Au Ghana, une grotte mariale dans une ancienne forêt sacrée

Haute de deux mètres et placée au milieu d’une petite
clôture, la statue de Notre-Dame de l’unité des Peuples attire les regards des
passants qui empruntent la route d’Asueyi, un village de Techiman, dans le
centre du Ghana. Tout le long de la clôture, en larges lettres, est inscrit : « Welcome to Our Lady of calvary grotto » (Bienvenue à la grotte de Notre Dame du calvaire). Un caractère imposant, peut-être pour rappeler que cette forêt d’une centaine
d’hectares n’est plus un bois sacré des Jama – un peuple de la région – mais un lieu de pratique de la foi chrétienne.

Le transfert d’un culte à l’autre n’a pas été de tout repos. En 1966, Mathew Kwadwo Okrah paroissien de Techiman, découvre ce lieu de collines et de grands arbres, alors dévolu aux libations et adorations des Jama. Les catholiques, eux, doivent parcourir plus d’une centaine de kilomètres avant de pouvoir rejoindre le premier lieu marial pour y fêter l’Assomption, dans la ville de Kumasi.

« Chaque fois que Mathew Okrah passait par là, il voyait que
cet endroit avait quelque chose d’unique à découvrir,
raconte le père Pius Frimpong, recteur
du lieu. Cette année-là, de retour de Kumasi, il a constaté que cet endroit était beaucoup plus adapté pour fêter l’Assomption que
l’endroit où ils allaient à Kumasi. »

Des négociations difficiles

Le paroissien en parle alors à un missionnaire hollandais en service à Techiman, le père Willebrordus Henricus Huismann, qui rentrait du sanctuaire de Fatima, au Portugal. « Il
recherchait une place montagneuse pour y faire un lieu de prière comme celui de Fatima qui se trouve sur une colline,
confie Andrew Ntim Acheampong,
un laïc témoin de l’époque de la construction du sanctuaire. La
description de cette forêt faite par Mathew Okrah l’a donc intéressé »
.

Satisfait de sa visite du lieu, le prêtre et les anciens de la paroisse vont rencontrer le Conseil traditionnel des Jama en vue de
l’acquérir. « Au début, c’était difficile à accepter pour eux, car c’était
une grande forêt et ils y venaient pour faire leurs rituels et adorations
traditionnelles »
, confie le recteur. 

Père Pius Frimpong, recteur de la Grotte de Notre Dame du Calvaire de Techiman/Guy Aimé Eblotié/LCI

Mais la délégation catholique insiste et le conseil traditionnel, ambitionnant de se construire
un palais royal, lui fait cette proposition : les catholiques les aideront à construire le palais en échange d’une partie de la forêt. Ainsi, les deux confessions pourraient y mener leurs
cultes. « L’Église a évidemment refusé, car on ne peut pas avoir deux
différentes adorations sur la même terre,
explique le recteur. Après
d’autres négociations, l’Église a eu finalement toute la terre en échange de la
construction du palais des Jama. »

L’autel détruit 

Ayant obtenu l’espace, la transformation en un sanctuaire
chrétien n’est pas chose aisée. « C’est une profonde forêt, sans électricité
et très loin de la ville, mais le père Huismann y allait personnellement pour
prier, de même que certains anciens 
», poursuit encore le père Frimpong

Et même une fois la construction débutée, les incidents ne manquent pas. Ainsi, quand en 1983 le prêtre hollandais et des fidèles bâtissent un autel sur place : le lendemain, celui-ci est retrouvé détruit. « Au début, on pensait que c’étaient les animaux sauvages, mais en
réalité, il s’agissait de personnes qui ignoraient que l’endroit appartenait dorénavant à l’Église catholique »
, précise Andrew Ntim Acheampong, resté proche du missionnaire décédé en 2013. « Il a été décrété trois jours de
jeûne et de prière. Après cela, l’autel a été rebâti et n’a plus été détruit »
, confie le recteur. 

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Un fidèle médite son rosaire devant la statue de la Vierge dans le creux d’une colline/ Guy Aimé Eblotié/LCI

Des dizaines de milliers de visiteurs

Le lieu ouvre formellement au culte catholique en septembre 1985, à l’occasion de la fête de la Croix glorieuse, célébrée le 14 du mois. Il prend alors le nom de « Grotte de la sainte Croix du calvaire ». Mais à
la suite d’une visite de Mgr James Kwadwo Owusu, évêque du diocèse de Sunyani (1973-2001) dont dépendait alors Techiman, le lieu sera renommé « Grotte de
Notre-Dame du calvaire »
.

Aujourd’hui, l’endroit est un pôle touristique du pays et sanctuaire marial internationalement
connu. « Pour l’Assomption, la grotte peut accueillir plus de 10
000 pèlerins, 
assure le recteur. Sur l’année, nous avons plus de 30 000
visiteurs
 : ils viennent nuit et jour,
individuellement, en famille ou en groupe du Ghana et de toute l’Afrique de
l’Ouest. »

Responsable d’un apostolat en Côte d’Ivoire, Brigitte Clémence Effi est ainsi venue dans cette grotte pour y déposer des intentions de
prières et allumer des cierges. « C’est en 2012 que j’ai connu ce lieu, grâce
à un prêtre qui m’a invité à une retraite ici
, explique celle qui y conduit
depuis 2013 des dizaines de pèlerins ivoiriens pour l’Assomption. Touchée
par cette première expérience, j’ai décidé de lancer cette
mission d’unir tous les peuples par la prière. »
 Son groupe a offert la
statue éponyme placée sur le mur d’entrée de la grotte, ainsi que dans la
chapelle. 

Un lieu d’exaucement

« Aujourd’hui, le sanctuaire s’est beaucoup développé, se réjouit Andrew Acheampong. Nous
sommes fiers de toutes les infrastructures dont il dispose, notamment le centre
pastoral pour l’accueil des pèlerins »
« Vous voyez l’église n’a pas de frontière », ajoute Thérèse, son épouse dont le
rêve est la venue du pape dans ce sanctuaire. « François est un peu fatigué
pour venir jusqu’ici, mais j’espère qu’un jour, un pape viendra communier avec
tous les fidèles. Ce serait une autre Pentecôte ! »

En attendant ce jour, une fois la première entrée franchie,
pèlerins et visiteurs doivent parcourir encore 300 mètres pour atteindre une
seconde entrée. Un parcours sur lequel ils peuvent déjà méditer les mystères
joyeux du Rosaire représentés par de petits tableaux, avant de se retrouver
face à des bâtiments construits dont la chapelle, une librairie, le pôle
d’accueil et la résidence des prêtres. 

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Une 15e Station du chemin de croix à la Grotte de Techiman/Guy Aimé Eblotié/LCI

Derrière ces bâtiments, le pèlerin découvre une forêt faite de grands
arbres, de collines et les statues géantes représentant les stations du chemin
de Croix qui offrent un paysage unique et une atmosphère particulière. « La
manière dont les montagnes sont rappelle le lieu de la
transfiguration du Christ
, veut croire Andrew Acheampong. Dans le calme de
ces montagnes, notre prière et toutes les activités que nous faisons deviennent
solennels. C’est un lieu de retraite pour les fidèles qui veulent quitter le
bruit pour communiquer avec le Créateur. »

La beauté, la singularité de cette grotte située en pleine
forêt, et les témoignages de personnes exaucées suscitent en effet la curiosité
et motivent de nombreux chrétiens du monde entier. « Dieu est partout, mais
il est encore plus présent dans certains endroits plus que d’autres
,
déclare le recteur. Enfantement, meilleure situation financière, mariage,
travail, délivrance… les témoignages de personnes qui passent par ici sont
exceptionnels. »

Si la plupart des visiteurs sont catholiques, des croyants d’autres confessions se rendent également dans la forêt, « mais pas nécessairement pour prier, car la grotte est un
peu aussi un lieu touristique pour beaucoup »
, précise le père Frimpong.
Toutefois, souligne-t-il, « certains pasteurs qui sont en train
de bâtir leurs églises viennent ici pour prier et confier leur projet. Ils ne
sont pas catholiques, mais viennent sur la base de témoignages des autres
qu’ils entendent. »

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Deux fidèles prient au pied de la statue de la Vierge dans le creux d’une colline./Guy Aimé Eblotié/LCI

En retournant chez eux, plusieurs fidèles et visiteurs emportent
du sable de la grotte, de l’eau de sa source de même que des feuilles ou écorces de ses arbres.
« Ma grand-mère qui avait plus de cent ans a demandé qu’on lui envoie un
peu de terre de la grotte,
raconte Mme Achiampong. Quand nous lui avons
envoyé, elle l’a mis sur sa poitrine et a prié « Sainte Mère, merci pour
tout. Maintenant, je veux m’en aller en paix, car j’ai plus de cent ans et je
suis fatigué. » Sa prière fut exaucée le lendemain. »

« Les personnes qui viennent ici croient que du fait que
cet endroit a été béni par le Seigneur, tout ce qui s’y trouve a été touché par
Dieu,
explique le
père Frimpong.  Ce que nous leur
recommandons, c’est de ne pas les consommer et les utiliser uniquement pour des
utilisations externes. »

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