Les mangroves, remparts verts contre les effets néfastes du changement climatique
Le Bénin jouit de vastes étendues de végétation luxuriante, véritables trésors verts qui s’érigent en remparts contre le réchauffement climatique. Parmi ces joyaux naturels, les mangroves tiennent une place prépondérante dans le quotidien des communautés riveraines béninoises. Elles atténuent les inondations et les raz-de-marée, tout en contribuant à endiguer la propagation de maladies endémiques telles que le paludisme. Cependant, leur disparition progressive au fil des années sonne l’alarme.
À Togbin Adouko, un village de pêcheurs situé à quelques kilomètres de Cotonou, les habitants ont un intérêt marqué pour les mangroves. Gérald Djikpessè, gestionnaire de l’aire communautaire, confesse avec humilité un revirement de conscience. « On n’avait pas compris l’utilité des mangroves. Aujourd’hui, nous savons qu’elles permettent la multiplication des fretins [des petits poissons ; ndlr] et nous aident à lutter contre certaines maladies. Je l’ai compris bien tardivement ».
D’un côté, la coupe des mangroves expose les communautés à des risques sanitaires accrus, notamment le paludisme, les diarrhées et d’autres maladies transmissibles. De l’autre, l’abandon de cette pratique traditionnelle menace leur sécurité alimentaire et leur gagne-pain.
En plus de leur beauté, ces écosystèmes extraordinaires jouent un rôle vital dans le combat contre les effets pervers du changement climatique : elles préviennent les inondations qui favorisent la prolifération du paludisme, des diarrhées et d’une multitude de maladies transmissibles aux conséquences souvent dramatiques. Si aucune mesure n’est prise pour restaurer et sauvegarder les mangroves d’ici 2050, la santé publique en souffrira.
Le Dr Alexandre Zoumènou, spécialiste en économie de la santé, avertit : « Selon nos calculs et nos estimations, si rien n’est fait pour sensibiliser les populations à l’urgence de protéger ces écosystèmes fragiles, nous allons vers une catastrophe avec une augmentation du taux de transmission du paludisme d’ici 2050 ». Un constat corroboré par le Dr Razaki Ossé, enseignant-chercheur à l’université du Bénin, qui souligne que la vulnérabilité accrue des populations côtières aux changements climatiques exacerbe encore davantage la situation.
Un dilemme entre santé et survie
Rachel Olou, âgée de plus de 75 ans, se souvient qu’il y a 30 ans, les moustiques n’étaient pas aussi nombreux. Marquée par la perte d’un petit-fils qui a succombé à une forme grave du paludisme, elle est désormais intransigeante sur la coupe des mangroves : « Depuis qu’on nous a expliqué les conséquences de la coupe des mangroves, j’en suis devenue la gardienne ».
Damien Fandi, qui dirige une entreprise artisanale de fabrication de sel, admet la difficulté de renoncer aux mangroves comme bois de chauffe : « Le véritable problème de santé ici est le paludisme, surtout en période de crues lorsque le fleuve déborde. Des associations nous ont dit d’arrêter de couper les mangroves pour éviter ces problèmes sanitaires. Mais pour notre activité, ce bois est recherché et utile ».
En effet, les mangroves fournissent également des ressources essentielles à la sécurité alimentaire et à l’économie locale des populations côtières. Leur bois, apprécié pour sa combustion rapide et durable, est convoité pour de multiples usages. Mais ce succès a un prix : les mangroves ont perdu un quart de leur superficie au Bénin, victimes d’une exploitation excessive.
La production du sel est particulièrement gourmande en mangrove, entraînant la coupe d’environ 20 000 m3 de bois de mangrove par an. Malgré les efforts pour moderniser les techniques de production de sel, les femmes qui en font leur métier préfèrent la méthode traditionnelle nécessitant la coupe des mangroves pour le bois de chauffe.
Cette dépendance vis-à-vis des mangroves place les populations côtières dans un cruel dilemme : préserver leur santé et leur environnement ou assurer leur survie économique. D’un côté, la coupe des mangroves expose les communautés à des risques sanitaires accrus, notamment le paludisme, les diarrhées et d’autres maladies transmissibles. De l’autre, l’abandon de cette pratique traditionnelle menace leur sécurité alimentaire et leur gagne-pain.
A tous les échelons, tous unis pour un même objectif
Face à ce dilemme complexe, la mobilisation prend forme. Le Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM) soutient un projet de restauration de sites pilotes de mangroves, visant à encourager la plantation de ces précieux écosystèmes pour résoudre les problèmes environnementaux et sanitaires.
Grâce au FFEM, des centaines de productrices sont formées et sensibilisées à l’importance de préserver cette végétation. Les dignitaires de religions traditionnelles sont également impliqués : les Béninois tendent à respecter tout ce qui est placé sous la protection des divinités, donnant ainsi naissance aux « mangroves sacralisées ».
Sur le chemin de la restauration des mangroves, le gouvernement béninois, aidé par des ONG, joue un rôle crucial. Depuis 2016, l’ONG Éco-Bénin s’investit dans la réparation des pertes et préjudices subis dans ce domaine. Les élus communaux, chefs de villages, jeunes, hommes et femmes participent à la plantation de milliers de palétuviers, les arbres qui constituent les mangroves, devenant ainsi responsables du suivi, de l’entretien et de la protection des plants.
Le Bénin a lancé, le 25 avril 2024, une campagne de vaccination contre le paludisme pour les enfants de zéro à cinq ans, Mais il ne faut pas pour autant baisser la garde. La préservation des mangroves reste un enjeu crucial pour la santé des populations côtières.
Christophe Aklé, géomètre, en est convaincu. « Si nécessaire, une loi devrait être adoptée pour préserver la santé des plus vulnérables. J’ai travaillé dans un centre de santé et j’ai vu des enfants mourir d’anémie causée par le paludisme. Bien qu’il existe aujourd’hui un vaccin et qu’une campagne a été lancée, cela ne justifie pas la poursuite de la coupe des mangroves ».
Zacharie Sohou, océanologue et directeur de l’Institut de Recherche Halieutique du Bénin (IRHOB), abonde dans ce sens. « La coupe des mangroves et la dégradation de leur écosystème augmentent les risques d’élévation du niveau de la mer, de raz-de-marée et d’inondations. »
Mais les dangers ne s’arrêtent pas là. « En outre, cette déforestation a un impact négatif sur la santé des communautés locales, les exposant à des émissions de fumée nocive provoquant des problèmes respiratoires et des brûlures cutanées », ajoute le scientifique.
L’histoire de Togbin Adouko nous interpelle et nous invite à une réflexion profonde sur notre relation avec l’environnement. Les mangroves ne sont pas de simples paysages pittoresques, mais des alliés indispensables dans la préservation de notre santé et de notre bien-être. Leur sauvegarde n’est pas une option, mais une nécessité impérieuse pour un avenir durable.
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