Le poste de présidence de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire est-il un véritable tabouret maudit ? Adama Bictogo, l’actuel président de l’hémicycle, est actuellement en train de faire l’expérience du sort réservé aux occupants trop ambitieux du poste dont il a lui-même littéralement évincé Guillaume Soro, aujourd’hui en exil au Niger.
Adama Bictogo réclamé par les génies du « Tabouret maudit »
Concepteur du principe du « tabouret » à libérer dès lors qu’on n’est plus en odeur de sainteté avec Alassane Ouattara, Adama Bictogo est en plein rendez-vous avec le karma. L’homme d’affaires prospère du RHDP subit actuellement des pressions sans précédent pour des ambitions présidentielles qu’il aurait affichées auprès de ses proches sans attendre l’accord de son leader, le président Alassane Ouattara. Ses camarades de parti, le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), au pouvoir en Côte d’Ivoire, lui régleraient son compte sans tambour ni trompette.
Adama Bictogo, homme d’affaires influent et politicien qui a émergé lors des années de crise en Côte d’Ivoire, est soupçonné par les barons du RHDP de viser la présidence en 2025. Cette ambition présumée n’est pas sans conséquence, car depuis plusieurs mois, Bictogo fait face à des représailles sévères.
Les entreprises qu’il possède sont sous le coup de contrôles fiscaux et des membres de sa famille ont été auditionnés par le Pôle pénal économique et financier de Côte d’Ivoire. Cette pression économique et judiciaire qui se traduit aussi par des pertes de marchés en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso est une réponse à ses prétentions politiques, ce qui illustre bien l’adage politique ivoirien : « Celui qui veut manger le piment doit en supporter la brûlure. »
Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire : Le poste de tous les dangers
Bictogo n’est pas le premier à connaître des déboires à ce poste. Du temps de l’ancien Président Félix Houphouët-Boigny, Philippe Grégoire Yacé était le tout puissant patron des députés de Côte d’Ivoire. Ses rapports avec le père de la nation, à qui il rêvait de succéder, ne furent pas toujours au beau fixe. Il a d’ailleurs finalement été écarté de cette fonction en 1995 au profit d’Henri Konan Bédié, un stratagème de Félix Houphouët-Boigny pour consolider son pouvoir qu’il n’avait nullement l’intention de léguer à cet ami et compagnon de longue date.
Seul Henri Konan Bédié connut véritablement la paix à cette fonction puisqu’il s’était très tôt totalement mis au service du vieux en écartant de son esprit toute volonté de lui succéder. Disons qu’HKB comptait sur le travail de l’horloge biologique pour arriver à la présidence de la Côte d’Ivoire après Félix Houphouët-Boigny, et c’est ce qui s’est passé. Charles Bauza Donwahi remplacera le Phénix de Daoukro au poste de PAN à l’accession de Bédié au pouvoir d’État en Côte d’Ivoire suite au décès en 1993 de Félix Houphouët-Boigny.
Charles Bauza Donwahi décède le 2 août 1997 et est remplacé à la tête de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire par Émile Brou. Le régime d’Henri Konan Bédié balayé par le coup de force du général Robert Gueï, Émile Brou n’exerça plus car l’institution eut été suspendue par le général jusqu’à l’arrivée de Mamadou Koulibaly et les Refondateurs menés par le président Laurent Gbagbo.
La saga du chaudron politique de Côte d’Ivoire
Mamadou Koulibaly a, lui aussi, essuyé quelques frustrations à ce poste. Devenu un temps le successeur évident de Laurent Gbagbo, il a peu à peu été écarté du pouvoir bien qu’il soit resté silencieux sur le traitement auquel il faisait face de la part de ses camarades de lutte. C’est d’ailleurs cette séparation avec Laurent Gbagbo et les cadres du FPI qu’il matérialisera par la création de Leader au lendemain de la chute du régime de la Refondation.
Guillaume Soro lui a succédé en 2012 au poste de président de l’Assemblée nationale ivoirienne. Il avait également des ambitions présidentielles. Soro a été contraint à l’exil après une rupture brutale avec Alassane Ouattara. Il fait désormais l’objet de nombreuses poursuites judiciaires. Son cas a montré que les pouvoirs successifs en Côte d’Ivoire n’acceptent aucune concurrence potentielle, surtout de la part de figures influentes du même parti.
La situation actuelle d’Adama Bictogo reflète un schéma récurrent dans la politique ivoirienne. En effet, le tabouret de la présidence de l’Assemblée nationale semble être un siège éjectable pour quiconque ose défier l’autorité du Président et cela est encore vrai aujourd’hui dans la gouvernance de la Côte d’Ivoire par Alassane Ouattara.
Adama Bictogo, l’autre victime de la tradition politique ivoirienne
Bictogo aurait pu éviter la situation actuelle en perdant les élections municipales à Yopougon où sa candidature a été curieusement suscitée par le Président Alassane Ouattara. Une défaite en aurait fait un adversaire loin de taille qui n’aurait attiré aucun regard. Arracher le bastion du PPA-CI aux Gbagbo a été un mauvais signal qui a déclenché tous les signaux d’alertes de ses rivaux au RHDP.
Les contrôles fiscaux et les enquêtes financières en cours contre les entreprises d’Adama Bictogo, notamment SNEDAI, révèlent une volonté de neutralisation politique d’un adversaire interne au sein du parti. Ce scénario rappelle les déboires de Soro Guillaume et des plus subtils Laurent Gbagbo – Mamadou Koulibaly et Félix Houphouët-Boigny-Philippe Grégoire Yacé.
La question de la succession à Alassane Ouattara est actuellement au cœur du débat politique en Côte d’Ivoire. Le chef de l’État avait dit 5 ans plus tôt sa volonté de sortir du jeu politique, parce que fatigué par le poids de l’âge. Il affirmait n’avoir été forcé de revenir dans la partie qu’à cause de ce qu’il appela « cas de force majeure » que représentait selon lui le décès de son ami et bras droit Amadou Gon Coulibaly.
Comme à Yopougon, Adama Bictogo, peut-il déjouer les pronostics ?
Depuis le décès de Félix Houphouët-Boigny, la lutte pour le pouvoir dans le pays a souvent été marquée par des conflits internes violents et des trahisons politiques. Les tensions autour du cas Adama Bictogo montrent que les présidents de l’Assemblée nationale ne sont guère épargnés par ces turbulences. Amadou Soumahoro, le prédécesseur de Bictogo, n’a pour sa part pas eu le temps d’afficher des ambitions puisqu’il fut décédé seulement 2 ans, 9 mois et 28 jours après son installation sur le fameux tabouret.
Adama Bictogo, malgré sa position actuelle au RHDP, est désormais un homme isolé. Son influence au sein du parti a été réduite de manière significative, et il semble que le régime en place ait décidé de le mettre sous l’éteignoir pour de bon. Cette mise à l’écart est stratégiquement orchestrée pour l’empêcher de se positionner pour les élections de 2025. Les audits et les convocations de membres de sa famille sont autant de signaux clairs de cette volonté de le neutraliser. À l’image de sa sortie victorieuse de Yopougon, le peuple se demande comment il se débarrassera de l’étau qui se resserre de plus en plus autour de son cou.
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