu en fin de semaine dernière pour démentir les rumeurs de mouvements de grogne au sein de l’armée et pour annoncer une contre-attaque contre les djihadistes.
Ce matin, le site Burkina 24 annonce : « les forces armées lavent leur honneur à Mansila. (…) Vecteurs aériens spécialisés, hélicoptères et opérations terrestres…, l’armée burkinabè a employé les grands moyens pour mater les terroristes qui avaient attaqué une de leurs positions. » Les assaillants auraient tous été neutralisés.
Enfin signe apparent de normalisation à Ouagadougou : le président malien Assimi Goïta est en visite ce mardi dans la capitale burkinabé. « Le chef de l’État malien et le président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, échangeront notamment sur les défis de la lutte contre le terrorisme et ceux liés au développement socioéconomique et à la quête d’une souveraineté totale de leurs pays respectifs », peut lire dans le communiqué de la présidence publié notamment par le site WakatSéra.
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