Au Soudan, comment une milice accusée de génocide contrôle la gomme arabique, ingrédient clé de Coca-Cola et Danone

La gomme arabique est un ingrédient essentiel de l’industrie agroalimentaire. Récoltée principalement en Afrique subsaharienne, elle sert notamment d’émulsifiant et on la retrouve dans une très grande variété de produits. Cette sève d’arbre collante est par exemple présente dans le Coca-Cola, les yaourts Danone ou encore les M&Ms. Le Soudan produit 70 % de la gomme arabique exportée dans le monde. Mais, comme le rapporte Bloomberg, une milice soudanaise, accusée de génocide par les États-Unis, contrôle aujourd’hui des éléments essentiels de la chaîne d’approvisionnement.

Les transporteurs doivent payer pour circuler

Au mois de janvier 2025, les États-Unis ont accusé les Forces de soutien rapide (FSR) commandées par le général Mohammed Hamdan Daglo de « génocide », arguant que le groupe aurait joué un « rôle dans les atrocités systématiques commises contre le peuple soudanais ». Outre les exactions commises contre la population, les Forces de soutien rapide font également régner la terreur parmi les producteurs et distributeurs de gomme arabique.

Hisham Salih Yagoub est le dirigeant de la compagnie Afritec, l’un des plus gros fournisseurs du pays, témoigne auprès de Bloomberg de la terreur ressentie par ses chauffeurs, contraints de verser des milliers de dollars aux milices. « Il faut payer beaucoup d’argent aux Janjawids », confie le dirigeant.

Une chaîne d’approvisionnement désormais impossible à tracer

Les combats qui ravagent la région, à l’origine de la plus grande crise humanitaire actuelle, ont rendu la chaîne d’approvisionnement en gomme arabique totalement intraçable, rappelle Bloomberg. S’appuyant sur les témoignages d’une douzaine de négociants, de fonctionnaires, de cadres et d’autres experts, le média américain assure qu’il est aujourd’hui impossible « de savoir si les marques connues fabriquent des produits qui financent des criminels de guerre ». Malgré la guerre, la gomme arabique a continué à être écoulée des régions du Darfour et du Kordofan, largement contrôlées par le FSR.

« L’approvisionnement en gomme arabique a-t-il donné lieu à des violences et à des abus à l’encontre des communautés et des agriculteurs ? », interroge Tedd George, consultant chez Kleos Advisory, un cabinet de conseil spécialisé dans les matières premières sur les marchés africains. « La réponse est probablement oui », ajoute-t-il. Des accusations que le FSR nie en bloc. Quant à l’Association pour la promotion internationale des gommes (AIPG), elle condamne « toute forme de contrebande de gomme d’acacia » mais assure dans une déclaration sur son site web mise à jour le 11 mars que « malgré les défis d’un environnement instable, la traçabilité et la légitimité des exportations restent assurées ».

Coca-Cola garde le silence

Bloomberg a interrogé les principaux groupes agroalimentaires qui se fournissent dans le pays. Si Coca-Cola, PepsiCo et Danone ont refusé de s’exprimer, le géant suisse Nestlé assure qu’il « s’engage à s’approvisionner en matières premières de manière responsable et conformément aux exigences réglementaires applicables ». Quant à Mars, qui fabrique notamment les M&Ms, le groupe américain a déclaré à Bloomberg qu’il ne tolérait pas la corruption et « s’engageait activement auprès de ses fournisseurs à propos de cette affaire profondément préoccupante ». « Nous restons prêts à prendre les mesures qui s’imposent », affirme Mars.

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