Sur les pistes
Jean-Roland Ebassa, fils de Kédé PIerre, ancien employé de l’AFD, est chauffeur dans la même agence. A l’approche de sa retraite il s’adresse à Bruno Proth, sociologue, mari de Virginie Dago, directrice de l’agence AFD de Yaoundé à partir de 2022 pour recueillir son témoignage.
Le plus souvent, l’enquêteur, le chercheur en sciences sociales, est celui qui initie l’enquête, qui invite à la parole.
En initiant la démarche , Jean-Roland donnait à sa démarche une dimension d’émancipation parfois difficilement restituable lorsque c’est l’enquêteur qui sollicite son témoin.
Ce n’est pas sans fierté et sans doute une certaine recherche de notoriété que Jean-Roland voulait présenter son métier, son parcours et les acquis qu’il en retire et souhaite partager.
Précédemment monsieur Proth avait eu l’opportunité de conversations et s’était rendu compte de sa facilité à répondre aux questions sur les villes, l’état des routes, les encombrements.
Il ne cesse d’évoquer la beauté de son pays, dans le même temps, il ne se prive pas de tenter d’expliquer la réalité complexe de la dimension ethnique, le clientélisme des puissants.
En fait, dans son travail, il a toujours été en dialogue avec les missionnés qu’il conduisait et cela lui a permis de développer des capacités d’analyse.
C’est à l’instigation de son père que Jean-Roland a débuté comme vigile à l’AFD, il est chargé d’ouvrir et fermer le lourd portail de l’agence à la main, boulot qui laisse insatisfait le rêveur, l’aventurier qui sommeille en lui.
Jean-Roland décrit aussi les évolutions de l’agence entre 1991 et 2023, certaines sont des évolutions structurelles, d’autres changements sont plus le fruit de personnalités. Ainsi, Jean-Roland ne tarit pas d’éloges à propos de madame Dago, souriante, respectueuse, à l’écoute ; grâce à elle, dit-il, l’Agence se porte mieux qu’avant, l’ambiance est meilleure.
Il ne fait cependant pas preuve de langue de bois lorsqu’il s’exprime à propos du chantier du barrage de Lom Pangar, il dénonce les conditions de travail des ouvriers camerounais, le fait que les chinois refusent la présence d’ingénieurs camerounais, il ira jusqu’à interpeller le représentant de la Banque mondiale qui venait directement des Etats-unis et qu’il véhiculait pour sa mission.
il est pourtant conscient de son devoir de silence » ce qui se dit dans la voiture, tu peux croire que c’est une petite boîte d’allumettes et pourtant c’est une bombe ! En Afrique quelqu’un qui se confie on dit qu’il ouvre son ventre. Quand quelqu’un te fait confiance il faut se tenir droit, ne pas trahir. »
Je n’ai pas encore évoqué les connaissances spécifiques que Jean-Roland développe dans sa fonction de chauffeur : maîtriser la circulation, les temps de déplacement, anticiper les éventuels problèmes , gérer les situations difficiles.on sent qu’il adore son travail et qu’il l’a exercé avec bonheur.
J’ai parfois été troublée par les dires de Jean-Roland sur son pays, j’aurais aimé également une analyse plus poussée de l’action de l’AFD au Cameroun. pour cela, l’auteur relisons la note de bas de page 22 de l’auteur : » Pour nourrir une pensée sans concession sur le positionnement et les interventions des organisations humanitaires, se référer aux travaux et publications du Centre de Réflexion sur l’Action et les Savoirs Humanitaires (CRASH) «
En janvier 2024, cet écrit a été transposé à la scène au bar du théâtre Traversière dans le 14ème arrondissement de Paris.
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