Une conférence publique portant sur l’impératif de la bonne gouvernance a eu lieu jeudi 10 avril 2025 à l’Institut des artisans de justice et de paix (Iajp), un centre de recherche et de formation de la Conférence Épiscopale du Bénin (Ceb) sis à Cotonou. Occasion pour les organisateurs de rappeler la neutralité politique de l’Église et l’urgence d’«un retour de l’économie et de la finance à une éthique en faveur de l’être humain» comme le recommande le Pape François.
Juste Hlannon – Cotonou
«L’impératif de la bonne gouvernance pour relever les défis actuels», tel est le thème sur lequel l’Institut des artisans de justice et de paix (Iajp) a voulu se pencher à l’occasion de sa première conférence publique du deuxième trimestre de l’année. S’inscrivant en suite chronologique d’une précédente conférence tenue au mois de janvier et qui portait sur «l’urgence de la viabilisation des régions défavorisées», celle de ce mois d’avril visait à «démontrer que la situation géographique ou politique d’une région ne doit pas en handicaper le développement».
Le père Éric Aguénounon, directeur de l’institut, ajoute que «la question de la bonne gouvernance est un enjeu majeur en Afrique aujourd’hui». Et pour cause, «sans bonne gouvernance, on ne peut pas parler de souveraineté, de justice et de paix encore moins de stabilité politique». Cette bonne gouvernance est, renchérit-il, la condition pour que toutes les régions du continent soient touchées par la dynamique du développement, en l’occurrence, «les zones laissées-pour-compte qui ne sont pas atteintes par les politiques publiques» et où «émergent l’extrémisme religieux, le banditisme et autres situations périlleuses pour les populations».
«Lutter pour réduire le fossé social entre riches et pauvres»
Le sujet est d’autant plus d’actualité au Bénin où le père Aguénounon constate qu’«on a mis en place une stratégie économique de pays riches déconnectée de nos réalités parce qu’on veut atteindre un but». En pareil contexte, ce prêtre spécialiste en sciences politiques juge nécessaire de «réduire le fossé social entre riches et pauvres, ce qui infléchirait la misère de sorte que l’économie soit non plus seulement de capitaux mais plutôt une économie sociale». Il évoque, à cet effet, l’appel du Pape François qui, dans Evangelium Gaudium no58, écrivait: «Je vous exhorte à la solidarité désintéressée et à un retour de l’économie et de la finance à une éthique en faveur de l’être humain».
Selon le professeur Joseph Djogbénou, conférencier du jour, «la gouvernance renvoie à l’art et la manière de gérer» ce qui, pour lui, induit «le fait de faire des choix». Pour l’universitaire, ancien président de la Cour constitutionnelle du Bénin, «gouverner, c’est inévitablement discriminer parce que c’est choisir, parfois même exclure, mais en ayant en considération le service de l’homme, la dimension humaine de la gouvernance; en ayant en considération la pérennité et la pérennisation de la société, c’est-à-dire en pensant à aujourd’hui mais aussi à demain».
«Notre mine, c’est notre jeunesse»
À partir de cette approche définitionnelle, le professeur Djogbénou dégage deux conditions de la bonne gouvernance: le renforcement des fondations de bonne gouvernance et la satisfaction durable de la demande de justice sociale. Il a insisté, d’une part, sur «le renforcement de la fondation politique – c’est-à-dire la qualité du personnel politique» et d’autre part, «le renforcement de la fondation économique qui suppose une capacité à assurer la résilience économique».
Quant à la satisfaction de la demande de justice sociale, le professeur Djogbénou estime qu’«il faut d’abord apporter les réponses aux demandes les plus urgentes en termes de vulnérabilités». Parmi ces vulnérabilités, il évoque la jeunesse. «Notre mine, notre bombe, notre arme, ce ne sont pas les armes conventionnelles; c’est notre jeunesse, surtout nos filles, nos femmes, potentiellement plus nombreuses que les hommes au Bénin selon la courbe démographique», a-t-il lancé.
Cette conférence qui donnait ainsi la parole au président du plus grand parti politique de la mouvance présidentielle au Bénin, aura également été l’occasion pour le père Aguénounon de rappeler la neutralité de l’Église. «L’Église s’inscrit dans la dynamique miséricordieuse christique lorsqu’elle scrute et se prononce sur les problèmes de notre temps. Elle ne stigmatise aucune personne; elle écoute et dialogue avec tous», a-t-il conclu.
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