Au Ghana, un candidat masqué veut faire chuter le système bipartite

A moins d’un an de l’élection présidentielle au Ghana, une nouvelle force entend bousculer le paysage politique national et les deux partis traditionnels qui le dominent depuis plus de trente ans.

Grâce à une communication habile fondée sur les réseaux sociaux et des affiches montrant son visage d’abord masqué, l’homme d’affaires Nana Kwame Bediako, alias Cheddar, espère que son mouvement, la Nouvelle Force, pourra rapidement changer la donne sur l’échiquier politique ghanéen.

« Je veux libérer la jeunesse et lui donner les moyens d’agir, car nos dirigeants ont échoué. Nous ne pouvons pas continuer à faire la même chose et à nous tromper tout le temps », a déclaré par téléphone à l’AFP M. Bediako, à l’heure où le pays est confronté à sa pire crise économique depuis des décennies.

Lors des primaires de la présidentielle en fin d’année, le vice-président Mahamudu Bawumia a été désigné candidat du parti au pouvoir, le Nouveau Parti patriotique (NPP), tandis que le Congrès national démocratique (NDC) a nommé l’ancien président John Mahama.

Les analystes politiques s’interrogent sur les chances de M. Bediako face à ces deux partis politiques historiques.

Habituellement lors du scrutin présidentiel, les autres partis politiques rassemblent moins de 5% des voix.

Chômage et inflation

Une affiche montrant l’homme d’affaires Nana Kwame Bediako, qui se lance en politique au Ghana, le 9 janvier 2024 à Ho, dans la région de la Volta / Nipah Dennis / AFP

« Il est stimulant d’assister à l’émergence de nouvelles voix dans le paysage politique actuel… Il semble y avoir une demande pour une nouvelle force. Cependant, la question de savoir si Cheddar aura vraiment un impact significatif est autre chose », a expliqué à l’AFP le politologue Jonathan Otchere.

Pour se faire connaître, Nana Kwame Bediako s’est appuyé sur 150 panneaux d’affichage géants à travers les 16 régions du pays, le mettant en scène masqué avec l’inscription : « Leadership pour la prochaine génération #thenewforce ».

Début janvier, il a organisé une conférence de presse et un événement appelé la Convention à Accra, la capitale, pour rassembler ses soutiens, dont plusieurs personnalités politiques étrangères.

Peter Obi, qui a gagné en popularité en tant que troisième candidat aux élections nigérianes de l’année dernière, et Julius Malema, leader charismatique du parti d’extrême gauche des Combattants pour la liberté économique en Afrique du Sud, y étaient conviés.

Mais les participants n’ont pu accéder au Black Star Square où se déroulait l’événement, empêchés par une déploiement de soldats. La présidence ghanéenne a indiqué avoir annulé la Convention en arguant d’un événement imprévu organisé par l’État au même moment.

Cela n’a pas découragé M. Bediako, qui se dit déterminé à bousculer l’ordre établi.

« Je continuerai à me présenter en tant que candidat indépendant aux élections de décembre », déclare ce promoteur immobilier et philanthrope autoproclamé.

« Il n’y a pas d’espoir pour les jeunes. Je veux être président pour contribuer à réduire la situation alarmante du chômage dans notre pays en apprenant aux gens à lever des capitaux et à investir dans leurs propres entreprises », a-t-il ajouté.

Le taux de chômage au Ghana est de 13,7%, et l’inflation toujours à deux chiffres.

L’année dernière, l’actuel président Nana Akufo-Addo a été obligé de solliciter un prêt de 3 milliards de dollars auprès du FMI pour faire face à la crise économique.

Séduire la jeunesse

Une affiche montrant l’homme d’affaires Nana Kwame Bediako, qui se lance en politique au Ghana, le 9 janvier 2024 à Ho, dans la région de la Volta / Nipah Dennis / AFP

Ancien ferrailleur à Londres, Nana Kwame Bediako dirige le groupe Kwarleyz, actif dans l’immobilier, la construction et l’hôtellerie.

Son mouvement, la Nouvelle Force, promet des solutions innovantes aux défis économiques, bien que M. Bediako n’ait pas encore présenté de programme détaillé sur la manière dont il procédera.

Il « apporte un mélange unique d’expériences dans le monde des affaires et une perspective nouvelle qui pourrait trouver un écho auprès d’une grande partie de l’électorat », estime l’analyste politique Annabel Asare.

Mais certains experts doutent de sa capacité à réussir sans parti structuré au niveau national, dans un pays où il faut non seulement être populaire, mais aussi nouer des alliances politiques, faire des propositions de loi et une campagne solide.

La Nouvelle Force séduit toutefois déjà certains jeunes déçus par le gouvernement.

« Nous en avons assez du NPP et du NDC. Il n’y a pas de différence entre eux. Je pense que Cheddar représente cette nouvelle force dont nous avons besoin », confie Frank Odoom, 29 ans, diplômé de l’université du Ghana et sans emploi.

Crédit: Lien source

Les commentaires sont fermés.