La doctrine de dissuasion nucléaire de la France est-elle en train d’évoluer ? La question se pose depuis le discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne, le 25 avril. À l’origine, et pour simplifier, la protection ultime du pays repose sur l’emploi possible de l’arme atomique au cas où les intérêts vitaux de la France seraient menacés. Or, dans son allocution sur l’Europe, le chef de l’État a souligné que la dissuasion nucléaire française était « un élément incontournable de la défense du continent européen ». Aujourd’hui, sa protection est assurée par le parapluie nucléaire américain, via l’Otan.
Le président envisagerait-il de « partager » la dissuasion avec nos partenaires de l’UE ? Aussitôt, les oppositions se sont dressées : François-Xavier Bellamy, tête de liste LR aux européennes, fustigeant une atteinte « d’une gravité exceptionnelle (…), touchant au nerf même de la souveraineté française » ; Marine Le Pen (RN) déniant par avance toute « légitimité démocratique » à un tel partage qui équivaudrait selon elle à « abolir » la dissuasion.
« Européaniser », pas « partager »
Du côté des alliés européens, si ces propos présidentiels n’ont pas fait bondir comme sa sortie sur l’envoi de troupes en Ukraine, ils ont soulevé à la fois de l’intérêt et des interrogations. Dans quelle mesure, se demandent-ils, la France est-elle prête à bouger dans sa posture vis-à-vis de l’Otan et de la défense européenne ?
Comme souvent, l’entourage du président a dû préciser certains aspects de sa déclaration. D’abord, « européaniser » ne signifie pas « partager » : il n’y a pas de dissuasion européenne, mais une dimension européenne à la dissuasion, qui reste souveraine. En clair, le président de la République demeure, conformément au système mis en place par le général de Gaulle, l’unique décideur de sa mise en œuvre. Quant à élargir les intérêts vitaux de la France à l’Europe, ce n’est pas totalement nouveau : Emmanuel Macron l’avait déjà théorisé dans son discours fondateur en la matière, en février 2020, à l’École de guerre. Certains prédécesseurs, notamment Jacques Chirac, avaient amorcé cette inflexion. Une attaque massive contre l’Allemagne ou d’autres partenaires constituerait forcément une atteinte aux intérêts et à la sécurité du pays.
Macron fait néanmoins un pas de plus, proposant d’« ouvrir le débat ». Cela pourrait-il aller jusqu’à des scénarios où la « bombe » française, tout en restant autonome, pourrait compléter la panoplie otanienne-européenne ? On n’en est pas là. Si Paris a réintégré, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le commandement intégré de l’Otan, il ne fait pas partie du Comité des plans nucléaires, où se tiennent les discussions stratégiques de l’alliance. Pour l’heure, l’exécutif ne donne aucun signe dans le sens d’une intégration dans ce groupe.
Une certitude, en attendant : ce débat paraît d’autant plus nécessaire que le lien transatlantique paraît de moins en moins garanti. Que se passera-t-il si Donald Trump redevient président des États-Unis en janvier 2025 ?
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