Agriculture : plusieurs États de l’UE, dont la France et l’Allemagne, veulent assouplir le versement des aides publiques

Bientôt des contraintes allégées pour les agriculteurs pour débloquer une enveloppe de subventions ? Une quinzaine d’États de l’UE, dont la France et l’Allemagne, ont réclamé lundi à la Commission européenne de relever le niveau maximal d’aides publiques qu’un pays peut accorder à une exploitation agricole sans notification formelle ou feu vert préalable de Bruxelles. Un nouveau pas vers le secteur, secoué ces derniers mois par une importante contestation sociale à travers l’Europe.

Un règlement actualisé début 2019 autorise les États membres à allouer jusqu’à 20 000 euros de subventions publiques, en dehors des fonds européens de la politique agricole commune (PAC), à une exploitation agricole sur une période de trois ans sans devoir en informer la Commission, gardienne de la concurrence de l’UE. Au-delà, ils doivent détailler ces financements à Bruxelles, qui peut éventuellement s’y opposer en raison des règles drastiques de l’UE sur les aides d’État.

Lors d’une réunion des ministres européens de l’Agriculture lundi au Luxembourg, au moins 15 pays, emmenés par l’Allemagne, ont formellement demandé à Bruxelles de relever à 50 000 euros (par exploitation, sur trois ans) ce plafond d’aides baptisées « de minimis ».

« Aider concrètement les agriculteurs »

« Le montant fixé en 2019 ne tient pas compte de la situation économique », a plaidé le ministre allemand Cem Özdemir avant la réunion. Changer la règle « serait très efficace, aidant concrètement les agriculteurs, non bureaucratique, et ne conduisant pas à un amoindrissement environnemental », a-t-il insisté, revendiquant le soutien de 14 autres États au total. « Je pars du principe que la Commission en tiendra compte, que nous passerons rapidement à la mise en œuvre », a-t-il appuyé, tandis que son homologue autrichien Norbert Totschnig a salué « une mesure sensée et nécessaire ».

Les Vingt-Sept bénéficient encore du cadre temporaire adopté pour répondre à la crise des marchés agricoles provoquée par la guerre en Ukraine, qui permet aux États membres d’octroyer jusqu’à 280 000 euros aux entreprises agricoles touchées par la crise, et ce jusqu’à fin juin 2024. Mais ce cadre, qui pourrait être prolongé pour six mois, reste temporaire et alimente « l’incertitude », a souligné le ministre français Marc Fesneau.

« Les crises se succèdent, on met en place des modus operandi qui ne sont pas efficients parce qu’on sature tout de suite : quand on voit le cumul des crises -sanitaire, climatique, économiques-, ça pose un problème structurel », a-t-il insisté, pointant des plafonds trop rapidement atteints. Il a dit espérer « un dialogue constructif » avec Bruxelles.

« Sans doute deux sons de cloche »

« Il faut que le cadre (des aides) de minimis évolue, ne serait-ce qu’en termes d’indexation sur l’inflation (…) mais tous les pays n’ont pas la capacité financière de pouvoir aider leurs agriculteurs », a cependant averti le ministre belge David Clarinval, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE.

Faute de marges budgétaires suffisantes, « certains pays ont plutôt une volonté de réponse globale et partagée », au niveau européen », a-t-il relevé. « Il faudra entendre tous les points de vue, on aura sans doute deux sons de cloche » lors du débat entre ministres, s’est-il d’ores et déjà avancé.

Ces débats surviennent quelques jours après l’adoption par le Parlement européen d’une révision de la PAC, la délestant de certaines règles environnementales, afin d’apaiser la colère du secteur. Les eurodéputés ont approuvé un texte qui prévoit notamment de supprimer complètement l’obligation de laisser au moins 4 % des terres arables en jachères ou surfaces non productives et de permettre des dérogations pour éviter des pénalités en cas d’épisodes climatiques extrêmes.

Marc Fesneau avait alors salué sur X « une étape importante et très attendue par les agriculteurs français et européens », alors qu’à l’inverse, Verts et ONG écologistes ont dénoncé un recul environnemental.

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