Musique/Interview Christophe Mali. À l’occasion de la sortie de son album « Humain », Christophe Mali se confie et revient sur son parcours, ses inspirations et son engagement auprès des jeunes artistes. De son évolution au sein du groupe Tryo à son rôle de coach scénique, en passant par sa vision du métier et son émerveillement intact face à la musique, il partage avec sincérité et enthousiasme son amour de la scène et de la transmission. Entre réflexions sur le monde et anecdotes personnelles, cette interview nous plonge dans l’univers d’un artiste passionné et profondément humain. A découvrir en tournée 2025 qui passera par le Café de la Danse à Paris les 25 et 26 Mars.
Vous avez baptisé votre album « Humain ». Une manière de questionner notre époque ?
Christophe Mali : Oui, c’était assez difficile de trouver un titre qui résume bien l’album. Il y a un côté très intime où je parle de ma famille, de mes expériences personnelles, et en même temps, un côté festif et sociétal. Le mot « Humain » est venu naturellement. Il nous ramène à ce que nous sommes au fond de nous-mêmes, à notre humanité. On a parfois l’impression que des gens la laissent de côté, ce qui contribue aux dérèglements du monde. En me livrant sur des sujets personnels, cela me permet aussi de dire qu’il est important de préserver et de cultiver cette part d’humanité en nous.
Dans la chanson « Derniers humains », vous parlez d’un monde en ruines, lié au dérèglement climatique. Est-ce une vision apocalyptique ?
Christophe Mali : La chanson évoque un monde devenu une ruine, où un couple essaie de survivre. C’est un peu un fantasme, une réflexion sur un monde qui s’effondre, mais dans le même temps, il y a un optimisme sous-jacent. L’idée n’est pas de rendre le morceau apocalyptique, bien au contraire. Il parle de reconstruction, de renouveau. Même après la destruction, il y a toujours la possibilité de repartir de zéro, de reconstruire quelque chose de plus fort et de plus durable.
Dans l’album, il y a aussi des chansons très personnelles, notamment « Enfant doré », qui parle de votre frère. C’est un morceau très intime, non ?
Christophe Mali : Oui, « Enfant doré » est un titre autobiographique, même s’il y a un peu de fiction pour enrichir l’histoire. Il parle de ma relation avec mon frère. Quand je lui ai fait écouter, il a été très touché. La chanson aborde l’idée de l’enfant préféré dans la famille, l’enfant privilégié, celui qui n’a jamais pu dire « pardon ». Beaucoup de familles ignorent parfois qu’il y a un enfant préféré, mais c’est quelque chose qui peut créer des tensions, même si ce n’est pas toujours intentionnel. Je suis le cadet. J’ai toujours senti qu’il y avait cette préférence, même si mes parents me disaient que ce n’était pas le cas. C’est un sujet qu’on a abordé, et on a réussi à le régler ensemble. J’ai reçu énormément de messages privés de personnes qui se reconnaissent dans ce sentiment et qui, grâce à la chanson, ont pu mettre des mots sur une situation qu’elles n’avaient jamais osé aborder. Cela m’a profondément ému.
« À quoi ça sert ? » aborde un autre thème personnel, qui évoque le divorce de vos parents…
Christophe Mali : Dans cette chanson, je parle de la difficulté qu’il y avait à voir mes parents rester ensemble juste pour nous, les enfants. À l’époque, le divorce était beaucoup moins accepté, et je me suis souvent demandé « À quoi ça sert de rester ensemble pour les enfants ? » C’est une question qui, je pense, touche beaucoup de personnes. Et bien sûr, même si c’est impossible, il y a toujours un fantasme, une petite part de nous qui espère que les parents puissent se remettre ensemble, même quand on sait que c’est irréaliste.
Il y a une ambiance un peu « Souchonesque » dans cette chanson. C’est une influence pour vous ?
Christophe Mali : Oui, totalement. Alain Souchon a eu une énorme influence sur moi, notamment sur la manière d’écrire. Il y a cette tendresse et cette mélancolie dans ses chansons qui me touchent profondément. D’ailleurs, il y a des morceaux dans cet album où j’ai vraiment voulu me rapprocher de son univers, et il y a même des références à lui dans les paroles. « À quoi ça sert ? » en est un bon exemple. Et sa participation sur cette chanson était une évidence, il a vraiment apporté quelque chose de précieux avec sa touche unique.
« Ça nous gêne » a une connotation plus sociale et aborde l’injustice et le monde où on n’arrive pas toujours à changer les choses, même si on le voudrait…
Christophe Mali : C’est le thème de la chanson, oui, mais il y a aussi un côté un peu consolateur dans ce message. Parfois, malgré nos valeurs et nos convictions, on n’y arrive pas à changer les choses, et il faut accepter qu’on ne soit pas toujours à la hauteur. La vie est dure, et il faut se pardonner de ne pas réussir à tout faire. Et c’est aussi un constat que la société, poussée par des figures comme Bill Gates ou la Silicon Valley, nous transforme en consommateurs. C’est un message qui touche un peu tout le monde.
Et « les boulets », comment les reconnaît-on dans la vie ?
Christophe Mali : Le boulet, c’est quelqu’un qui est un peu agaçant, mais qu’on réinvite quand même. Parfois, on peut être nous-mêmes le boulet de quelqu’un d’autre. Ça m’a inspiré une chanson qui est un peu humoristique, mais en même temps, il y a de la tendresse. Quand j’ai écrit cette chanson, je pensais à un ami qui m’a donné l’idée du thème. Le boulet peut saouler avec les mêmes histoires répétées, mais au fond, il reste quelqu’un qu’on garde dans notre vie parce que les amis, c’est pour la vie. Dans le clip aussi, le boulet est montré avec de la tendresse.
Après presque 30 ans de carrière, quel regard portez-vous sur votre parcours ?
Christophe Mali : Je suis très fier de ce que j’ai accompli. Quand je repense à mon enfance et à tout ce chemin parcouru, c’est incroyable. C’est un vrai voyage, et je suis content de pouvoir encore continuer à évoluer dans ma musique et mes spectacles.

Vous dites souvent que vous vivez la vie dont vous avez rêvé enfant. C’est vraiment le cas ?
Christophe Mali : Oui, c’est vraiment ça. Àu départ je voulais être comédien, pas forcément chanteur. Mais quand je regarde mon parcours, je me rends compte de la chance que j’ai eue. Tous les artistes qui m’ont inspiré, qui m’ont donné envie d’écrire, je les ai rencontrés. J’ai partagé la scène avec eux, et certains sont même devenus des amis. J’ai passé des vacances avec eux. Je pense à Souchon, Higelin, Aubert… Ce sont des gens qui m’ont porté. J’ai gardé cette capacité d’émerveillement. Je me dis que j’ai une chance incroyable. C’est aussi pour ça que j’écris beaucoup et que je travaille énormément : pour être à la hauteur de cette chance que la vie m’a donnée. Je veux toujours être à la hauteur.
Et puis, depuis quinze ans, je fais aussi du coaching scénique. J’aide des artistes confirmés pour la mise en scène de leurs concerts, mais je travaille surtout avec de jeunes artistes qui sortent leur premier album. Mon rôle, c’est de la aider à gagner du temps et à se structurer.
Je travaille aussi avec une école Pulse Nation, en partenariat avec la SACEM. C’est une formation dédiée aux jeunes créateurs. Cette année, ils sont dix-huit. C’est la relève de demain. Ils suivent des cours d’harmonie, d’écriture, de promotion. Je les accompagne sur tout l’aspect scénique. Ils ont un talent incroyable. Cela me rappelle le Chantier des Francos quand je travaillais comme coach avec Pomme ou Zaz, à l’époque de leur premier album. C’est fascinant de voir ces artistes au tout début de leur carrière, les voir progresser, évoluer. C’est magique. Quand je leur parle, je leur dis toujours : « gardez cette capacité d’émerveillement ». On a la chance de faire le plus beau métier du monde.
Vous partez en tournée et vous serez au Café de la Danse à Paris les 25 et 26 Mars. Quelle ambiance particulière souhaitez-vous transmettre pendant vos concerts ?
Christophe Mali : C’est une pré-tournée où je serai au piano, avec un musicien multi-instrumentiste. On va passer par des moments intimes, et au fur et à mesure, le concert s’intensifie et devient festif. Le spectacle aura un côté chaud-froid, avec des moments de tendresse suivis de titres plus dynamiques. L’idée, c’est de créer un spectacle théâtral, mais aussi de permettre à tout le monde de se lâcher. Plus je prépare le spectacle, plus je suis à l’aise pour improviser. C’est cette liberté qui me plaît.
Entretien réalisé par Victor Hache
- Album « Humain ». Frenchy/Pias
- En tournée à partir du 12 mars 2025 et au Café de la Danse, à Paris, les 25 et 26 mars.
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