Depuis la ville de Kosti, au sud de Khartoum, un missionnaire tente malgré toutes les difficultés de continuer sa mission d’éducation auprès des enfants. En dépit des coupures de courant, des attaques de drones et des épidémies, il souhaite la survenue d’«un bon vent» pour la petite communauté chrétienne locale.
Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican
«L’éducation est une des priorités de l’Église au Soudan. Puisque l’évangélisation est interdite, nous agissons au travers de l’éducation». Arrivé depuis une petite dizaine d’années au Soudan, un prêtre missionnaire basé dans le sud du pays dirige 8 écoles secondaires, dont quatre en langue anglaise et quatre en langue arabe, ainsi que six écoles maternelles dans la ville de Kosti, au sud du pays
Ce prêtre, enseignant et directeur d’école, note une baisse drastique du nombre d’élèves de 3000 à quelques 700 élèves, depuis avril 2023, le début de la guerre civile qui oppose l’armée à un groupe paramilitaires, les Forces de soutien rapide (FSR). Certaines écoles ont même dû être fermées.
«Une situation chaotique»
Beaucoup d’élèves ont fui, seuls sont restés ceux qui n’ont pas les moyens de se déplacer pour rejoindre les pays alentours, comme le Soudan du Sud ou le Kenya. De nouveaux élèves ont rejoint l’école, des déplacés venus de Khartoum la capitale ou des régions traumatisées par le conflit qui dure depuis près de deux ans. Onze camps de réfugiés entourent la ville, sans compter les écoles qui ont été vidées pour pallier aux besoins humanitaires des déplacés.
En octobre 2024, le gouvernement a demandé aux écoles d’ouvrir leurs portes, après deux années de fermeture. Toutefois, «c’est vraiment une situation un peu chaotique», témoigne le missionnaire. D’abord en raison des attaques de drones de la part des Forces de soutien rapide, et qui sont interceptés par l’armée soudanaise, qui contrôle le territoire de Kosti. Les populations locales soutiennent l’armée soudanaise, «elles encouragent les militaires à aller de l’avant», assure le prêtre.
Pas d’électricité, pas d’eau potable
Ensuite à cause des coupures d’électricité, qui empêche l’école de fonctionner. «Cela fait 7 jours que nous n’avons pas d’électricité. Cela nous affecte parce que nous avons besoin de travailler. Lorsqu’il fait trop chaud, nos classes ne sont pas supportables parce que les ventilateurs ne fonctionnent pas. De plus, nous sommes seulement au début de la période de la chaleur. Alors sans électricité, je ne sais pas comment ça sera», déplore l’enseignant.
Mais plus grave, la panne d’électricité, due à une attaque de drones sur la centrale électrique voisine d’Umm Dabakar, rend difficile l’accès à l’eau potable et multiplie le risque d’épidémies. Plus de 400 cas de choléra ont déjà été recensés dans la ville. Face à ce fléau, le missionnaire tente de faire respecter des règles minimales d’hygiène.
Survivre comme chrétien au Soudan
Enseignant, le missionnaire n’en est pas moins prêtre et s’attache à «sanctifier le peuple de Dieu». Pourtant, être chrétien dans ce pays à majorité musulmane (97% de la population), est «tellement difficile».
La plupart des chrétiens ont fui, mais d’autres ne le peuvent pas. Certains cachent leur identité chrétienne mais d’autres «ont renoncé à leur foi, juste pour la question de vie sociale».
Des motifs d’espérance
En ce début 2025, la petite communauté de Kosti a célébré l’ouverture de l’année jubilaire consacrée à l’espérance. «L’espérance, c’est cette confiance que nous avons que les choses vont changer», soutient le missionnaire qui appelle de ses vœux la fin de la guerre. Mais plus encore, il garde confiance en un avenir meilleur pour les chrétiens dans le pays, malgré les brimades fréquentes.
Le «bon vent» souhaité par le missionnaire se veut un «appel profond au changement» et à la redécouverte du «sens du pardon» pour tous, les bourreaux comme «ceux qui souffrent, ceux qui sont abandonnés, les pauvres et les victimes de la guerre».
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