Dix mois jour pour jour après sa mort à 89 ans, l’ancien président ivoirien (1993-1999) Henri Konan Bédié a été inhumé samedi 1er juin dans son caveau familial situé sous l’église de Pepressou, son village natal, dans le centre de la Côte d’Ivoire. La cérémonie s’est déroulée « dans la stricte intimité familiale », selon la formule consacrée, après deux semaines de funérailles grandioses, conformes à la tradition du peuple baoulé, l’ethnie du défunt.
Avant cette ultime cérémonie, de derniers hommages s’étaient déroulés sur la place de Pepressou, vendredi 31 mai et samedi 1er juin, en présence de nombreux habitants de la région et de représentants de la classe politique tous bords confondus, tant Henri Konan Bédié était un homme politique incontournable dans le pays.
Ministre de l’économie et des finances de 1966 à 1977, président de l’Assemblée nationale de 1980 à 1993, chef de l’Etat de 1993 à 1999, patron du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), l’ancien parti unique, jusqu’à sa mort, « le Sphinx de Daoukro », tel qu’il était surnommé, fut de toutes les intrigues politiques depuis un demi-siècle.
Ses deux rivaux absents
Outre les cadres et la nouvelle direction du PDCI, emmenée par Tidjane Thiam, Pascal Affi N’Guessan du Front populaire ivoirien ou encore l’ancienne première dame Simone Gbagbo étaient présents. Mais les deux grands rivaux d’Henri Konan Bédié, l’ex-président Laurent Gbagbo, et l’actuel chef de l’Etat Alassane Ouattara, n’étaient pas là. Ce dernier, qui doit assister au sommet Corée du Sud – Afrique, était représenté par le vice-président Tiémoko Meyliet Koné et une délégation gouvernementale, dont les trois heures de retard à la cérémonie n’ont pas manqué de créer le mécontentement.
Car à Pepressou, tous jurent leur absolue fidélité à Henri Konan Bédié, même post-mortem. Connu pour son goût des cigares et du champagne, l’ancien président était l’homme le plus riche de la région, à la tête d’immenses plantations. Bourses privées aux étudiants prometteurs, travail agricole pour les habitants, il faisait vivre cette partie de la Côte d’Ivoire dont il était issu.
« Pour nous au village, le président Bédié faisait tout, raconte Victor Niamien, un vieil homme frêle, vêtu du pagne noir officiel des funérailles. Quand il y avait une fête, il envoyait des bœufs. S’il quelqu’un tombait malade ou mourait, il contribuait aux soins ou aux funérailles. Quand on avait un problème d’argent, on venait le voir et il nous aidait. » « Henri Konan Bédié est irremplaçable, reconnaît le maire Djè Koffi Aubin. Ce qu’il faisait, aucun d’entre nous n’a les moyens de continuer à le faire. »
Sur les pas du premier président du pays Félix Houphouët-Boigny qui a tant bâti dans son village Yamoussoukro qu’il en a fait la capitale administrative du pays, Henri Konan Bédié avait, à sa mesure, entrepris de développer son fief. La nouvelle église de Pepressou sous laquelle le Sphinx a été enterré, avec ses hauts murs immaculés et ses vitraux bleus, a été achevée en décembre 2021. Il avait aussi financé ces rangées de coquettes maisons beiges semblant sortir d’une banlieue résidentielle américaine, où l’homme d’Etat fut ambassadeur dans les années 1960.
Reconquérir le pouvoir
Sans compter tous les projets commencés et jamais achevés. La construction d’une deuxième résidence personnelle à Pepressou, la route bitumée reliant le village à Daoukro… « Lorsqu’il était président, il a fait construire les premières routes, des bâtiments publics, la mairie, la gendarmerie, rapporte le maire de Daoukro, Djè Koffi Aubin. Mais, malheureusement, il y a eu le coup d’Etat [de 1999]… » Le Sphinx ne s’est jamais remis de ce putsch, qui l’avait contraint à plusieurs années d’exil, et n’avait jamais abandonné l’ambition de reconquérir le pouvoir. En vain.
Ces dernières années, le PDCI d’Henri Konan Bédié peinait à convaincre les électeurs hors de ses bastions. En 2021, lors des élections législatives, la coalition d’opposition dont il faisait partie n’a recueilli qu’un quart des voix face à celle d’Alassane Ouattara.
Avec l’arrivée de Tidjane Thiam à la tête du parti en décembre, une nouvelle génération accède aux responsabilités. Alors que la présidentielle de 2025 est déjà dans tous les esprits, les partisans d’Henri Konan Bédié espèrent déjà qu’il parviendra à réaliser le dernier vœu de leur ancien chef : faire revenir le PDCI au pouvoir après vingt-cinq années d’opposition.
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