Brest-Monaco : « Il ne cherche pas l’esthétisme, ni à créer des arrêts », Marco Bizot, l’autre mur de Bretagne

Une marque symbolique. Le 31 mars, Marco Bizot s’invite, sans tambour ni biniou, lors d’un derby acharné à Lorient (1-0), au sein du cercle élitiste des gardiens ayant défendu le but de Brest à 100 reprises ou plus dans l’élite après Daniel Bernard (117 matchs 1979 1983) et Patrick Chaslerie (149 matchs entre 1983 et 1988).

À l’heure d’accueillir Monaco, ce dimanche, dans une confrontation déterminante pour la distribution des prix d’excellence, le Néerlandais de 33 ans mesure mieux le chemin parcouru. « En signant ici, je ne m’imaginais pas avoir une opportunité de terminer aussi haut. Brest, pour moi, est une équipe susceptible de briguer le milieu de tableau tous les ans, mais de là à vivre ce qu’on vit », nous confie-t-il.

La tête solidement ancrée sur de larges épaules, il refuse, toutefois, de céder à une forme d’euphorie. « Il ne faut pas se croire arrivé, prévient-il. Si tu raisonnes en te disant tu es près du but, tu as tout faux. » En ce sens, le cruel échec à Lyon, où sa sortie non maîtrisée sur Lacazette a, notamment, offert aux Gones le pénalty de la victoire (4-3), agit comme une piqûre de rappel.

Quand il décide, à l’été 2021, de quitter Alkmaar pour relever le challenge breton, les supporters locaux accueillent, d’abord, avec une pointe de défiance ce gardien longiligne (1m93) formé à l’Ajax Amsterdam. Il entre, il est vrai, en concurrence frontale avec Gautier Larsonneur, l’enfant du pays, le chouchou de la cité du Ponant. À l’origine de sa venue, Michel Der Zakarian, aujourd’hui à Montpellier, détaille, sans mettre de gant, son choix de l’installer dans la peau du titulaire.

« C’était une décision personnelle, je suis payé pour en faire, rappelle-t-il. Si on était allé chercher Marco, c’est parce qu’il présentait d’autres caractéristiques que celles de Gautier, plus d’expérience, un autre physique. On l’avait supervisé et on avait eu suffisamment de garanties à son sujet. J’avais vite cerné tout son potentiel. Il nous a permis, dans les moments difficiles, de maintenir le bateau à flot. »

Si Brest dame, aujourd’hui, le pion aux meilleurs, Bizot auteur de 11 « clean sheets » n’y est pas étranger. Sa lecture du jeu, son explosivité et ses parades sur la ligne participent à la solidité des Ty Zef. « Je ne sais pas si c’est la meilleure saison de ma carrière, peut-être, oui. La plus aboutie des trois en Ligue 1 sans doute. Le jour où tu arrêtes d’être ambitieux, tu cesses de progresser. Moi, je ne veux pas m’endormir », nous glisse-t-il dans un français très correct. Humble, celui qui se rêvait architecte et se passionne pour la plongée, fait l’éloge du collectif.

« L’état d’esprit des gars est irréprochable. Chacun est prêt à se dépouiller pour le copain, raconte-t-il. Personne ne cherche à placer sa situation au-dessus de celle du groupe. Avec le staff et les supporteurs, on forme une seule entité. La star, c’est l’équipe. » Le staff, justement, se montre dithyrambique à son sujet.

« Il arrive tous les matins avec la banane, la joie de vivre. C’est quelqu’un de positif dans un vestiaire. Il irradie, se félicite le coach Éric Roy. Il est rassurant sur comme en dehors du terrain. Il est fiable. Il ne descend pas en dessous d’un certain niveau. Avec lui il n’y a jamais de mauvaise surprise. Il nous a rapporté de nombreux points, fait gagner certains matchs et éviter d’en perdre d’autres. »

En écho, Christophe Revel, en charge des gardiens, abonde. « Marco est un mec posé, cohérent et lucide. Il maîtrise le poste par cœur, observe le technicien. Il a un style très sobre, pragmatique. Il privilégie toujours le geste efficace et juste. Il ne cherche pas l’esthétisme ni à créer des arrêts. Parfois il met le pied ou le corps selon la situation. On lui transmet la vidéo de chaque rencontre. Si j’ai 24h de retard, il me réclame le montage de ses actions. Il aime beaucoup regarder. Comprendre ce qu’il réalise de bien pour le reproduire ou, au contraire, corriger des choses. »

Le récent rappel en sélection néerlandaise (adversaire des Bleus à l’Euro), en mars, de ce grand consommateur de café, après trois ans d’absence, s’inscrit, dès lors, dans la logique. « Sa réussite ne m’a pas étonné, confie Thomas Buffel, l’ancien international belge, son coéquipier à Genk entre 2014 et 2017. Quand tu as de la taille, des bons réflexes et que tu es à l’aise au pied, tu peux être très bon. À Genk, il était sans doute un peu trop gentil. Un gardien, il faut qu’il parle beaucoup, qu’il n’hésite pas à crier pour s’imposer. Et lui, il était un peu timide. Mais il travaillait très dur.. Et il était très jeune. Il est plus mature maintenant. »

Romain Del Castillo, le milieu brestois, prolonge. « Pour réussir une belle saison, il est nécessaire de s’appuyer sur un grand gardien. On a cette chance de l’avoir avec nous. » Désormais à Mönchengladbach, Franck Honorat a côtoyé deux ans Bizot. « Il prend de la place dans son but et dans les face à face il donne l’impression d’aimanter les ballons », note l’attaquant.

Charismatique, à défaut d’être bavard, Bizot, sous contrat jusqu’en 2026, s’est construit en marge de sa cellule familiale. Ses parents avaient, en effet, des attentes différentes à son adresse. Ils idéalisaient leur fils en superstar du foot, un enfant spécial sous pression qu’il se refusait à devenir. « Je suis quelqu’un de normal, comme tout le monde », se plaît-il à rappeler.

Amoureux de sa région d’adoption, il est en harmonie avec cet environnement paisible. Il mène au Relecq-Kerhuon, aux portes de la Rade de Brest, une existence loin des paillettes. Il apprécie aussi une nature « magnifique » et le caractère des locaux, proche du sien. « Je me sens chez moi ici. Avec ma famille (il a deux garçons), on est sensible à la gentillesse des gens. Chacun est toujours prêt à rendre service. »

Cette empathie lui parle. Aux Pays-Bas, il était ainsi impliqué dans une association venant en aide aux réfugiés et avait longuement accompagné un Érythréen dans ses démarches administratives. « Dans le vestiaire, il parlait avec tout le monde, quelqu’un d’humeur toujours égale. Un gars heureux, optimiste », souligne Buffel.

« Il a su très vite se faire adopter en faisant l’effort d’apprendre notre langue. Il aime bien faire des blagues et a le goût des autres », se rappelle, encore, Franck Honorat à propos de cet atypique phare ouest breton aux multiples tatouages. L’un des derniers en date représente un croissant avec un « bonjour » dans une bulle sur son biceps. Un clin d’oeil pour son goût prononcé des viennoiseries et le témoignage visible d’une intégration pleinement réussie.

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