Assurance-chômage : la France a-t-elle le régime le plus généreux ?

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Gabriel Attal devrait dévoiler la nouvelle réforme de l’assurance-chômage dimanche prochain visant à durcir les conditions d’accès au chômage. Selon la majorité, la France est plus généreuse que ses voisins européens. Mais la réalité est bien plus complexe.

A chaque annonce de projet de réforme de l’assurance-chômage, une même question revient : la France est-elle trop généreuse vis-à-vis de ses demandeurs d’emploi ? C’est du moins ce qu’affirme la majorité, alors que le gouvernement s’apprête à présenter une nouvelle réforme de l’assurance-chômage qui devrait en durcir les conditions d’affiliation.

Dans la réalité, c’est plus facile à dire qu’à démontrer. L’exercice de comparaison est rendu difficile par la variété des systèmes dans chaque pays, et des critères sur lesquels ils se fondent pour déterminer les conditions et le montant des droits : le montant de l’allocation, la durée d’indemnisation maximum, et les conditions d’obtention du chômage, notamment le temps de travail minimum. Que faut-il souhaiter : une longue période d’indemnité avec une faible allocation, ou l’inverse ? «Aucun pays ne surpasse les autres sur l’intégralité des critères. L’idéal est de trouver une forme d’optimum», résume Bertrand Martinot, expert associé à l’institut Montaigne, spécialiste du marché du travail.

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La France n’est pas le pays le plus généreux

Si l’on s’arrête sur la durée d’indemnisation, avec 6 à 18 mois d’indemnisation maximum, la France se situe dans la moyenne haute. «Même avec la réforme [qui prévoit de réduire la durée d’indemnisation de 25% en cas de baisse du taux de chômage sous le seuil des 6,5%], la France restera parmi les pays les plus généreux», affirme Bertrand Martinot. En Europe, la durée est parfois plus élevée, comme en Italie où elle peut aller jusqu’à 24 mois. Les conditions sont en revanche bien moins favorables au Royaume-Uni, avec environ 180 jours d’indemnisation maximum, soit un peu moins de 6 mois. En Belgique, la durée d’indemnisation est «en principe illimitée», mais le montant des allocations est dégressif. C’est-à-dire qu’il diminue progressivement en fonction de la durée du chômage et du passé du salarié (temps de travail, revenus, etc).

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Mais ce critère ne peut être isolé et ne dit pas tout de la générosité d’un pays, car l’accès à l’assurance chômage est conditionné dans la plupart des pays à une durée minimale de travail. Certes, l’Italie ouvre des droits dès 3 mois travaillés sur 4 ans – une exception en Europe – mais seulement pour un mois et demi d’indemnisation. «Pour obtenir les 24 mois d’indemnisation maximum, il faut avoir travaillé quatre ans», explique le spécialiste. En comparaison, la France et le Luxembourg exigent actuellement 6 mois de travail sur les deux dernières années. Même chose pour les Pays-Bas, même si, à partir d’un certain seuil, il faut travailler une année complète pour toucher un mois d’indemnité. En Espagne, en Allemagne, au Portugal et en Suisse, les droits s’ouvrent à compter de 12 mois de travail. «En revanche, en Angleterre, en Norvège ou au Danemark, c’est un montant minimum de salaire perçu qui est exigé pour permettre l’ouverture d’un droit à l’indemnisation», note l’Unedic sur son site.

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La durée d’indemnisation peut aussi varier selon la situation du demandeur d’emploi. En France, par exemple, elle peut être plus longue à partir de 53 ans, afin de tenir compte des difficultés de retour à l’emploi des seniors. La Suède prend également en compte le nombre d’enfants à charge. Ainsi, autant dans la durée que dans les conditions d’éligibilité, avec un coefficient à 0,75 appliqué au nombre de jours nécessaires pour ouvrir les droits pour une certaine durée, (contre 0,5 pour l’Italie), la France «reste un système très favorable», selon Bertrand Martinot.

Mais ce n’est pas tout. Il faut également regarder le montant de l’allocation qui varie selon les pays, de façon plus ou moins dégressive dans le temps. «Certains pays affichent des indemnisations très élevées, mais seulement dans les premiers mois. Le montant baisse ensuite progressivement», remarque l’expert. Il suffit de regarder le taux net de remplacement, c’est-à-dire la part du salaire qu’un chômeur conserve une fois au chômage, pour constater que la France (66% du salaire en moyenne) est dans la moyenne des pays de l’OCDE (67%), selon les dernières données de l’organisation. Ces chiffres tiennent compte des évolutions du montant des transferts sociaux et des prélèvements une fois au chômage – où certaines aides augmentent, et certaines cotisations baissent voire disparaissent – afin de comparer au mieux les pouvoirs d’achat entre les deux situations. Contrairement aux chiffres de l’Unédic, qui renvoient au montant brut de l’allocation rapporté au salaire antérieur.

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D’autres pays sont bien plus généreux que la France, comme la Belgique, le Danemark (78%) ou la Suisse (72%). L’Allemagne (60%), les Pays-Bas (64%) et l’Italie (62%) talonnent la France, quand le Royaume-Uni (20%) figure parmi les moins-disants des pays de l’OCDE. Mais la France applique très peu de dégressivité : seulement pour les plus hauts revenus, au bout du 7e mois. Tandis qu’en Italie, l’allocation perd 3% par mois dès le 6e mois d’indemnisation pour les personnes âgées de moins de 55 ans, et à partir du 8e mois pour les seniors. Au Royaume-Uni, le montant de l’allocation est le même pour tous sans tenir compte de l’ancien salaire : 76 euros par semaine pour les moins de 25 ans, 95 euros au-delà. Des aides peuvent s’ajouter toutefois.

Même avec la réforme, la France reste dans la moyenne haute

Pour complexifier encore les comparaisons, certains pays, comme la France, plafonnent les contributions d’assurance-chômage (15 456 euros par mois en 2023), d’autres les appliquent à la totalité du salaire. Le Danemark, qui est l’un des pays les plus généreux avec 90% du salaire de référence selon l’Unédic, plafonne l’allocation à 2 564 euros par mois. Tandis qu’en Suisse, où l’allocation touche 70% de son salaire de référence, le plafond est de 8 817 euros par mois, d’après l’Unedic. «Pour une comparaison idéale à l’international, il faudrait aussi prendre en compte ce qu’il y a autour des allocations chômage : l’aide au logement, le crédit d’impôt, etc», précise Bertrand Martinot.

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Avec son projet de réforme, Gabriel Attal souhaite durcir les règles d’accès aux allocations. «Les réformes de l’assurance-chômage de 2019-2021 allongeaient la durée de cotisation de 4 à 6 mois pour bénéficier de l’allocation chômage. On est passé d’une situation exceptionnellement favorable par rapport aux pays voisins, à une situation normale. Si l’on passe à 8 mois comme le projet de réforme le prévoie, la France restera dans la moyenne haute», juge le spécialiste. Selon lui, la France s’inscrit dans un mouvement général de sévérité à travers l’Europe. «Tous les pays qui ont réformé leur système d’assurance-chômage ont opté pour un modèle moins généreux à mesure que les taux de chômage ont baissé, à l’exception de la période 2020-2021, où des dispositifs temporaires ont été mis en place le temps de la crise sanitaire», ajoute-t-il.

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