Les troupes des Forces armées soudanaises (FAS) ont pénétré, vendredi 21 mars, dans l’enceinte du palais présidentiel. Posté sur la rive du Nil bleu, en plein centre de Khartoum, le siège du pouvoir est en ruine. Cette victoire encourage néanmoins les soldats du général Abdel Fattah al-Burhane qui engrangent les succès depuis septembre 2024, inversant un rapport de force défavorable durant la première année de la guerre, amorcée le 15 avril 2023 contre les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdan Dagalo, plus connu sous le surnom de « Hemeti ». Ces dernières avaient pris le contrôle du palais présidentiel dès les premiers jours des affrontements.
« Cette victoire est avant tout symbolique, presque spirituelle pour l’armée, commente le chercheur en science police Bashir Elshariff. D’un point de vue stratégique, la reprise du quartier général des FAS fin janvier était plus importante. » Selon ce chercheur, même si les militaires parvenaient à évincer complètement les FSR de l’État de Khartoum, qui comprend également les villes d’Omdurman et de Bahri, ils continueraient à se battre contre les paramilitaires dans leurs bastions situés dans l’ouest du pays, dans les régions du Darfour et du Kordofan.
Des soutiens internes et étrangers en faveur de l’armée
La bataille pour Khartoum n’est d’ailleurs pas terminée. Dimanche 23 mars, des bombardements orchestrés par les FSR ont fait trois morts à Omdurman. La perte du palais présidentiel constitue toutefois un revers pour Hemeti qui avait appelé ses hommes une semaine plus tôt, dans une vidéo postée sur sa chaîne Telegram, à ne pas abandonner l’institution. Pour Ahmed Soliman, spécialiste du Soudan au centre de réflexion Chatham House, les revers subis par les paramilitaires depuis la fin de l’année dernière sont avant tout liés aux recrutements massifs menés par l’armée au sein de la population et des milices islamistes. « La défection du chef de guerre Abu Aqla Kikl a aussi joué un rôle significatif », observe Ahmed Soliman.
Plus connu pour ses activités de contrebande que pour ses qualités militaires avant la guerre, ce natif de l’État central d’Al-Jazirah a rejoint les FSR au début du conflit. Avant de revenir vers les FAS le 20 octobre 2024, avec les quelques milliers d’hommes qu’ils dirigent. « L’armée dispose de relais importants à l’étranger, notamment en Égypte, en Iran, en Chine et en Russie qui lui permettent de s’approvisionner en avions de combat et en drones », ajoute Bashir Elshariff. Pourtant appuyé par les Émirats arabes unis, comme l’ont démontré plusieurs rapports, Hemeti paraît affaibli et ses troupes désorganisées.
« Avec la perte de terrain des FSR à Khartoum, il leur devient de plus en plus difficile de se ravitailler. Les FAS et les forces alliées continuent en outre à faire pression pour réduire l’approvisionnement en armes des FSR qui transitent via les frontières tchadienne et sud-soudanaise, indique Ahmed Soliman. Il ne faut pas non plus minimiser le soutien populaire dont bénéficie l’armée, notamment face aux atrocités commises par les paramilitaires, dans des endroits comme Wad Madani, la capitale d’Al-Jazirah, et dans d’autres localités de cet État. »
Les FSR accusées de meurtres à caractère ethnique au Darfour
Si des exactions contre les civils ont été perpétrées par les deux camps, les associations de défense des femmes telles l’Initiative stratégique pour les femmes dans la Corne de l’Afrique (Siha) attribuent la plupart des viols et agressions sexuelles aux FSR. Les pillages et incendies de villages entiers font en outre partie du modus operandi de ces combattants issus des Janjawids – des miliciens darfouris aux ordres du gouvernement de Khartoum qui les a rebaptisés en 2013.
« Ni Hemeti ni Burhane ne sont légitimes puisqu’ils ont perpétré main dans la main le coup d’État du 25 octobre 2021 qui a renversé le gouvernement du Premier ministre Abdallah Hamdok. Malgré tous les problèmes et la corruption rampante au sein des FAS, il est compréhensible que la majorité de la population continue à leur faire confiance, car elles représentent une institution d’État, qui reste plus crédible que les FSR », détaille Jihad Mashamoun, chercheur et analyste soudanais sur la Corne de l’Afrique.
De leur côté, les paramilitaires ont capturé, le 20 mars, la ville stratégique d’Al-Maliha, au Nord-Darfour. « Sa proximité avec El Fasher, dernier bastion majeur de l’armée au Darfour, accroît la pression sur les Forces armées soudanaises, déjà mises à rude épreuve par leurs efforts pour reprendre le contrôle de Khartoum aux mains des FSR », analyse Sudan War Monitor, un média spécialisé dans le suivi de ce conflit. D’après le Réseau des médecins du Soudan, les troupes de Hemeti ont commis des violences à caractère ethnique, tuant 48 civils et en blessant 63 autres. Or le bain de sang ne semble pas près de s’arrêter. Le 11 mars, Burhane a en effet réaffirmé son refus de négocier avec son adversaire.
396 738 citoyens ont regagné leur foyer
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« Les FSR tentent, eux, de mettre en place un gouvernement parallèle uniquement dans l’objectif de faire pression sur le gouvernement de facto afin qu’il inclue les FSR dans toute période de transition à venir », conclut Jihad Mashamoun. La communauté internationale a largement condamné cette initiative, après la signature par les paramilitaires et leurs alliés d’une nouvelle Constitution le 4 mars à Nairobi. Le prochain rendez-vous international se tiendra le 15 avril prochain à Londres, où le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et l’Union européenne coorganiseront « une conférence de haut niveau sur la crise humanitaire au Soudan » à l’occasion du deuxième anniversaire de la guerre.
Le conflit a entraîné la plus grave crise humanitaire de la planète. Faible espoir, les progrès réalisés par l’armée ces derniers mois ont permis à 396 738 citoyens de regagner leur foyer, selon l’Organisation internationale des migrations qui précise que 8,59 millions de personnes demeurent déplacées à l’intérieur du pays ainsi que 3,9 millions dans les nations voisines.
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