L’histoire politique ghanéenne et les sondages les plus récents lui laissent peu de chances de satisfaire son ambition. Mais, dans un pays qui, depuis trente-deux ans, a consacré le bipartisme, Alan Kyerematen, 68 ans, entend bien représenter une troisième voie à l’élection présidentielle prévue en décembre. Le 17 avril, il a fédéré autour de lui, sur la scène de l’auditorium de l’Université des études professionnelles d’Accra, huit formations politiques ou issues de la société civile. Une première pour un candidat indépendant au Ghana.
« Nous débutons un processus qui va redéfinir l’architecture de la gouvernance politique dans notre pays, a promis Alan Kyerematen devant ses sympathisants lors de la formation de cette union, baptisée Alliance pour un changement révolutionnaire. Un gouvernement d’unité nationale, composé de différents partis politiques, de syndicats, de membres de la société civile, entre autres. »
L’ancien cadre du Nouveau parti patriotique (NPP) – la formation actuellement au pouvoir qu’il a quitté en septembre 2023 faute d’avoir pu porter ses couleurs à la prochaine présidentielle – recueille 7,5 % des intentions de votes, selon le sondage d’avril de Global Info Analytics. De quoi le placer en troisième position, mais loin derrière les candidats des deux principaux partis : l’actuel vice-président Mahamudu Bawumia du NPP à 34,9 % et, surtout, l’ancien président et favori du scrutin du 7 décembre, John Dramani Mahama du Congrès démocratique national (NDC), à 54,3 %.
« Dans sa composition actuelle, l’Alliance pour un changement révolutionnaire ne permettra pas à Alan Kyerematen de remporter l’élection », estime Mussa Dankwa, analyste à l’institut de sondage Global Info Analytics, en pointant la faible popularité des partis qui la compose.
« Une base solide »
Faire émerger une troisième force politique au Ghana reste une gageure du fait des habitudes de votes : « Les électeurs peuvent choisir en fonction de leur religion, mais surtout en fonction de leur ethnie », explique Jonathan Asante Otchere, politologue à l’université de Cape Coast. La région Ashanti, dans l’ouest du pays, vote majoritairement pour le NPP ; quand la région du Grand-Accra est, elle, davantage favorable au NDC.
En conséquence, les personnalités politiques qui se sont présentées hors de leur parti d’origine ont jusque-là échoué, aussi influentes soient-elles. En 2016, Nana Rawlings, épouse de l’ancien président Jerry Rawlings, a quitté le NDC pour se présenter comme candidate indépendante ; seize ans plus tôt, c’était Charles Wereko-Brobby, ancien cadre du NPP, qui tentait sa chance. Les deux candidats n’ont pas dépassé la barre des 1 %.
Autre frein : le système électoral qui donne au gagnant les pleins pouvoirs. Au Ghana, « the winner takes all » (« le gagnant emporte tout »), le président élu nommant des représentants exécutifs nationaux, municipaux ou locaux. Cela donne « une domination totale sur la gouvernance de la nation, souligne Jonathan Asante Otchere. Et ne laisse aucune chance aux candidats de formations plus petites pour se faire entendre. »
« Le cas d’Alan Kyerematen est différent des autres candidatures indépendantes, nuance cependant Kobby Mensah, politologue à la Ghana Business School. Pendant ses années au NPP, il a brigué plusieurs primaires pour pouvoir représenter le parti à la présidentielle [en 2007, 2010, 2014 et 2023]. Cela lui a permis de fédérer une base solide autour de lui. »
Le Ghana, en défaut de paiement depuis 2022
Celui qui, en 2012, a été un candidat malheureux pour la tête de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), s’est surtout distingué dans son pays comme ministre de l’industrie et du commerce : de 2003 à 2007, sous la présidence de John Kufuor ; puis de 2017 à 2023 dans le gouvernement de Nana Akufo-Addo.
Une deuxième expérience ministérielle où il pilota le programme « Un district une usine » (« One District One Factory ») : une politique de développement économique, qui aura permis en six années l’installation de 200 nouvelles usines et la création de 170 000 emplois, selon le gouvernement ghanéen.
Ce bilan pourrait paraître plus flatteur que celui de Mahamadu Bawumia, le candidat du NPP qui servit dans les mêmes gouvernements. Le Ghana est en défaut de paiement depuis 2022, la monnaie a perdu cette même année 30 % de sa valeur face au dollar et l’inflation dépasse encore aujourd’hui les 20 %, après un pic historique à plus de 50 % il y a moins de deux ans.
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Si, selon le sondage de Global Info Analytics, 7 % des électeurs du NPP seraient prêts à voter pour M. Kyerematen, il sera beaucoup plus compliqué d’aller chercher des votes du côté du NDC. « Les électeurs de John Dramani Mahama sont très fidèles au parti, explique Mussa Dankwa. S’il veut augmenter ses chances, Alan Kyerematen devra plutôt frapper à la porte des indécis, qui représentent 18 % des électeurs. »
Les chances de victoire sont maigres, mais une troisième place pourrait donner à Alan Kyerematen un rôle de faiseur de rois si aucun des deux poids lourds ne l’emporte au premier tour.
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