Pêches et Océan Canada a annoncé récemment que les quotas de la pêche commerciale dans les communautés autochtones de la région du golfe augmenteraient à 125 000 poissons. Au Nouveau-Brunswick, des voix se lèvent pour contester cette mesure.
L’objectif, c’est vraiment de développer l’économie, de créer de l’emploi et de la richesse dans nos milieux
, a affirmé la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne Diane Lebouthillier. C’est un poisson qui est excellent.
La ministre fédérale des Pêches et des Océans, Diane Lebouthillier. (Photo d’archives)
Photo : Radio-Canada / Patrick Butler
En plus d’avoir des visées économiques, l’annonce est pour le MPOun important pas dans le chemin de la réconciliation
avec les communautés autochtones de la région du golfe.
Du mécontentement à Miramichi
Bien que le MPO indique que cette mesure ne menace pas l’espèce, tous ne sont pas convaincus et craignent le pire.
L’annonce de la ministre a semé le mécontentement auprès de l’association néo-brunswickoise Miramichi Bass Fishing, qui a lancé une pétition en ligne regroupant actuellement autour de 6000 signataires.
C’est que la population de bar rayé a connu un important déclin dans le golfe, lors des années 1990. Afin de rétablir la ressource, sa pêche commerciale fut interdite en 1996. Une mesure qui a été effective, puisque le nombre de bars rayés reproducteurs serait passé de quelques milliers à un peu moins d’un million en 2017.
Puis, en 2018, la Première Nation d’Eel Ground (Natoaganeg) — communauté mi’kmaw non loin de Miramichi — se voit offrir un quota de 50 000 bars rayés. Ce projet pilote, axé sur le développement du marché en vue de l’établissement d’une pêche commerciale communautaire autochtone, dure depuis.
Les filets maillants des pêcheurs d’Eel Ground, dans la rivière Miramichi (Photo d’archives)
Photo : Première Nation d’Eel Ground
Miramichi Bass Fishing relate que le nombre de bars rayés reproducteurs serait retombé à 300 000 en 2019 et que le nouveau quota allant jusqu’à 175 000 prises alloué va empirer la donne.
Afin d’éviter que l’histoire ne se répète
, le groupe demande la prudence dans la reconstitution de l’espèce, notamment avec l’arrêt de toute pêche commerciale pendant la période de reproduction.
Miramichi Bass Fishing rappelle que l’estuaire de la rivière Miramichi est le seul site confirmé où la grande majorité de bars rayés se reproduit.
La pérennité de la ressource est-elle en danger?
L’un des signataires de la pétition, Jeff Wilson, est le fondateur de la Miramichi Striper Cup, le plus important tournoi de pêche du bar rayé au Canada. Il a aussi pris part à plusieurs comités consultatifs avec le MPO sur la reproduction du bar rayé dans le golfe.
C’est un choc total
, a-t-il dit après avoir appris l’annonce de la hausse des quotas. Le rapport scientifique utilisé pour déterminer le niveau des stocks n’a même pas encore été remis au ministère.
Diane Lebouthillier ne se dit aucunement inquiète de la pérennité de la ressource.
Je veux rassurer les gens pour toutes les ressources
, dit-elle, faisant allusion à de possibles moratoires futurs. Je l’ai dit, on va me passer sur le corps, ce n’est pas vrai que je vais revivre ce que j’ai vécu avec la morue et ce qu’on est en train de vivre avec la crevette.
Après un effondrement du stock vers la fin des années 90, on assiste maintenant à un retour en force du bar rayé du sud du golfe, au point même de faire compétition aux autres espèces prisées de la région.
Mais, selon le scientifique et professeur de biologie et de mathématiques à l’Université d’Acadia, Trevor Akerley, il y a bel et bien de quoi s’inquiéter. Il accuse la ministre de ne pas écouter les scientifiques.
Trevor Akerley — qui étudie le bar rayé de la côte est depuis deux décennies — a participé en 2022 à la révision de l’évaluation des stocks dans le golfe. Il clame que les recherches ont montré que la population de bars rayés reproducteurs a chuté de moitié, environ, entre 2017 et 2022.
Il qualifie la hausse du quota de gigantesque expérience sur un système afin de voir s’il est possible qu’il se maintienne malgré le retrait de 175 000 poissons.
Je prédis un effondrement de la population d’ici trois ans.
Pour sa part, le MPO assure que les prises enregistrées en 2022 par les scientifiques confirment le maintien d’une abondance de bars rayés reproducteurs relativement stable au cours des dernières années qui correspond avec la zone de prudence dans l’approche de précaution
.
Des consultations à venir avec les homardiers
Par ailleurs, Diane Lebouthillier relate avoir eu des discussions l’hiver dernier avec des homardiers des Maritimes lui ayant souligné que de nombreux bars rayés finissaient dans leurs trappes lors des sorties en mer. Pour respecter les quotas en place, ces poissons sont relâchés.
On comprend que pour eux, c’est un problème, et on se dit : on doit faire quelque chose parce que le bar rayé est vraiment en santé puis, des poissons qui sont en santé, on doit pouvoir être en mesure d’en faire une économie
, en a déduit la ministre.
Le MPO vise 2025 pour permettre aux homardiers de garder ces prises accessoires. Des consultations sont prévues dans les prochaines semaines avec eux ainsi que les autres pêcheurs commerciaux dans le sud du golfe afin d’évaluer la question.
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