« C’était comme un tsunami » : à Kinshasa, après des inondations éclairs, la ville transformée en fleuve

Samedi, on circulait encore en pirogue sur cette rue. Ce lundi, Méda rentre chez elle après tout un week-end bloquée dehors en raison de la pluie qui bloquait l’accès à chez elle et constate avec désarroi l’ampleur des dégâts. « En une nuit, j’ai tout perdu. Mon restaurant, les dix dernières années de ma vie englouties », se lamente la commerçante. Avec un grand saut en plastique, un voisin aide Méda à écoper l’eau en dehors de la boutique, les jambes enfoncées jusqu’aux genoux dans le liquide vaseux.

À Kinshasa, dans la nuit du vendredi 4 au samedi 5 avril, la pluie s’est abattue avec la force d’un marteau qui frappe une enclume. Au sud de la capitale, un éboulement a alors coupé la route qui mène à Matadi tandis qu’à l’est de la ville, une crue de la rivière N’Djili, affluent du fleuve Congo, a entraîné l’inondation de plusieurs communes (l’équivalent de grands arrondissements) de la ville, rendant impraticable la route menant vers l’aéroport international.

L’urbanisme sauvage et la pollution plastique pointés du doigt

Le gouverneur de Kinshasa, Daniel Bumba Lubaki? a fait état d’un bilan provisoire de 35 morts dimanche. Des centaines de sinistrés sont encore pris en charge dans quatre centres d’accueil d’urgence et l’accès à l’eau potable et l’électricité a été coupé dans plus de la moitié de la capitale.

À Matete, l’une des quatre communes de Kinshasa les plus durement touchées par les inondations, certaines habitations restent encore inaccessibles. Sandra ne peut qu’observer avec désarroi la parcelle où a été construite sa maison. Dans le jardin, la voiture qui était garée là est encore devinable à son toit blanc qui émerge de l’eau. Ici, le jouet de son fils, là c’est un matelas qui est doucement ballotté par les vagues.

Jérémie a fait sortir ses locataires de leurs appartements. Une dizaine de personnes, femmes et enfants, reposent sur des matelas à même le sol. « Je n’ai jamais vu ça en 30 ans à Kinshasa, confie le propriétaire. Il y a déjà eu des inondations mais l’eau n’est jamais arrivée jusqu’ici. Tout le monde se pensait à l’abri », expose-t-il.

« Le plus surprenant, la vitesse »

Alors qu’il continue ses explications, des hommes viennent d’apporter une motopompe afin de drainer toute l’eau qui atteint encore un 1m60 de hauteur par endroits. Autour d’eux, les effets personnels des familles sont disposés : meubles et valises de vêtements sont empilés en quinconce. Tout ce que les gens ont réussi à sauver des flots. « Ce qui est le plus surprenant, c’était la vitesse à laquelle l’eau est montée, raconte Jérémie. C’était comme un tsunami. Je fais 1m80, et en deux heures l’eau était déjà jusqu’à mes épaules ».

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La ville est pourtant coutumière de ces catastrophes naturelles. En janvier 2024, la crue du fleuve Congo avait provoqué des inondations records. Toutefois, l’épisode actuel est « certes dû à des causes naturelles, mais celles anthropiques en ont exacerbé les conséquences », a reconnu le ministère de l’urbanisme et habitat, dénonçant les constructions anarchiques et le non-respect des plans d’urbanismes de Kinshasa comme une des principales raisons de la catastrophe.

Tandis que des travaux d’urgence sont toujours en cours pour rétablir l’eau et l’électricité dans les communes touchées par la montée des eaux, certains Kinois s’inquiètent alors que de nouveaux épisodes pluvieux sont attendus dans le courant de la semaine.

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