Burkina : Contribution sur l’état de la nation

Dr Wendgoudi Appolinaire Beyi, sociologue des organisations et du travail, spécialiste du management stratégique et opérationnel, fait, dans la tribune qui suit, des propositions pour sortir le Burkina Faso de la crise dans laquelle il est plongé et pour le ramener sur les rails du développement.

Quelle Gouvernance pour quelle nation ?

Comme d’habitude, à chaque tournant de l’histoire du pays, je me permets de tenir une analyse sur l’état de la nation, un discours sur les fondements de la nation et les perspectives à donner pour la consolidation des acquis des gouvernants de tout régime et du peuple burkinabè.

Sans vouloir revenir sur les crises multiples que traversent la nation, à la fois à l’interne et à l’externe, entre fronts contre le terrorisme et fronts contre les institutions et des pays jugés néocolonialistes ou au service de l’impérialisme.

Pour revenir sur les acquis de la transition, il est de reconnaitre qu’elle a emprunté le chemin du développement en mettant en place ou en revisitant certains projets des prédécesseurs dans les mires de sa vision du progrès.

Néanmoins, il y a eu des sacrifices, des dérives (non-respect du droit humain, des décisions de Justice, de la diplomatie, etc.) et des comportements qui ont enrichi la fracture sociale et socioprofessionnelle dans les fondements d’un état de droit vécu et en expectative par la majorité des Burkinabè.

Cette vision unilatérale, pertinente dans sa forme, pour les questions de développement durable, demeure à l’épreuve du fond, dans son opérationnalisation et sa continuité.

Dans les critiques du sommet stratégique de la gouvernance par l’idéologie, il y’a beaucoup à dire, mais je peux me résumer par l’exemple. J’ai souvent suivi des émissions dans lesquelles des « intellectuelles idéologiques » se prononcent pour un modèle de gouvernance militaire ou autocratique alors qu’eux-mêmes ont demandé à avoir la nationalité des pays occidentaux pour leurs valeurs de libertés et d’épanouissement socio-économique et bien d’autres. J’aurais compris leurs positions si ces compatriotes se retrouvaient en Chine ou en Russie pour tenir ces discours de construction de monarques ou d’autocrate pour leurs compatriotes.

D’une autre voix, certains regardent la Chine comme modèle de discipline et de citoyen constitué de valeur intrinsèquement profonde pour le développement. Pour moi, c’est une vision d’esprit aussi parce qu’il y’a des peuples à l’intérieur de cette masse humaine qui vivent le poids de l’Etat dans les moindres espaces de leur dignité.

Beaucoup de psychologues ou de sociologues peuvent confirmer que la construction d’un citoyen se fait par la conscience des normes et non par la pression politique des normes ou les suggestions de la violence sur les écarts. En occident, aux Etats Unis par exemple, la société est gouvernée par procuration de la conscience citoyenne et chaque Américain est prêt à défendre les valeurs et la nation qu’ils ont ensemble contribué à définir.

Loin des films et des profils des artistes, le vécu au quotidien n’est pas cette violence et libertinage mais profondément une journée de travail chargée de droits et de devoirs. Ailleurs, comme la Chine, la révolution centenaire qu’on connait a eu des fondements avec une violence instituée dans la mémoire collective et certains peuples vivent toujours sous pression (Ouighours par exemple) de la gouvernance d’un parti unique : enfin, ce fameux chemin à sens unique avec ses hypothèses de suites.

Pour comprendre cela, il faut observer le comportement des gens après avoir déposé « un gendarme couché » sur une chaussée après le constat d’un excès de vitesse de certains usagers. Par principe, vous avez là une contrainte externe avec les risques (chutes par exemple). Vous verrez aussi que le sentier battu par les premiers passants sera le chemin de tous les passant venant des deux sens et cela jusqu’à ce que le sens contraire rétréci de la chaussée battue se présente réduit pour gérer le croisement de passage des deux sens. Cela va obliger les uns à quitter le chemin battu pour battre leur chemin.

C’est dire ainsi que le modèle chinois est un modèle en crise latente parce que le jour où la force du pouvoir va avoir l’épreuve des aspirations de certains, les formes de rebellions vont s’inviter avec une violence extrême. Même si dans ces cas express, certains vont évoquer une manipulation externe à cette volonté de libération. Contrairement à l’expression ponctuelle qu’on assiste dans les démocraties occidentales (crises de la Maison Blanche avec les extrêmes droites ou de l’Elysée avec les gilets jaunes) dans lesquels les résolutions sont réalisées dans les moindres violences institutionnelles.

Nous pouvons aussi observer l’écroulement au Burkina après le départ du régime Compaoré où l’autorité de l’Etat emportée avec la dissolution du RSP et de l’absence de l’emblématique pouvoir ont donné lieux à un libertinage dans nos frontières et finalement une expression des bruits sourds et finalement, des espaces de manipulation des groupes terroristes transnationaux.

Au niveau de la critique de la base, nous pouvons critiquer la satisfaction par l’acte sans la conscience de l’implications lointaines des choses en matière de la stabilité et la durabilité des actes. La contribution financière, les sacrifices des uns pour tous ou pour des projets multiples peuvent subir des fronts à court terme. Nous voyons l’agitation de certains groupes sociaux (les moins défavorisés) du fait des subsides du moment et de l’espoir énormes que la transition a bien servi avec la visibilité de ses projets, certes pertinents mais à l’épreuve de l’unité et de l’engagement de tous. Mais, il est impossible de déshabiller Pierre pour habiller Paul de façon continue. Nous devons chercher une alternative pérenne à cette question du développement pour tous, ensemble avec toutes les couches sociales pour éviter les fractures sociales ou une opposition des classes qui peuvent pourtant coopérer et collaborer sur des fronts communs.

Que faire ? Dans ce contexte, nous rappelons d’abord les fondements et les aspirations du peuple Burkinabè à la liberté et aux principes démocratiques. Et nous pensons que chacun est conscient de la situation dans laquelle nous nous trouvons avec cette guerre imposée, les pertes subies et les sacrifices consentis par le peuple burkinabè pour la libération de son territoire depuis 2015. Il est donc nécessaire de prendre en compte les principes du moindre sacrifice pour résoudre le problème de l’heure. En cela je pense qu’il faut revenir sur les fondements de la tolérance et des consolidations de l’unité à cette phase de la lutte.

Sur le plan de la structuration, il faut en lieu et place d’une transition de suite avec un Président qui comptabilise des succès et des adversités intrinsèques multiples, nous proposons un Conseil Supérieur impair (délibérant à majorité) de la force sociale et politique après argumentations sans tête sur des Secrétariats d’Etat (à la sécurité, au développement durable, à la diplomatie et aux institutions et institutionnalisation du citoyen) qui coordonne les missions des différents ministères par regroupement stratégique avec les Secrétaires Généraux afin de mettre l’effort pour la paix et le développement sur le compte des expériences, des pratiques et de la capitalisation des acquis des différents régimes. L’Assemblée Nationale demeure dans cette perspective un lieu de consultation et de délibération sur des questions importantes.

Sur le plan des valeurs et de l’union sacrée de la nation, il faut envisager une réconciliation à travers une désactivation des lignes de front entre les régimes passés avec la loi et les hommes en faisant une forclusion des dossiers, des décisions de justice sur les dossiers politiques à travers l’Assemblée Nationale. Et rappeler l’ensemble des fils militaires, civils en exil ou hors du pays afin de poursuivre ensemble un développement durable.

Cela sous-entend aussi une libération des prisonniers aussi bien des coups d’Etat, des dossiers politiques passés et courants. Et, sans oublier une réintégration des travailleurs (civils et militaires) sous la coupe du licenciement dans un contexte de non possibilité de protection de leur sécurité et de leur dignité ou droit à la défense. On peut avancer l’hypothèse de risque, des pressions et des aléas dans lesquels ces travailleurs exécutent leurs missions dans ce contexte de crises multiples (de confiance et de faits).

Sur le plan du traitement de la question terroriste, il est évident qu’il faut composer comme toute guerre à une éventuelle phase de négociation (avec le dispositif de pression et technique pour suite) en reconsidérant la résolution avec l’ensemble des acteurs sans aucune concession sur l’intégralité du territoire, en offrant néanmoins l’asile sur un espace précis et une mise en place d’une culture de réinsertion sociale dans cet espace pour ceux-là qui sont disposés à réintégrer la société avec ses règles.

A ce niveau, il faut forcement changer le visage et les pratiques en la matière en recourant à des contributions diverses de tous bords et de toute institution (on peut proposer un espace couvert par une institution des Nations Unies. Ainsi, l’effort de paix aura un tournant plus humain pour tous. Il est donc important de revoir les questions du contrôle des frontières et de la réintégration aux institutions pertinentes sans biaiser les relations et l’intégration économique avec nos voisins qui sont aussi dans le contexte de crises. En remettant la souveraineté dans les lignes des frontières, il est possible d’ouvrir ces espaces de réintégration sociale sous contrôle des lois.

Sur le plan de la vision stratégique et opérationnelle, il y a des projets déjà engagés par l’ensemble des régimes qui se sont succédé. Ces projets peuvent être complémentaires, intégrés et compétitifs au niveau national, sous-régional et international pour le peuple burkinabè. C’est de favoriser par exemple l’agrobusiness et l’actionnariat populaire à la fois pour permettre à notre économie de compter encore sur l’ensemble de ses fils appartenant à plusieurs courants idéologiques et de convictions. Ainsi, ces acteurs pourront demeurer disponibles et actifs en toute confiance. Cela augmentera l’assiette du bassin d’emplois pour les jeunes, les femmes rurales et urbains.

Sur les délais, nous pensons qu’il faut un mandat de cinq ans pour impulser une visibilité de l’action de sécurisation et du développement durable et ainsi, poser des lignes pertinentes de notre vivre ensemble et de l’offre d’une contribution pour les générations à venir.

Si l’unité est une force, la sécurité une préoccupation de première ligne, ces sacrifices ne sont pas de trop sur les sacrifices humains, financières et sociales de notre peuple. Un secrétaire d’Etat spécialement orienté sur ce front constitue un impératif d’ordre stratégique et opérationnel.

Je ne peux pas terminer sans remercier le gouvernement et son leader charismatique pour les initiatives et les réalisations, le combat au quotidien qui demeure humain et ouvert à des critiques. Paix et sécurité pour le peuple et avec tous.

Dr Wendgoudi Appolinaire BEYI

Sociologue des organisations et du travail

Spécialiste du management stratégique et opérationnel

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