Dans le texte de l’Angélus rendu public dimanche 30 mars, le Pape François a renouvelé son appel pour la paix au Soudan du Sud. Le pays d’Afrique de l’Est connaît un regain de tensions depuis l’assignation à résidence le 26 mars du vice-président Riek Machar, et l’abrogation de l’accord de paix de 2018. En réaction, l’Église sud-soudanaise a publié une déclaration dans laquelle elle condamne les arrestations des leaders politiques et les violences à l’égard des civils.
Alexandra Sirgant – Cité du Vatican
Quelques jours avant l’appel pour la paix du Pape François, la Conférence des évêques du Soudan et du Soudan du Sud (SSSCBC) avait exprimé dans un communiqué son inquiétude face à l’escalade de la violence et la détérioration du climat politique dans le pays. Le 26 mars dernier, le vice-président Riek Machar, rival de longue date du président Salva Kiir, a été assigné à résidence à Juba. Son parti d’opposition, le SPLA-IO, est accusé d’avoir violé l’accord de paix conclut en 2018, notamment en soutenant la milice «Armée blanche» dans le comté de Nasir, au nord-est du pays, impliquée dans une guerre ouverte contre les forces fédérales du président Kiir depuis plusieurs semaines.
Dans leur déclaration, datant du 28 mars dernier, les évêques sud-soudanais condamnent les affrontements entre les deux camps, l’arrestation des leaders politiques, y compris celle de Riek Machar, ainsi que «le déplacement croissant de civils innocents –surtout les femmes et les enfants». Ces évènements marquent, selon l’Église locale, «un renversement tragique de la paix à laquelle nous aspirons et pour laquelle nous prions».
L’arrestation du vice-président est le point culminant d’une longue campagne lancée depuis plusieurs mois contre l’opposition, durant laquelle des responsables politiques et militaires affiliés au « Mouvement populaire de libération du Soudan en opposition » (SPLA-IO) ont été limogés et arrêtés. Parallèlement, début mars, l’armée ougandaise a envoyé des troupes pour soutenir l’armée sud-soudanaise, et mener des bombardements aériens contre les comtés du Haut-Nil, abritant l’«Armée blanche». Ces attaques n’ont pas épargné les civils de la région, et le chef de la Mission des Nations unies au Soudan du Sud (MINUSS), a estimé que ces violences avaient déplacé plus de 63 000 personnes. «L’arrestation de dirigeants de l’opposition et l’implication de forces militaires étrangères -en particulier le déploiement des forces de défense du peuple ougandais- n’ont fait qu’accroître la peur et la méfiance. Ces actions risquent de transformer notre cher pays en un champ de bataille pour des intérêts extérieurs et des manipulations politiques», mettent en garde les évêques.
«La population du Soudan du Sud souffre depuis trop longtemps», poursuivent-ils. «La guerre a emporté leurs enfants, leurs maisons, leur avenir et, une fois de plus, les nuages sombres du conflit planent sur notre pays». L’État le plus jeune de la planète, visité par le Pape François en février 2023, porte encore les blessures de la guerre civile dévastatrice qui a eu lieu entre 2013 et 2018, et dont les morts se comptent par centaines de milliers. Un conflit armé sous fond de tensions ethniques, opposant les partisans de Salva Kiir, majoritairement de l’ethnie Dinka, à ceux de Riek Machar, de l’ethnie Nuers, qui s’est conclu par un accord de paix fragile de partage de pouvoir entre les deux camps. «L’accord de paix est en lambeaux», a reconnu le Secrétaire général des Nations unies lors d’un point presse le 28 mars. C’est pourquoi les évêques appellent le président, ainsi que tous les leaders politiques et les signataires de l’accord de 2018, à «honorer leur obligation sacrée envers le peuple du Soudan du Sud, et résister à la tentation de recourir aux armes».
«En tant que gardiens de l’Église, nous restons prêts à servir de médiateurs pour le dialogue, à être la voix de ceux qui n’en ont pas et à marcher main dans la main avec tous ceux qui recherchent une paix véritable». La conférence épiscopale exhorte enfin «la société civile, la jeunesse, les groupes de femmes, les chefs traditionnels, la communauté internationale et toutes les personnes de bonne volonté à s’unir contre la guerre et pour la paix».
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