Investi le 8 janvier 2025, le nouveau président ghanéen John Dramani Mahama est convaincu que tout n’est pas définitivement perdu entre l’Alliance des Etats du Sahel (AES) et la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dont le divorce a pourtant été acté le 29 janvier 2025. A la faveur d’une tournée au Mali, au Niger et au Burkina Faso, le nouveau chef de l’Etat ghanéen a tenté la médiation de la dernière chance entre les deux organisations ouest-africaines. Reste désormais à savoir si cette initiative va prospérer.
Par Seidik Abba
C’est par Ouagadougou, au Burkina Faso, après Bamako et Niamey, que le nouveau président ghanéen John Dramani Mahama a achevé ce lundi 10 mars 2025 sa tournée dans les trois pays membres de l’AES.
Gages de bonne volonté
Si l’on devait juger par la qualité de l’accueil qu’il a reçu dans les trois capitales de l’AES, le président ghanéen semble avoir trouvé une écoute attentive auprès de ses homologues burkinabé Ibrahim Traoré, malien Assimi Goïta et nigérien Abdourahamane Tiani. Avant même d’être investi, le président Mahama avait envoyé quelques signaux forts aux trois pays qui avaient décidé de se retirer de manière concertée et concomitante de la CEDEAO en janvier 2024.
Il a ainsi adressé une invitation personnelle à chacun des présidents des Etats de l’AES à son investiture à Accra le 8 janvier. Le président burkinabé y a répondu favorablement en se déplaçant dans la capitale ghanéenne tandis que ses pairs malien et nigérien se sont fait représenter par leurs Premiers ministres respectifs, invoquant des contraintes d’agenda.
A peine investi le nouveau président s’est ensuite démarqué des sanctions infligées par la CEDEAO au Mali en 2022 et au Niger. Selon le président Mahama, ces sanctions, qui avaient notamment inclus embargo aérien et terrestre, interdiction des transactions commerciales et le gel des avoirs des deux pays à la Banque centrale ouest-africaine, avaient été contreproductives et disproportionnées.
Autre geste fort en direction des Etats de l’AES, le nouveau président ghanéen avait désigné parmi ses premières nominations le militaire à la retraite et ancien chef de la lutte antiterroriste Larry Gbevlo-Lartey comme Envoyé spécial pour les Etats du Sahel. A Bamako, Ouagadougou et Niamey ces gestes ont été favorablement accueillis.
Le médecin après la mort
Au cours de sa tournée expresse, le président ghanéen a eu de longues séances de travail avec ses hôtes qu’il a tenté de convaincre de reconsidérer leur décision de quitter la CEDEAO. Même si rien n’a encore filtré des entretiens que le président Mahama a eus dans les trois capitales de l’AES, il est à craindre que son initiative arrive bien trop tard.
Après que leur décision de retrait a été actée le 29 janvier 2025, les trois pays ont mis en circulation un passeport commun de l’AES. Ils ont ensuite procédé lundi 3 mars 2025 à la montée concomitante du drapeau de l’AES dans leurs capitales respectives. Les couleurs de l’AES flottent désormais à côté des drapeaux nationaux sur les édifices officiels et dans les espaces publics.
Après l’organisation des exercices militaires conjoints en mai 2024 à Tahoua, dans le nord-ouest du Niger, la transformation de l’Alliance des Etats du Sahel en Confédération de l’Alliance des Etats du Sahel en juillet 2024 à Niamey, la montée concomitante du drapeau de l’AES à Ouagadougou, Bamako et Niamey représente une étape supplémentaire dans la structuration de la toute nouvelle organisation.
Pour beaucoup, les trois pays ont atteint désormais un point de non-retour qui pourrait compliquer voire rendre impossible le succès de l’initiative du président ghanéen.
La CEDEAO dans la tourmente
Et pour ne rien arranger, les démarches du président ghanéen arrivent alors que la CEDEAO connaît une nouvelle tempête politique provoquée par la décision du président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo de ne pas quitter le pouvoir au terme de la fin légale de son mandat. Selon la cour suprême de Guinée-Bissau, le mandat du président Embalo devrait prendre fin le 4 septembre 2025.
Faisant fi de cet avis de la plus haute juridiction de son pays, le président bissau-guinéen a fixé la tenue de la présidentielle pour le 23 novembre 2025, soit bien au-delà de la date de son mandat.
Il a par ailleurs indiqué qu’il sera candidat à sa propre succession alors qu’il avait publiquement annoncé en septembre 2024 qu’il ne solliciterait pas de second mandat. Président en exercice de la CEDEAO entre 2022 et 2024, le président Embalo avait pourtant fait la leçon de démocratie aux pouvoirs militaires du Sahel après les coups d’Etat de mai 2021 au Mali ; de septembre 2022 au Burkina Faso et de juillet 2023 au Niger.
En dépit de bons arguments de persuasion que pourrait avoir mobilisé le président ghanéen, il n’est pas sûr que les Etats de l’AES veillent revenir dans une CEDEAO désormais moribonde.
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