Au Bénin, le conte reste un instrument de transmission des valeurs traditionnelles et chrétiennes

À « Adjrouhoué » (village de contes, en langue Fon) à Agonmè dans la banlieue d’Abomey-Calavi (sud), Fidèle Anato, 45 ans, conteur professionnel, prépare sa rencontre hebdomadaire, avec une trentaine de jeunes passionnés. Depuis 2008, tous les mercredis et dimanches, c’est un rendez-vous unique qu’ils ne veulent manquer sous aucun prétexte. Au menu : déclamation de contes, séquence de questions-réponses et divertissements qu’accompagne du jus de fleurs d’hibiscus offert par le centre. « Il y en a qui viennent du quartier, certains de Godomey ; d’autres viennent jusque d’Akpakpa Cotonou-ville, à presque une trentaine de kilomètres d’ici », détaille Anato.

Au Bénin comme dans bien d’autres contrées africaines, le conte suscite encore aujourd’hui engouement et intérêt au sein de la population. « Les adultes sont nostalgiques des veillées autour du conte de jadis tandis que les enfants, eux, veulent découvrir », souligne Anato. Pour satisfaire l’attente enfiévrée de son public, le conteur puise non seulement dans les contes africains, mais aussi dans des répertoires exotiques engrangés pendant ses séjours en Belgique et en France.

Cet engouement résulte, semble-t-il, du fait que l’Afrique a une grande tradition orale dont le conte est un instrument privilégié de transmission. « Comme le chant, il est un puissant instrument d’expression et un remarquable vecteur de transmission de valeurs et de sagesse culturelle (savoir-être, savoir-faire) personnelle ou collective, qui contribuent à éduquer », assure le père Israël Mensah. Prêtre franco-béninois de l’Oratoire, fondateur de « Mémoires d’Afrique », il organise chaque année, depuis 1998, « La nuit des contes » au Bénin.

Le conte, vecteur de valeurs chrétiennes ?

Dans sa pratique au Bénin, le conte fait la part belle à des valeurs de l’Afrique traditionnelle procédant du savoir-être et du savoir-faire : le respect des aînés, la discrétion, la patience, la persévérance, etc. qu’enseigne également le christianisme. Peut-il, de ce fait, constituer aujourd’hui un canal de transmission de la foi et des valeurs chrétiennes ?

« Toutes valeurs chrétiennes étant avant tout valeurs humaines, c’est tout à fait évident que contes africains et valeurs chrétiennes se rejoignent sur les éléments de sagesse à communiquer et surtout à enseigner pour l’édification de l’être humain », analyse le père Roland Techou. Initiateur du « Café Philo », ce prêtre utilise le conte dans le cadre de ce programme d’ateliers de philosophie pour enfants au Bénin.

« La Bible n’est pas un livre de contes mais elle peut se raconter car elle renferme de belles histoires chrétiennes qui peuvent se partager », explique pour sa part le père Mensah. Il évoque, par exemple, les histoires d’Abraham, David ou Salomon. « À travers leurs luttes, doutes et victoires, ils parlent à nos aspirations humaines les plus profondes : la quête de sens, la justice, la rédemption et le pardon » souligne-t-il. Comment procéder ? « En lisant ces histoires aux enfants sous la forme littérale d’un conte ».

Parmi les genres oraux, « il n’y a, fondamentalement, plus que le conte qui puisse servir de vecteur des valeurs chrétiennes », estime Anato. Et pour cause : « dans le courant de retour aux cultures africaines, beaucoup de personnes veulent consommer du conte ». Précisément, ajoute-t-il, il s’agit de « transmettre aux enfants et aux femmes, socles de la société, des valeurs telles que la tolérance, le vivre-ensemble, le pardon, la paix qui sont des valeurs que je puise dans ma foi chrétienne catholique ».

Comédienne et conteuse depuis 2019, Armelle Nagoba encourage l’Église à « initier des événements publics au cours desquels des conteurs professionnels, à partir d’extraits bibliques, conçoivent des contes et les racontent au public ».

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