Le paysage médiatique sénégalais est composé d’au moins 45 quotidiens, de plus de 20 radios généralistes et communautaires et d’une vingtaine de chaînes de télévision. Il abrite des journalistes accomplis.
Ces médias indépendants du pays ont malheureusement été attaqués ces dernières années.
“La liberté de la presse s’est considérablement détériorée au Sénégal, comme en témoignent les multiples arrestations de journalistes de divers médias pour des raisons injustifiées et la fermeture de certains médias pour avoir diffusé certaines images,” déclare le journaliste Azil Momar Lô.
Les organisations de défense de la liberté de la presse espèrent que le nouveau président Bassirou Diomaye Faye, élu plus tôt cette année, contribuera à réduire ces attaques, comme il l’a promis pendant sa campagne.
Attaques contre la presse
Fin février, un inconnu a attaqué la journaliste de 7TV Maimouna Ndour Faye près de son domicile, la poignardant à plusieurs reprises. Plus tôt dans le mois, la police sénégalaise a harcelé, agressé et arrêté au moins 25 journalistes qui couvraient les manifestations contre le report des élections dans le pays. Le gouvernement a également coupé Internet à cette occasion, entravant encore davantage les efforts de couverture des journalistes.
En 2021, les autorités ont suspendu les licences de deux chaînes de télévision, SenTV et Walf TV, en raison de leur couverture des manifestations, cette dernière à plusieurs reprises au cours des années qui ont suivi.
“Les journalistes ont le sentiment d’avoir une épée au-dessus de la tête et craignent qu’elle ne s’abatte à tout moment s’ils enfreignent les soi-disant lois édictées par les autorités,” déclare M. Momar Lô. “Certains journalistes brutalement battus par des policiers n’ont jamais eu gain de cause lorsque l’affaire a été portée devant les tribunaux. Ils n’ont jamais obtenu justice de notre système.”
Le gouvernement cible les journalistes et les rédactions qui ne sont pas en phase avec ses objectifs, les accusant de travailler pour l’opposition, poursuit M. Momar Lô. Jamais un journaliste travaillant pour un média proche du gouvernement n’est arrêté.
“Lorsque ces journalistes disent des choses que le gouvernement n’aime pas, ils viennent un jour dire que vous avez offensé le président ou certains avocats du pays, et vous êtes arrêté,” déclare-t-il.
Ce que le gouvernement devrait faire
Le recensement des prisons 2023 du Comité pour la protection des journalistes place le Sénégal parmi les cinq premiers geôliers de journalistes en Afrique.
Le gouvernement doit veiller à ce que les attaques contre les journalistes soient pénalisées et adopter d’urgence la Convention des journalistes signée entre les entreprises de presse et le Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (SYNPICS), exhorte Soulé Dia, journaliste à l’Agence France-Presse (AFP).
“L’accord instauré en 2019 est la convention collective qui définit les relations de travail entre employeurs et salariés des entreprises de presse, notamment sur les grilles salariales, la couverture sociale et sanitaire, qui peine encore à être respectée,” déclare-t-il.
Le gouvernement devrait également veiller à ce que le code pénal ne soit pas utilisé pour réprimer les journalistes en raison des opinions qu’ils pourraient partager, indique Muheeb Saeed, responsable de la liberté d’expression à la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest.
“Les délits de presse relèvent du code pénal. Les journalistes dont les contenus médiatiques ne semblent pas aller dans le sens des autorités se retrouvent donc poursuivis. Même dans le cadre du code de la presse, les personnes sont punies de peines de prison et d’amendes,” déclare-t-il. “Le nouveau gouvernement doit d’abord dépénaliser les délits de presse et veiller à ce que le code pénal ne soit pas utilisé pour poursuivre les journalistes en raison de leurs opinions éditoriales.”
M. Saaed a par ailleurs noté qu’un paysage médiatique indépendant au Sénégal attirerait davantage les investissements étrangers et rassurerait les investisseurs sur la stabilité de l’environnement local : “Un paysage médiatique libre et indépendant au Sénégal ne peut qu’assurer la consolidation démocratique du Sénégal. Un Sénégal démocratique serait un Sénégal civil, qui serait attractif pour les investissements étrangers et assurerait également aux investisseurs locaux un environnement stable et apaisé.”
Comment les organisations médiatiques peuvent-elles fonctionner face à ces attaques ?
Une façon pour les médias de fonctionner dans les conditions répressives actuelles au Sénégal est de collaborer et de s’adapter.
Les organisations de la société civile, notamment celles qui travaillent sur les questions de liberté de la presse, peuvent également plaider auprès de la nouvelle administration présidentielle, déclare M. Saeed. “D’autant plus que le président et le Premier ministre, ainsi que certains de leurs principaux partisans, ont été précédemment la cible d’attaques pour les opinions qu’ils ont exprimées dans les médias.”
M. Momar Lô a suggéré que les médias continuent d’utiliser Internet et les réseaux sociaux avec tact pour atteindre leur public avec leurs reportages.
“Ce sont des médias où vous pouvez aller directement et instantanément rapporter ce que vous diriez hors des réseaux de grande écoute, même si vous ne montrez pas d’images. Vous pouvez instantanément rapporter par SMS ou audio ce qui se passe et les gens peuvent suivre les mises à jour régulières que vous donnez,” déclare-t-il. “Par exemple, si aujourd’hui était un jour de manifestation, demain ils peuvent organiser ce qu’ils appellent une ‘édition en direct’ sur Instagram ou sur les réseaux sociaux comme X, et organiser un espace médiatique où ils parlent de ce qui s’est passé, de ce qui a mal tourné, de la façon dont ils l’ont découvert.”
Photo de Papa brame Faye via Pexels.
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