Arrivé en Belgique à l’âge de 16 ans, en 2010, Idriss Soumah a vécu le même parcours du combattant que Mamadou Lamarana. Le ton posé, le verbe facile, le regard lumineux, le Guinéen se livre avec un franc-parler qui surprend et une résilience que lui a « offerte » son parcours migratoire. « Comme lui, je suis arrivé seul ici en Belgique au centre Fedasil. Je me souviens que j’étais en 5eannée à l’athénée royal de Philippeville quand on m’a dit que ma demande de régularisation était irrecevable. La lettre s’accompagnait d’un avis d’expulsion. À ce moment-là, c’est l’angoisse qui vous prend. J’avais peur de me faire arrêter dès que je croisais des policiers. D’ailleurs, j’ai toujours encore une appréhension quand je les aperçois », confie-t-il. Il y a des épisodes de vie qui vous marquent plus que d’autres.
Et même s’il a longtemps connu les « bas », il témoigne aussi de belles histoires de solidarité. « Comme pour Mamadou, il y a eu une très forte mobilisation dans mon entourage et au sein de mon école. Je ne sais pas si c’est ce qui m’a sauvé mais j’ai ensuite obtenu ma régularisation. J’ai vraiment été touché par cet élan de solidarité. J’étais même très ému et je me sentais porté par tous ces messages. Je pense que c’est ce qui a permis de mettre un coup de projecteur sur mon parcours et sur mon histoire. » Idriss n’était plus le numéro. Il n’était plus le dossier sur la table de l’office des étrangers. Il était devenu celui qui se battait pour rester.
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« La réciprocité de la tolérance »
Diplômé d’un double master en ingénierie de la prévention et gestion des conflits, il termine désormais une spécialisation en philosophie et théorie politique. Quatorze ans plus tard, le parcours de Mamadou le fait replonger dans de lointains souvenirs qui sont loin d’être enfouis. « Je me rends compte que ce qui m’a sauvé pendant tout ce temps c’était la réciprocité de la tolérance. J’avais beaucoup de chance d’avoir des regards bienveillants, des rencontres qui m’ont permis de me rassurer mais je m’aperçois aussi aujourd’hui qu’en toute modestie, je leur ai bien rendu cette tolérance. Je pense qu’on s’est fait grandir finalement tous ensemble. Ce sont ces personnes, humainement ancrées, qui m’ont permis de toujours garder espoir. »
Et aujourd’hui, le Guinéen de 29 ans veut porter son message. « Je ne veux pas que le parcours migratoire soit un tabou. Je veux qu’on puisse oser en parler et ouvrir toutes les fenêtres. J’ai revu ma famille l’année dernière quand je me suis rendu en Afrique. Ça m’a permis de comprendre ce qu’il s’était passé et pourquoi mes parents avaient pris la décision de m’envoyer en Belgique. À 16 ans, j’avais plutôt le sentiment d’avoir été abandonné mais aujourd’hui, j’ai un autre regard. J’ai désormais deux familles, deux cultures et deux ancrages. »
Les idées assumées, un message qui porte par son vécu, Idriss Soumah veut faire évoluer la société et son pays d’adoption. « C’est paradoxal que la population vote pour des partis qui ne soutiennent pas ou ne renforcent pas le secteur de l’immigration alors que la grande majorité des citoyens est touchée par les histoires similaires à la mienne. Il y a toujours de beaux élans de solidarité. Je veux faire évoluer les mentalités. Je me dis que ça peut aider et en inspirer d’autres. Je plaide pour qu’il y ait des critères objectifs mais aussi un regard au cas par cas sur chaque personne. Parce que, oui, nous sommes des personnes, pas des dossiers sur le coin d’une table. Je sais que tous n’ont pas eu la même chance que moi. Aujourd’hui, je me bats pour les autres. » Idriss est ainsi la preuve que toutes les histoires ont une fin. Même les pires.
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