Brice Clotaire Oligui Nguema peut-il incarner le changement ?

Au Gabon, les urnes ont livré leur verdict. Après une journée électorale globalement calme, les résultats provisoires annoncés ce dimanche confirment la victoire écrasante du président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, avec plus de 90 % des suffrages exprimés. Un plébiscite pour celui qui, il y a dix-neuf mois, mettait fin à plus de cinq décennies de règne de la dynastie Bongo sur ce riche pays d’Afrique centrale. Mais cette victoire, si elle impressionne par son ampleur, n’a rien de surprenant. Dans un contexte marqué par l’éviction de quelques figures de l’opposition, écartées du processus électoral, l’élection du général-président relevait davantage à une formalité qu’à un véritable test démocratique. Mais s’il est une chose de remporter une élection avec un score soviétique, c’en est une autre d’incarner la rupture tant promise. C’est là tout le défi qui se dresse désormais devant Oligui Nguema. Car si avoir renversé Ali Bongo Ondimba fut un argument fort, les Gabonais attendent désormais des actes, sur la durée.

Les observateurs le notent tous, les Gabonais ont voté avec ferveur et espoir. Le taux de participation, supérieur à 73 %, en dit long sur l’attente collective de renouveau. Et pour cause : c’est la première fois en plus d’un demi-siècle qu’ils votaient dans une élection sans un Bongo à l’affiche. Ils ont également eu la conviction que leur vote serait enfin respecté, contrairement aux scrutins entachés de fraudes en 2016 et 2023. À cela s’ajoute un fait non négligeable : Brice Oligui Nguema a respecté son engagement de conduire une transition dans un délai raisonnable, une diligence qui se distingue dans un contexte africain plutôt marqué par l’éternisation des pouvoirs de transition. Mais l’enthousiasme populaire ne saurait occulter les zones d’ombre. Le nouveau président est un pur produit du système Bongo. Et autour de lui, gravitent de nombreux anciens serviteurs et architectes du système déchu et aujourd’hui voué aux gémonies. Les Bongo ont peut-être quitté le palais, mais l’esprit du système semble, lui, bien en place. Et puis, ce score de 90 % n’est pas pour rassurer sur la vitalité démocratique du pays. Surtout dans un contexte où des ajustements constitutionnels ont été habilement introduits pour écarter les challengers les plus sérieux de la course. Au fond, les intrigues politiques et les manœuvres électorales semblent avoir survécu au coup d’État d’août 2023.

Or, si les Gabonais ont voté pour le changement, c’est avant tout pour rompre avec ces pratiques du passé : opacité, clientélisme, détournements, promesses non tenues. Le vrai défi pour le général-président ne sera donc pas seulement d’avoir tourné la page des Bongo, mais d’en écrire une nouvelle, différente dans les faits et dans l’esprit. Le Gabon est un pays potentiellement prospère, mais il reste confronté à des problèmes structurels majeurs : chômage élevé, délestages électriques, accès difficile à l’eau potable, infrastructures en ruine, système de santé fragile, éducation en crise, endettement croissant. Face à ces défis, le charisme ou le passé militaire du président ne suffiront pas. Il lui faudra faire preuve de rigueur, de méthode et de volonté politique. Le changement ne réside pas dans les discours ou les postures, mais dans la capacité à réformer en profondeur les institutions et à restaurer la confiance du peuple. Brice Clotaire Oligui Nguema ne porte pas le nom Bongo. En soi, ce n’est pas rien. Mais au Gabon, cela ne suffira pas. Les attentes sont immenses. Et cette fois, le peuple gabonais doit avoir appris à distinguer le changement de façade du changement réel. S’il veut inscrire son nom dans l’histoire autrement que comme « le tombeur des Bongo », il lui faudra honorer ses engagements et transformer l’espoir populaire en un avenir concret et meilleur. Le scrutin est passé. Le vrai test commence maintenant.

Boubacar Sanso Barry


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