Après des mois de délestages plongeant le Gabon dans l’obscurité, la junte accélère le pas. Deux nouveaux contrats viennent d’être signés pour résoudre la crise énergétique, une annonce qui tombe à point nommé à l’approche de la campagne électorale. Le général Oligui, en quête de légitimité, joue gros.
Au Gabon, tout semble réussir au général Brice Oligui Nguema. Après un coup d’État, ici appelé coup de libération, qui s’est déroulé de manière apaisée, le militaire est applaudi pour avoir remis le pays en état de marche : chantiers qui avancent, nouveau cadre constitutionnel, assainissement des finances… Si bien que, près d’un an et demi après l’arrivée des militaires au pouvoir, le chef de la transition a été fortement poussé par la population à se porter candidat à l’élection présidentielle afin de poursuivre le travail entrepris. Néanmoins, tandis que le militaire s’apprête à officiellement entrer en campagne électorale, une ombre au tableau demeure : les coupures de courant récurrentes pourraient lui coûter sa popularité.
Car la crise énergétique que traverse le Gabon depuis le putsch du 30 août 2023 est sans précédent. Actuellement, tandis que la demande en électricité de Libreville est estimée à 330 mégawatts (MW), la société nationale d’eau et d’électricité (SEEG) ne peut fournir que 240 MW. Et le reste du pays est tout autant touché. Face à la pénurie, le pouvoir met en place des périodes de délestage qui alimentent le mécontentement des Gabonais. Et cette situation affecte un peu plus à chaque black-out la réputation du chef de la transition.
« À cause de ces coupures, j’ai perdu des appareils, ma télévision a grillé et certaines de mes prises électriques, aussi », déplore Patricia Niang, habitante de Libreville. Durant cette période, la jeune femme a passé la plupart de ses nuits à même le sol. « Je n’arrivais pas à dormir sur le lit avec la chaleur, sans ventilateur ni climatisation », explique-t-elle, témoignant des douleurs corporelles et des migraines que ces « mauvaises nuits » passées ont laissées. « Que font les militaires ? On n’a jamais connu ça avant », fustige-t-elle.
En réponse, les autorités accusent la mauvaise gestion de la SEEG sous le régime d’Ali Bongo. Une enquête diligentée par les militaires avait révélé, en août 2024, un vaste détournement des recettes via l’installation d’un réseau parallèle. Une importante perte de bénéfices qui expliquerait aujourd’hui la vétusté des équipements et l’origine de la pénurie.
Épine dans le pied du général
Le général avait lui-même dénoncé « un système mafieux » et « l’incompétence des agents ». Mais les Gabonais soulignent la difficulté des putschistes à endiguer la crise. Et ces derniers peinent à cacher leur embarras face à cette situation, au point d’interdire, le 8 février, une manifestation qui devrait se tenir pour protester contre les défaillances de la SEEG.
Juste après cet épisode, Novelas Overmax, un influenceur gabonais, a été placé en détention pour avoir documenté, sur son compte TikTok, les effets des délestages aux urgences du CHU de Libreville. Plusieurs jours après, le créateur de contenu est apparu dans un reportage télévisé sur la chaîne publique Gabon 1re dans lequel il lançait un « pardon » à « papa Oligui et la population ».
De nouveaux partenaires
Alors, avec l’approche de l’échéance électorale, le général espère que les délestages deviendront bientôt un souvenir lointain. Pour cela, le gouvernement de transition a signé des accords avec de nouveaux partenaires.
À Découvrir
Le Kangourou du jour
Répondre
Afin d’atténuer la pénurie dans la région du Woleu-Ntem, dans le nord du pays, le Gabon et la Guinée équatoriale ont procédé au raccordement de leur réseau. Ainsi, le 24 février, la ville de Bitam, située à la frontière entre les deux pays, a bénéficié de 3 MW permettant d’endiguer ses délestages. Des travaux d’extension sont en cours pour permettre aux villes d’Oyem, de Mitzic et de Medouneu d’en profiter également. Cette coopération devrait permettre au Gabon de bénéficier, au total, de 10 MW pour un montant encore non divulgué.
Un contrat de fourniture d’électricité a également été signé avec la société turque Karpowership. Deux bateaux, amarrés au large de la capitale, doivent produire pas moins de 70 MW pour pallier la pénurie. Mais la production au fuel lourd (mélange d’hydrocarbures pétroliers) et au gasoil coûte cher et pollue beaucoup. « L’accord que nous signons aujourd’hui, c’est l’extrême urgence », a défendu le ministre de l’Énergie, Séraphin Akure Davin, assurant que l’État multiplie les investissements pour sortir de la crise sans impacter les ménages. Mais des inquiétudes persistent notamment concernant les prix des prochaines factures.
Crédit: Lien source