Un meilleur mode de vie est associé à un moindre risque de maladie d’Alzheimer, quelle que soit la prédisposition génétique, selon une nouvelle étude de l’Inserm. Des résultats qui encouragent le développement pour tous de programmes de prévention ciblant les facteurs modifiables liés au mode de vie. Communiqué.
Améliorer notre mode de vie peut-il ralentir le développement de la démence et sa principale cause, la maladie d’Alzheimer ? Cette question est au cœur de nombreux travaux de recherche et notamment ceux menés par des scientifiques de l’Inserm et de l’université de Bordeaux au sein du Bordeaux Population Health Research center. Dans une étude récente menée par l’épidémiologiste Jeanne Neuffer, l’équipe de la chercheuse Inserm Cecilia Samieri a montré qu’adopter un mode de vie plus sain peut retarder l’apparition de la démence [1] et ralentir le déclin cognitif, même chez les personnes présentant un risque génétique élevé pour la maladie d’Alzheimer. Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication scientifique parue dans la revue Alzheimer’s & Dementia.
Contexte
La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative qui représente la première cause de démence. Elle se caractérise par un déclin cognitif majeur (troubles de la mémoire, des fonctions exécutives et de l’orientation dans le temps et l’espace…). Plusieurs facteurs génétiques et environnementaux peuvent augmenter le risque de développer la maladie, même si l’âge reste le facteur de risque le plus important.
Il n’existe aujourd’hui aucun traitement curatif à la maladie d’Alzheimer. La maladie évolue de plus sur des dizaines d’années avant que les premiers symptômes n’apparaissent. La recherche se penche donc naturellement vers la prévention, dans l’espoir de limiter les symptômes et/ou ralentir la maladie. Une des pistes les plus étudiées actuellement consiste à s’intéresser à la combinaison de facteurs de risque modifiables, liés au mode de vie. Des travaux pour étudier si un meilleur profil de facteurs de risque modifiables peut être protecteur et retarder le développement de la maladie, et si la relation est modifiée par le risque génétique des individus, ont déjà été publiés aux Etats-Unis, aux Pays-Bas ou en Angleterre, mais elles ont donné des résultats contradictoires.
Une étude de cohorte
Cette nouvelle étude de l’Inserm, la première en France, avait donc pour but de s’intéresser à cette question afin d’aller plus loin sur le sujet. Les chercheurs et chercheuses ont suivi 5 170 participants de plus de 65 ans de l’étude des 3 cités[2], pour une durée allant jusqu’à 17 ans. Au début du suivi, aucun n’avait un diagnostic de démence.
Au cours du suivi, les scientifiques ont étudié à la fois l’incidence de la maladie (nombre de personnes développant une démence, dont 2/3 environ de la forme Alzheimer), ainsi que l’évolution des performances cognitives des participants (ceux qui sont sur la voie de la maladie développent un déclin cognitif accéléré).
Pour étudier les facteurs de risque modifiables de la démence, les scientifiques ont par ailleurs utilisé et attribué à chaque participant un score de risque appelé LIfestyle for BRAin health score (LIBRA). Le LIBRA comprend un score pondéré de 12 composantes, notamment des facteurs liés au mode de vie (mauvaise alimentation, inactivité physique, faible engagement dans des activités cognitives stimulantes, consommation d’alcool nulle ou élevée et tabagisme), à la santé cardio-métabolique (antécédents de maladie cardiaque, diabète, taux de cholestérol élevé, obésité et hypertension), au dysfonctionnement rénal ou encore à la dépression.
Enfin, pour caractériser le risque génétique de chaque participant, les scientifiques ont utilisé deux critères différents. Le premier était la présence ou non du gène APOE-ε4, qui est le principal facteur de risque génétique de développer la maladie d’Alzheimer. Le deuxième était un score de risque génétique qui regroupe les autres facteurs de susceptibilité génétique de la maladie.
A partir de ces données, les scientifiques ont mené des analyses statistiques pour évaluer si la susceptibilité génétique individuelle influençait la relation entre le score LIBRA et le risque de développer une démence, ainsi que les trajectoires de déclin cognitif.
Leurs résultats montrent que plus une personne a un score LIBRA élevé, en faveur d’un plus grand nombre de facteurs dans le sens défavorable à la santé, plus elle a un risque de développer la maladie, et ce quel que soit ses prédispositions génétiques pour l’Alzheimer.
Cela suggère que des programmes de prévention ciblant les facteurs modifiables liés au mode de vie pourraient bénéficier à tous, même aux personnes qui présentent une prédisposition génétique à la maladie d’Alzheimer.
« Encourager ces personnes à modifier certains de leurs comportements, agir sur des facteurs de risque modifiables, est susceptible d’apporter des bénéfices significatifs pour réduire le vieillissement cognitif et retarder les symptômes de la maladie d’Alzheimer », souligne Cécilia Samieri, directrice de recherche Inserm et dernière auteure de l’étude.
L’équipe souhaiterait désormais s’intéresser aux facteurs de risque génétiques d’un point de vue plus global – ou « pangénomique ». Là où cette étude ne s’est focalisée que sur les gènes associés à la maladie d’Alzheimer, il pourrait être utile de regarder tout le génome. L’hypothèse est qu’il y aurait peut-être des sous-groupes de la population générale pour lesquels les stratégies de prévention seraient plus efficaces, non pas parce qu’elles présenteraient certains variants génétiques liées à Alzheimer mais parce qu’elles seraient porteuses de variants spécifiques à certains facteurs de risque, comme les gènes liés au métabolisme de la nutrition par exemple. Mettre en place une telle étude nécessiterait cependant de s’intéresser à un très grand nombre de participants.
Enfin, pour établir des liens de causalité plus solides, les chercheurs et chercheuses suggèrent qu’il faudrait réaliser une étude d’intervention, c’est-à-dire une étude visant à modifier plusieurs des facteurs du LIBRA chez les personnes âgées, pour voir si cela a un impact sur le développement de la maladie ou ses signes précoces.
[1] La démence est un ensemble de symptômes parmi lesquels on observe une dégradation de la mémoire, du raisonnement, du comportement et de l’aptitude à se repérer dans l’espace… La démence résulte de diverses maladies et lésions qui affectent le cerveau. La maladie d’Alzheimer est la cause la plus courante de démence et serait à l’origine de 60 à 70 % des cas.
[2] Promue par l’Université de Bordeaux, l’étude 3C est une étude dite « de cohorte ». Le principe de ce type d’étude est de de suivre des personnes qui sont en bonne santé, ou du moins qui ne souffrent pas de la maladie que l’on veut étudier, ici la maladie d’Alzheimer, pendant plusieurs années. Pour l’étude 3C, 9 294 personnes âgées de 65 ans ou plus ont été recrutées dans 3 villes : Bordeaux, Dijon et Montpellier (d’où le nom Trois Cités), par tirage au sort sur les listes électorales
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