C’est un peu se faire encore déporter

Approchez! Messieurs. Dames…

À vendre:

Trois beaux grands bâtiments.

Des dizaines de milliers de pieds carrés.

Le plus gros, quatre étages, rénové à l’extérieur à coups de millions de dollars par le gouvernement provincial.

Immense terrain sur la colline en plein cœur d’un village aux potentiels incroyables.

Lieux remplis de mémoires, d’histoires et d’héritage de l’Acadie.

Sorry… It’s already sold!

L’institut de Memramcook passe aux mains du privé.

Il y a quelques semaines, le gouvernement du N.-B., propriétaire de l’Institut, s’est échappé en comité parlementaire sur les comptes publics.

La députée du Parti vert, qui représente les gens de Memramcook à l’Assemblée législative, Megan Mitron, demande au ministre responsable quels montants sont dans le budget pour le maintien des trois édifices de l’Institut.

Réponse du ministre: Zéro.

Pourquoi zéro demande la député locale?

Réponse du ministre: Parce qu’il est vendu!

Vendu? Point final.

Quel est le prix de vente? Y’a-t-il des conditions rattachées à cette vente?

Quelles sont les intentions du nouveau propriétaire privé? Silence radio.

C’est le maire du village qui nous informe du nom du nouveau propriétaire: Heritage Developments Ltd. de Moncton. Il dit qu’il a une très bonne relation avec eux.

Mais, ni le gouvernement du N.-B., ni Heritage Developments Ltd. ne commentent la nouvelle. Pourquoi? Il me semble que c’est une grande nouvelle.

D’où l’inquiétude des gens de Memramcook, mais aussi des Acadiens de partout en Acadie.

Car la vente de l’Institut, ce n’est pas simplement la vente de bâtiments du secteur public au secteur privé.

La vente de l’Institut, ce n’est pas simplement la vente de blocs de béton, de fenêtres, de portes et d’asphalte. C’est beaucoup plus que ça.
L’Institut de Memramcook, c’est un passage obligé dans l’histoire de l’Acadie.

Ici ont été forgées des générations de leaders francophones qui ont mené à l’émergence de l’Acadie moderne.

Parmi eux, un p’tit gars de la place, Roméo Leblanc. En 1948, il obtient un baccalauréat de l’Université St-Joseph, ce qu’on appelle aujourd’hui l’Institut.

Natif de Memramcook, il devient député, ministre et même Gouverneur général du Canada.

Aujourd’hui, je me demande bien ce qu’il penserait de cette vente au secteur privé d’une partie du patrimoine acadien. Lui, grand défendeur de l’Acadie.

Se croiserait-il les doigts comme la plupart en Acadie en espérant que le nouveau propriétaire fasse une petite place à l’histoire et à l’héritage de l’Institut dans sa nouvelle vocation commerciale et résidentielle? J’en doute.

Son fils Dominic Leblanc, actuel député fédéral de la circonscription de Beauséjour, qui inclue Memramcook, reste silencieux, lui aussi.

Pourtant, il y a 10 ans, après sa fermeture, les citoyens de Memramcook se sont regroupés pour réfléchir sur l’avenir de l’Institut. Ils ont fait des recommandations. Écrits des lettres aux décideurs et aux responsables. Sans succès.

Le comité des anciens du Collège Saint-Joseph a même proposé au gouvernement fédéral de prendre possession des trois édifices qui constituent l’Institut. L’idée était d’en faire un lieu de l’histoire et du patrimoine acadien avec le Monument Lefebvre déjà sous la propriété du fédéral, juste à côté. Mais aussi de répondre aux besoins d’hébergement des organismes sociaux et communautaires de la région.

Dix ans plus tard, rien de ce côté non plus.

J’imagine que les idées des citoyens n’étaient pas assez bonnes aux yeux de Fredericton et d’Ottawa. Don’t call us. We’ll call you!

Depuis que les conservateurs de Blain Higgs sont au pouvoir à Fredericton, une clôture cadenassée et des blocs de béton bloquent l’accès à l’édifice.

Higgs a réussi son pari. Ignorer les gens. Ignorer le passé. Mettre sous cadenas une partie de l’héritage acadien assez longtemps pour que les Acadiens soient finalement heureux qu’on la libère, même aux mains du privé.

Pas mal comme stratégie.

Apprendre que l’Institut est vendu au privé, c’est voir disparaître l’espoir. L’espoir que nous sommes capables d’un projet collectif autour de l’Institut. Un projet qui répond aux besoins de la population.

Car une fois vendu au privé, les profits seront rois et maîtres. Il faudra à tout prix rentabiliser l’investissement, les lois du marché, la compétitivité, etc. Vous connaissez la chanson.

La croissance économique fait son chemin jusque dans le patrimoine. Mais à quel prix?

Apprendre que l’institut est vendu au privé, c’est aussi faire revivre dans l’inconscient collectif acadien les douleurs du passé. Un gouvernement ouvertement anti-francophone vend à un anglophone une partie du patrimoine acadien. Aussi bien dire qu’on se fait mettre dehors de chez nous!

Pendant 10 ans, l’Institut criait à l’aide sur la plage, en attendant le bateau qui viendra la sauver.

Finally, the boat arrived.

But is it the boat that will take us safely to port, or to the wreck of our identity?

Jacques Giguère
Memramcook

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