L’Église catholique au Bénin est-elle encore neutre ou serait-elle en train de prendre parti ? La question est au cœur des débats suite à certaines interventions ayant agité la toile fin avril en réaction à l’initiative de l’Observatoire chrétien catholique de la gouvernance (Occg) de tenir un colloque sur le thème : « Les modifications du Code électoral au Bénin de 1990 à aujourd’hui : le Code électoral, le vivre-ensemble et la participation de tous à la construction de la Nation. Contribution de l’Église à la paix sociale pour des élections véritablement démocratiques en 2026 ».
À deux ans de la fin du second mandat constitutionnel du président Patrice Talon, sur demande de la Cour constitutionnelle, l’Assemblée nationale a en effet entériné, le 5 mars, une modification du Code électoral. Selon la nouvelle version du document, les duos candidats à l’élection présidentielle de 2026 devront être parrainés par 15 % des députés et/ou maires du pays. Avant cette révision, l’exigence était de 10 %. « C’est un texte bourré d’incongruités et de contresens juridique » s’est par ailleurs indigné, le 15 mars, Eric Houndété, chef de file de l’opposition béninoise, assurant que « cela n’empêchera pas les Béninois de gagner les élections en 2026 ».
Plus tôt, à quelques heures de cette session parlementaire du 5 mars, dans une déclaration datant du même jour, l’Église, s’associant à un collectif de leaders religieux protestants et musulmans, invitait les députés « au nom de l’intérêt supérieur de la Nation, de la préservation de la paix et de la stabilité de notre pays, à éviter toute loi ou disposition pouvant porter à l’exclusion ». L’objectif de cette déclaration conjointe, « épargner au peuple béninois les violences qui ont émaillé les dernières élections » et favoriser « le vote d’un code électoral qui garantisse des élections pacifiques, transparentes, inclusives et démocratiques en 2026 ».
Critiques du gouvernement
Au lendemain de cette révision du code électoral, le 17 mars, le père Nathanaël Soédé, président de l’Observatoire chrétien catholique des cadres et personnalités politiques annonçait qu’« on aura bientôt des journées de réflexion sur le code électoral ». « Est-ce que ce code électoral peut permettre le vivre-ensemble ? » s’est interrogé, face aux médias, celui qui est également l’aumônier national des cadres et personnalités politiques du Bénin. Chose promise, chose due. Le colloque s’est ouvert le 25 avril, mais dans un contexte de soupçons et de remise en cause de la neutralité de l’Église.
À la télévision nationale, commentant l’initiative au soir du 25 avril, Wilfried Houngbédji, porte-parole du gouvernement béninois a insinué une instrumentalisation de l’Église. « Une fois que le code a été voté, ceux qui étaient minoritaires à l’Assemblée nationale dont certains des amendements ont été pris en compte mais qui n’ont pas trouvé satisfaction sur certains autres aspects se sont dépêchés d’aller se plaindre au clergé » se désole-t-il.
Houngbédji s’étonne qu’en pareil contexte, le clergé ne se soit fendu d’une demande au gouvernement ou à l’Assemblée nationale afin de cerner davantage les contours du code controversé avant de convoquer le colloque. À ses yeux, « l’arbitre neutre, le médiateur aurait exactement fait cela ». Et de conclure : « La démarche est critiquable et condamnable d’autant plus qu’elle vient de l’Église catholique (…) mieux placée pour comprendre la portée des réformes parce que pour que l’Église soit ce qu’elle est aujourd’hui (…) il aura fallu le courage réformateur d’un certain Grégoire VII ».
« Soucieuse de paix, l’Église ne cherche pas à prendre position »
Pour sa part, l’Église se veut rassurante. Le père Soédé assure que l’initiative de ce colloque est partie du constat que « cette loi électorale suscite au sein de la population beaucoup de questionnements, d’inquiétudes ». Et c’est fort de cela que « l’Église qui a le souci de prévenir tout ce qui peut entamer la paix à l’avenir, pense qu’il faut prévenir » a-t-il ajouté.
Il est conforté par Mgr Roger Houngbédji, archevêque de Cotonou qui, en ouvrant ce colloque, en a clairement circonscrit le champ : « Cette rencontre est une invitation de l’Église à prendre conscience de la fraternité qui nous lie et nous oblige à nous écouter mutuellement, à chercher à connaître et à comprendre tout ce qui concerne la vie et la gestion de notre pays notamment en période électorale où les passions se déchaînent et donnent quelquefois lieu à des comportements imprévisibles ». Et d’avertir, « ne faisons pas de cette rencontre ce qu’elle ne devrait pas être ».
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