Au Soudan du Sud, la « plus mauvaise herbe aquatique au monde » fait du bon charbon

Cultures, troupeaux, forêts, les inondations qui touchent, depuis près de trois ans, le nord du Soudan du Sud ont tout englouti. La ville de Bentiu, où se sont réfugiés des dizaines de milliers de déplacés venus des comtés avoisinants, n’est plus qu’une île, protégée par des digues construites avec l’aide des Nations unies. Les arbres sont morts. Des tapis de jacinthes d’eau ont recouvert les étendues d’eau stagnante. Une prolifération dont les habitants de Bentiu ont appris à tirer parti.

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Seaux en main, une dizaine de femmes vêtues de robes et de lawa colorées ramasse à grandes brassées ces plantes d’eau aux fleurs mauves dans la mare qui jouxte leur camp de déplacés. Une fois coupées et séchées, les jacinthes sont placées dans un fût de combustion, et les résidus mélangés à de l’argile et du papier trempé pour former une pâte. Des moules permettent d’obtenir le produit final : un petit cylindre de combustible d’un peu moins de 10 cm de longueur appelé « briquette ».

« Les arbres sont tous morts »

Produit peu cher à fabriquer et de façon artisanale, ce « charbon vert » est devenu une alternative prisée aux combustibles traditionnels. Car les « briquettes » ont l’avantage de « ne dégager aucune fumée puisqu’elles ne comportent aucune particule non carbonisée, contrairement à certains charbons de bois de mauvaise qualité et au bois de chauffe. Et elles brûlent plus longtemps », précise Jamal Francis Katende, chef de projet au sein du Programme alimentaire mondial (PAM).

Après la collecte, les jacinthes sont séchées puis transformées en combustible par les femmes de la ville de Bentiu, dans le nord du Soudan du Sud, le 27 octobre 2023.

Pour l’organisation onusienne, qui a introduit la fabrication de ce charbon au Soudan du Sud en 2022, l’objectif est double : permettre aux communautés vulnérables d’accéder à un combustible bon marché et potentiellement commercialisable, tout en contribuant à limiter la prolifération de la jacinthe d’eau, considérée par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture comme « la plus mauvaise herbe aquatique au monde ». Et ce sont les femmes de Bentiu, qui en profitent en premier.

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« Avant, pour trouver du bois, je devais partir à 6 heures du matin pour ne revenir qu’à 6 heures du soir, parce que je n’avais pas d’argent pour louer un canoë. Maintenant, je ne pourrais même plus le faire, les arbres sont tous morts à cause de l’eau », explique Nyanhial Luoy, 48 ans, qui s’occupe seule de ses dix enfants car son mari est handicapé.

Après une première phase pilote qui s’est terminée avec succès en juin, le PAM souhaite passer de 150 à 2 000 femmes formées à la fabrication de ce « charbon vert » à Bentiu, et à 5 000 au total avec son introduction dans l’Etat du Haut-Nil voisin, tant la jacinthe d’eau est partout.

Ne plus dépendre de l’aide humanitaire

L’organisation, qui envisage d’aider les ramasseuses à commercialiser le combustible, prévoit aussi de soutenir la fabrication de canoës pour permettre des collectes de végétaux en plus grande quantité. « C’est l’un des nombreux avantages de ce projet : on peut imaginer en faire avec toute forme de biomasse, des feuilles séchées par exemple », souligne Simon Riak Gatpan, employé local de l’organisation.

Cylindres de « charbon vert » et réchauds d’argile économes en combustible fabriqués par les femmes  Bentiu, dans le nord du Soudan du Sud.

Et, pour mieux utiliser ce nouveau combustible, certaines femmes ont également appris à fabriquer des réchauds économiseurs en argile. Veuve âgée de 42 ans, Martha Nyayieya y voit une opportunité pour gagner sa vie et ne plus dépendre des aléas de l’aide humanitaire. « On ne doit compter que sur nous-mêmes », lance cette mère de sept enfants, durement marquée par l’arrêt, fin août, des distributions alimentaires du PAM. Mais face à l’augmentation de l’insécurité alimentaire, des fonds ont été débloqués par l’agence onusienne pour que l’aide alimentaire reprenne à Bentiu en novembre.

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L’effet conjugué des guerres et des inondations porte le nombre de déplacés dans la ville à plus de 200 000 individus selon les autorités. Et ce, à l’heure d’une crise du financement de la réponse humanitaire au Soudan du Sud, qui connaît sa pire année avec un record de 76 % d’habitants en besoin d’assistance alors que seulement 54 % de la réponse sont financés.

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