Publié le 28 février 2025
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Alors que les Camerounais s’interrogent sur l’avenir de leur pays piloté, depuis 42 ans, par le plus vieux dirigeant élu en exercice au monde âgé de 92 ans, ils ne manquent pas non plus de se retourner sur leur passé. Particulièrement depuis la remise du rapport de la Commission mixte franco-camerounaise pluridisciplinaire sur le rôle et l’engagement de la France au Cameroun. Coutumier des propos grinçants, l’homme politique et chroniqueur camerounais Abel Elimbi Lobè vient de jeter un pavé dans la mare, en revenant sur le parcours d’Ernest Ouandié, figure de la lutte pour l’indépendance du pays au sein de l’Union des populations du Cameroun (UPC).
Acteur majeur de la guerre civile qui tenta de renverser le régime d’Ahmadou Ahidjo issu de l’indépendance de 1960, Ouandié sera fusillé le 15 janvier 1971, pour avoir appelé à une insurrection. Ce 23 février 2025, sur un plateau télé, le promoteur du mouvement politique Kwatal s’en est donc pris donc à la mémoire du fusillé. Après une levée de boucliers de quelques jours, il enfonce le clou par une saillie définitive : « Ernest Ouandié est un bandit. »

Il développe, en rappelant que celui dont il évoque la mémoire « a été attrapé par l’armée camerounaise, traduit en justice, condamné pour atteinte à la sûreté de l’État » et que, « sous le prétexte de lutter pour le bien du Cameroun, l’indépendance véritable », il s’est « permis de verser le sang des Camerounais qui ne lui ont rien fait ». Mais des internautes rappellent à l’orateur de 2025 qu’il oublie un détail…
Bandit devenu héros
Rapidement, des sites camerounais republient la loi n°91/022 du 16 décembre 1991 qui concernait certaines personnalités historiques camerounaises. En son article 1er, le texte portait « réhabilitation de grandes figures (…) disparues qui ont œuvré pour la naissance du sentiment national, l’indépendance ou la construction du pays, le rayonnement de son histoire ou de sa culture ». Étaient concernés Ahmadou Ahidjo, Um Nyobé Ruben, Moumié Félix et… Ouandié Ernest. L’Assemblée nationale du Cameroun accordera à ce dernier le statut de héros national.
Avant de disparaître, Ouandié Ernest avait tenu à déclarer : « Allez dire à ma femme et à mes enfants que je n’ai pas trahi ! » C’est toujours l’opinion de nombreux Camerounais qui commentent sèchement la déclaration télévisuelle d’Abel Elimbi Lobè en la qualifiant parfois de scandaleuse « désacralisation d’un héros national », de « profanation de la mémoire », voire de « crime blasphématoire ».
Le passé sous l’angle du présent
Ce clivage récent a-t-il conduit d’autres acteurs camerounais à réaliser le caractère inflammable de la polémique ? Alors qu’il avait traité Ernest Ouandie de « chef bandit » en 2020, le ministre délégué auprès du ministre de la Justice vient de faire son mea culpa. Le président des Patriotes démocrates pour le développement du Cameroun (PADDEC) Jean de Dieu Momo indique qu’il se « retire des débats devant la pertinence de ce que le président [Paul Biya] a dit il y a seulement quelques jours ».

Paul Biya avait déclaré ceci : « L’indépendance de notre pays fut conquise de hautes luttes par de nombreux et dignes enfants issus de notre terroir. Leurs œuvres ont été saluées et officiellement réhabilitées. L’indépendance de notre pays fut arrachée au colonisateur à travers des luttes acharnées, menées par les combattants qui avaient en commun l’amour de la patrie. Il revient à nos historiens de rendre compte, sans complaisance, ni parti pris, de ce que fut la décolonisation. Il revient à nos communes d’honorer la mémoire de celles et de ceux qui ont lutté pour notre indépendance et notre réunification. »
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