Au Soudan du Sud, plus de sept millions de personnes pourraient être confrontées à une insécurité alimentaire aiguë d’ici le mois de juillet. Parmi elles, les patients infectés par la tuberculose et le VIH sont particulièrement vulnérables, car l’intensité du traitement est difficilement supportable avec l’estomac vide. Certains d’entre eux endurent ainsi d’intenses douleurs en prenant leurs traitements, tandis que d’autres, obligés de les réduire ou d’arrêter de les prendre mettent leur vie en danger.
Personne ne devrait avoir à choisir entre se soigner et vivre sans douleur. C’est pourtant la situation à laquelle sont confrontés de plus en plus de patients infectés par la tuberculose et le VIH à Leer, dans l’État d’Unité au Soudan du Sud. Alors que leur traitement médical peut comprendre jusqu’à huit pilules par jour et durer toute leur vie, les malades doivent faire face au manque de nourriture. Ils doivent alors choisir entre prendre leurs médicaments et souffrir au quotidien de fortes douleurs et de vertiges, ou bien les arrêter et voir leur état de santé se dégrader. Debout, devant sa maison, James, un patient de 60 ans, s’appuie sur une canne : « La vie est très dure ici parce que nous n’avons rien. Je suis tombé malade de la tuberculose et du VIH il y a trois mois, je ne peux donc pas travailler et je n’ai pas d’économies. Tout ce que nous trouvons autour de nous, ce sont des racines de nénuphars, mais ce n’est pas assez. C’est pourquoi j’ai l’habitude de réduire mon traitement pour m’adapter à la nourriture que je mange. Si je vois que je ne vais prendre qu’un seul repas par jour, je prends peut-être la moitié de mes médicaments. Je sais que ce n’est pas bon pour ma santé, mais je n’ai pas d’autre choix. Si je prends le traitement sans manger, j’ai des vertiges, des frissons et de fortes douleurs à l’estomac. »
Un cercle vicieux difficile à briser
Dans les locaux de MSF, Gatkuoth, un nouveau patient admis il y a deux jours, partage les mêmes difficultés. « J’ai eu la tuberculose il y a quatre ans déjà, mais à l’époque, j’ai terminé le traitement assez facilement. Maintenant que la situation se détériore, c’est beaucoup plus difficile parce que je n’ai pas de nourriture. Parfois, c’est tellement grave que je me demande pourquoi je me tue à souffrir, peut-être que je préférerais mourir de la maladie ».
Soumis à d’importantes inondations et à une forte insécurité, le comté de Leer est une région isolée aux conditions de vie difficiles. Depuis plusieurs années, les gens hésitent à cultiver leurs terres de peur de tout perdre à nouveau. Ils dépendent donc soit de la nourriture disponible sur le marché, que l’inflation rend de plus en plus difficile à acheter, soit de l’aide alimentaire, qui a été considérablement réduite en raison des coupes budgétaires. Les déplacements de population en provenance du Soudan, en proie à un important conflit, accentuent la pression sur l’approvisionnement alimentaire de la région et augmentent les besoins en matière de soins de santé. Depuis avril 2023, plus de 60 000 personnes – rapatriées et réfugiées – se sont installées dans l’État d’Unité.
La sous-nutrition augmente donc parmi la population, créant un cercle vicieux : d’une part, elle peut avoir un impact direct sur le suivi du traitement de la tuberculose et du VIH, car son intensité est très difficile à supporter avec un estomac vide, et d’autre part, elle constitue un facteur de risque majeur face aux maladies, car elle réduit considérablement les défenses immunitaires.
Les groupes vulnérables ne doivent pas être oubliés
« Nous avons une cohorte de plus de 600 patients co-infectés par la tuberculose et le VIH, et beaucoup d’entre eux nous disent qu’ils ne peuvent plus suivre le traitement correctement à cause du manque de nourriture » explique Daniel Mekonen, responsable de l’équipe médicale de MSF à Leer. « Nous avions l’habitude de recevoir 8 nouveaux patients par mois, mais récemment ce chiffre a doublé pour atteindre 16 par mois. Nous constatons que le taux de défaillance augmente. Si les gens ne reçoivent pas de nourriture, notre programme ne réussira pas. Au niveau national, MSF est profondément préoccupée par la prévalence actuelle du VIH et de la tuberculose au Soudan du Sud ».
MSF, qui a commencé à travailler à Leer en 1989, reste l’une des seules organisations à fournir des soins médicaux aux habitants de la région. Alors que la malnutrition augmente, les distributions de nourriture restent insuffisantes.
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