Le constat de Houngnibo Gbaguidi, la présidente de l’Association des libraires professionnels du Bénin (Alpb) est formel : « Ce n’est plus l’ère où les clients viennent à la librairie seulement pour acheter des livrets de prières chrétiennes ou des livres sur les psaumes ».
Celle qui est aussi la vice-présidente de l’Association internationale des libraires francophones (Ailf) se désole face au constat que « les livres sur la religion chrétienne catholique ne sont plus beaucoup demandés par les clients ». « Au meilleur des cas –ajoute-t-elle– ceux qui en demandent encore, cherchent des livres pour mieux comprendre le catholicisme ».
Au Bénin en effet, ces dernières années, « la soif de connaître l’Afrique, sa philosophie, ses religions n’a, à ma connaissance, jamais été aussi intense auparavant ! », analyse Benoît Ahouandjinou, libraire depuis plus de quatre décennies. Cet ancien chef de rayon littérature, culture générale et beaux livres de la librairie Notre-Dame de Cotonou, a ouvert en 2021 la librairie Le Progrès Store qu’il tient à Porto-Novo, la capitale du Bénin.
L’impact des Vodun days
« Depuis deux ans, les livres portant sur le Vodun et la culture africaine couvrent entre 60 et 80 % des ventes globales de notre librairie » souligne-t-il. Ainsi dans sa libraire, ouverte après son admission à la retraite, la part belle est faite aux livres portant sur l’Afrique, ses spiritualités endogènes et pratiques culturelles.
Constat similaire dès l’entrée des locaux de L’Harmattan Bénin, une maison d’édition française qui ouvrait ses portes à Cotonou au mois de janvier. Qu’est-ce que le Vodun ?, Ouidah, fille légataire de l’Égypte antique, La théologie Vodun. Fondement de la pensée classique Aja-Tado, sont, entre-autre, les premiers titres qui accrochent le visiteur dès le premier rayon de cette maison d’édition-librairie.
Mieux, Prudientienne Houngnibo Gbaguidi fondait en 2021 à Cotonou une librairie spécialement dédiée à l’Afrique sous la dénomination Savoir d’Afrique. Dès le départ, elle se fixe spécifiquement comme objectif de « promouvoir la littérature africaine en général et celle béninoise en particulier et de diffuser les livres présentant les valeurs culturelles et cultuelles africaines ». Aussi sa librairie offre-t-elle aux lecteurs une mosaïque de livres en rapport avec ces sujets.
Mais si ces livres s’écoulent facilement au Bénin, curieusement en dehors de quelques chercheurs universitaires, leurs consommateurs sont – dit-on – essentiellement des étrangers. « J’ai remarqué que ce sont souvent des touristes européens, américains, afro-descendants et autres expatriés », assure Ahouandjinou. « Quand ils viennent au Bénin, ils veulent connaître un peu plus le pays, sa culture, ses religions, comment elles se pratiquent, ses savoir-faire, etc », détaille-t-il. Cependant, « par-dessus tout, il y a une tendance plus accrue vis-à-vis des livres portant sur le Fa (une pratique divinatoire endogène, NDLR) ». Ainsi, cette clientèle s’affermit en été mais aussi au mois de janvier où se tiennent depuis deux ans les Vodun days.
« Inculquer la pratique des livres dès le bas âge »
Alors, comment intéresser les Béninois aux livres en général et au livre chrétien en particulier aujourd’hui ? La question préoccupe libraires et éditeurs béninois qui rivalisent d’ingéniosité et innovations. Selon Houngnibo Gbaguidi, le chantier à investir, ce sont les plus jeunes : « Les parents doivent inculquer l’habitude de la pratique des livres et de la lecture dès le bas âge aux enfants ». Pour ce faire, elle recommande d’offrir des Bibles illustrées par exemple aux enfants afin d’accrocher leur attention.
C’est dans une visée similaire que les Éditions Isidore de Souza (du nom de l’ancien archevêque de Cotonou, considéré comme le père de la démocratie au Bénin), fondaient en 2021 un espace de lecture d’accès gratuit à l’intention des scolaires. « Il s’agit pour nous de rapprocher les apprenants du livre, d’offrir un cadre agréable aux élèves où ils seront enchantés de découvrir les livres, où ils peuvent apprendre, se cultiver et surtout, consulter des livres inscrits au programme qu’ils n’ont pas forcément à leur portée » expliquait Axelle Adiho, la coordonnatrice.
Autre trouvaille, la pratique des cafés littéraires et des conférences autour de livres ou thèmes dans les locaux de librairies. « Chaque mois, à L’Harmattan Bénin, nous recevons un auteur en présence d’une cinquantaine de lecteurs. Si dix parmi eux achètent dix ou vingt livres, cela ferait déjà une dizaine de potentiels lecteurs et un appui aux auteurs » détaille Stephens Akplogan, le directeur.
Crédit: Lien source