Bernard Pivot n’avait pas su manier les bons mots face à Gabriel Matzneff dans « Apostrophes »

NurPhoto via Getty Images Bernard Pivot a été accusé de complaisance après ces propos sur Gabriel Matzneff.

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Bernard Pivot a été accusé de complaisance après ces propos sur Gabriel Matzneff.

TÉLÉVISION – Une figure médiatique française s’en est allée, mais cette séquence restera gravée dans les mémoires. Ancien écrivain et présentateur d’émission culturelle, Bernard Pivot est mort ce lundi 6 mai à l’âge de 89 ans. Son émission Apostrophes – qu’il a présentée de 1975 à 1990 – était regardée par des millions de téléspectateurs, et a donné envie de lire à bon nombre de Français.

Mais c’est aussi sur ce plateau que Bernard Pivot n’a « pas eu les mots qu’il fallait » selon ses propres dires, à propos de la séquence devenue la plus polémique de sa carrière : celle où il reçoit en plateau l’écrivain Gabriel Matzneff dans Apostrophes.

Complaisance avec Gabriel Matzneff

Rembobinons la pellicule jusqu’en 1990, dernière année de diffusion de l’émission littéraire à succès. Son présentateur Bernard Pivot reçoit Gabriel Matzneff, aujourd’hui accusé de viols sur mineurs. L’écrivain clame haut et fort dans l’émission son attrait pour « les moins de seize ans », des agissements connus de tous, puisqu’il les raconte également dans ses livres.

Bernard Pivot le décrit d’un ton badin comme « un véritable professeur d’éducation sexuelle » qui est « spécialisé dans les lycéennes et les minettes ». Des propos dont seule s’offusque sur le plateau la romancière Canadienne Denise Bombardier, et qui ne déclenchent pas de polémique à cette époque. Jusqu’à ce que l’INA vienne déterrer l’extrait en question et le diffuse en décembre 2019 (attention, les propos sur la sexualisation de mineurs peuvent choquer).

Un extrait qui tourne en boucle

En 2019, l’écrivaine Vanessa Springora est alors en pleine promotion pour son livre Le Consentement, où elle raconte sa relation d’emprise avec l’écrivain – âgé de 49 ans, quand elle en avait 14.

Cet ouvrage déclenche la chute de l’auteur et un scandale retentissant dans le milieu de l’édition, lié à la permissivité dont aurait profité Gabriel Matzneff alors qu’il mettait en avant ses pratiques sexuelles sur les mineurs. L’extrait d’Apostrophes tourne en boucle sur les réseaux sociaux et met en lumière une certaine complaisance du monde littéraire et médiatique à son égard au début des années 90.

Bernard Pivot se voit obligé de réagir, et le fait sur un outil qu’il affectionne particulièrement, Twitter. « Dans les années 70 et 80, la littérature passait avant la morale ; aujourd’hui, la morale passe avant la littérature. Moralement, c’est un progrès. Nous sommes plus ou moins les produits intellectuels et moraux d’un pays et, surtout, d’une époque », écrivait-il.

Pas eu « les mots qu’il fallait »

Cette défense a été vivement critiquée par certains internautes, accusant le présentateur de rejeter la faute sur « l’époque » et rappelant que les actes de Gabriel Matzneff étaient tout autant criminels dans les années 80 qu’aujourd’hui. Quelques jours plus tard, Bernard Pivot rétropédale, en exprimant ses « regrets » et estimant qu’il n’avait pas eu à l’époque « les mots qu’il fallait », dans un texte paru dans le JDD.

« Animateur d’émissions littéraires à la télévision, il m’aurait fallu beaucoup de lucidité et une grande force de caractère pour me soustraire aux dérives d’une liberté dont s’accommodaient tout autant mes confrères de la presse écrite et des radios », disait-il, avant d’ajouter : « Ces qualités, je ne les ai pas eues. Je le regrette évidemment, ayant de surcroît le sentiment de n’avoir pas eu les mots qu’il fallait. »

Le livre de Vanessa Springora a été adapté au cinéma en 2023 par Vanessa Filho, avec Jean Paul Rouve dans le rôle de Matzneff. La scène d’Apostrophes y a d’ailleurs été rejouée. « C’était très important pour moi de mettre en scène l’émission Apostrophes pour raconter comment une société a permis à un individu comme Gabriel Matzneff d’agir avec autant d’impunité », expliquait la réalisatrice dans une interview pour BFMTV.

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