Jamais le Togo n’avait connu une attaque d’une telle ampleur. Le 20 juillet, au moins une centaine de djihadistes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaida) ont attaqué le poste avancé de l’armée togolaise à Kpinkankandi, dans le nord du pays, près de la frontière avec le Burkina Faso.
Arrivés sur des motos et à bord de pick-up équipés de mitrailleuses de calibre 12,7 mm et 14,5 mm, faisant aussi usage de mortiers, ils ont mis en déroute les militaires des forces armées togolaises (FAT) et ont pris le contrôle des lieux pendant plus de trois heures avant de se replier en territoire burkinabé. Comme ils ont l’habitude de le faire au Sahel, ils ont pillé le camp et pris soin de diffuser des photos de leur butin : munitions, fusils d’assaut, lance-grenades, mitrailleuses, mortiers, ainsi que deux véhicules 4 x 4.
Le bilan est lourd mais encore incertain. Dans sa revendication, le GSIM évoque six soldats tués, tandis qu’une source officielle togolaise sous le couvert de l’anonymat évoque, elle, une « douzaine de militaires tués, plusieurs blessés et une cinquantaine de djihadistes neutralisés ». A en croire d’autres sources sécuritaires, ces chiffres seraient toutefois « sous-estimés ».
Trois jours après l’assaut contre le poste de Kpinkankandi, où huit soldats avaient déjà été tués en mai 2022, ni le gouvernement ni l’état-major n’avaient officiellement réagi. « C’est l’attaque la plus complexe que nous avons subie, tant par son envergure que par les moyens utilisés par les terroristes », se contente de glisser un collaborateur du président togolais, Faure Essozimna Gnassingbé.
Omerta sur la situation sécuritaire
Dans ce pays dirigé depuis près de vingt ans par le fils de Gnassingbé Eyadema, qui fut lui-même au pouvoir de 1967 à 2005, le silence est la règle à tous les étages. Encore plus qu’ailleurs, l’armée y mérite son surnom de grande muette. L’omerta règne sur la situation sécuritaire dans le nord du pays, sous pression constante de groupes djihadistes venus du Burkina Faso depuis une première attaque, en novembre 2021, dans la région septentrionale des Savanes.
Les autorités ne communiquent jamais sur leurs pertes hormis quelques rares déclarations, comme celle du président qui avait reconnu lors d’une interview, en avril 2023, qu’une quarantaine de membres de forces de défense et de sécurité et « à peu près une centaine » de civils avaient été tués.
Pour tenter de contenir cette menace croissante le long de ses 120 kilomètres de frontière avec le Burkina Faso, Lomé a rapidement déployé un important dispositif militaire, l’opération « Koundjoaré » forte de quelque 2 000 hommes. Malgré cet effort important, le Togo pâtit de la déliquescence de l’Etat burkinabé, incapable d’enrayer la progression des groupes djihadistes sur son territoire. En conséquence, les incursions djihadistes se poursuivent sur le sol togolais, endeuillant l’armée et parfois les populations. Au grand dam de M. Gnassingbé qui a, assure son entourage, fait de ce péril extérieur sa priorité.
Depuis l’adoption, le 19 avril, d’une nouvelle Constitution contestée faisant passer le pays d’un régime présidentiel à un régime parlementaire, les Togolais n’élisent plus le président de la République au suffrage universel direct. Les pleins pouvoirs seront désormais confiés à un président du conseil des ministres, élu par les membres du Parlement sans limitation de mandats, dont beaucoup anticipent qu’il sera Faure Gnassingbé une fois ce changement institutionnel entré en vigueur, d’ici au début de 2025.
Un « coup d’Etat constitutionnel », selon ses opposants, pour lui permettre de continuer à diriger le pays pour une durée indéterminée – selon la précédente loi fondamentale en vigueur, l’actuel chef de l’Etat n’aurait pu briguer qu’un seul et dernier mandat en 2025. Lors des dernières élections législatives, le 29 avril, son parti, l’Union pour la République (Unir), a obtenu 108 sièges députés sur 113.
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