Comment la Côte d’Ivoire va-t-elle déployer le vaccin antipaludique ?

 

 

En ce moment précis, au cœur même de cette préparation intense, la Dre Yao Kossia, directrice adjointe de la Direction de coordination du programme élargi de vaccination (DCPEV), se tient devant les frigos contenant les précieux vaccins, prêts à être déployés dans les premiers districts.

Nous avons parlé à la Dre Yao Kossia avant le lancement pour une plongée au cœur de cette initiative cruciale. Elle apporte ses éclairages sur les détails de la mise en place de ce nouveau vaccin, les stratégies de communication pour informer la population, ainsi que les défis logistiques et financiers auxquels le programme est confronté.

VaccinesWork : Pouvez-vous nous expliquer l’ampleur du problème du paludisme en Côte d’Ivoire, notamment en termes d’incidence et de mortalité, et comment cela impacte les familles ? Quelles sont les mesures de prévention actuelles, et en quoi le nouveau vaccin va-t-il aider à améliorer la situation ?

Le paludisme est un problème de santé publique majeur en Côte d’Ivoire. Si je me réfère aux données sur la période 2018-2021, dans la population générale, l’incidence est passée de 155 pour mille à environ 300 pour mille, et chez les moins de 5 ans, c’est encore plus élevé. En 2021, on tournait autour de 600 pour mille enfants de moins de 5 ans.

Et parlant de mortalité, je vais rester sur les enfants de moins de 5 ans. On estime que chaque année, plus de 1 000 enfants meurent de paludisme en Côte d’Ivoire, soit environ 3 enfants par jour. Donc, vous voyez que c’est vraiment un problème de santé publique majeur pour notre pays.

« [Le paludisme] est une cause d’absentéisme scolaire et professionnel puisque les parents doivent accompagner leurs enfants malades. Donc, c’est un manque à gagner. On estime également que les ménages perdent environ 43 % de leurs revenus mensuels liés au paludisme. »

– Dre Yao Kossia, directrice adjointe du Programme élargi de vaccination de Côte d’Ivoire

Jusqu’à présent, les mesures de prévention étaient essentiellement basées sur l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticides, la chimioprévention chez la femme enceinte avec l’utilisation de sulfadoxine-pyriméthamine, et aussi l’assainissement du milieu, qui constitue vraiment une mesure de lutte contre les vecteurs.

Pour comprendre aussi l’ampleur du problème, il faut dire que dans notre pays, il y a une évolution de la résistance des vecteurs aux insecticides. On parle d’une évolution de 25 à 80 %, alors que c’est aussi un moyen de lutte contre le paludisme. C’est pour donner un aperçu du problème du paludisme dans notre pays.

C’est une cause d’absentéisme scolaire et professionnel puisque les parents doivent accompagner leurs enfants malades. Donc, c’est un manque à gagner. On estime également que les ménages perdent environ 43 % de leurs revenus mensuels liés au paludisme.

L’introduction du vaccin contre le paludisme viendra donc comme une intervention complémentaire aux mesures existantes pour renforcer ces mesures et accroître leur impact sur l’incidence et la prévalence du paludisme.

Pouvez-vous nous parler des premiers pas de l’introduction du nouveau vaccin contre le paludisme ? Quels districts sont concernés, comment et quand les enfants vont-ils être vaccinés, et quel est le calendrier des doses ? Et surtout, pouvez-vous nous rassurer sur la sécurité et l’efficacité de ce vaccin ?

Pour le moment, nous avons sélectionné un certain nombre de districts à haute incidence, soit 38 districts, pour la première phase de cette introduction en routine. C’est une introduction en routine. Donc, une fois lancée, ce vaccin va compléter le paquet de vaccins que nous administrons déjà en vaccination de routine. Ainsi, chaque jour, dans les centres de santé, quand il y a un poste ouvert, en plus des vaccins déjà disponibles, il y aura le vaccin contre le paludisme qui sera administré aux cibles que nous visons dans ces 38 districts.

Les enfants de 0 à 23 mois sont ciblés. Mais le vaccin est administré à partir de 6 mois. Donc, dès lundi [15 juillet 2024], quand nous allons lancer ce vaccin, tous les enfants à partir de 6, 7, 8 mois et ainsi de suite, jusqu’à 23 mois, bénéficieront de cette vaccination en quatre doses. 

Kouyaté Aïcha tient son fils Aboulaye, qui a reçu la première dose du vaccin R21 alors que la Côte d’Ivoire lançait la vaccination de routine contre le paludisme. Le Premier ministre Robert Reugré Mambé, le ministre de la Santé Pierre Dimba et la Directrice exécutive de Gavi, Sania Nishtar, étaient présents.
Crédit : Gavi/Miléquêm Diarassouba

Ainsi, à 6 mois, nous donnons la première dose, à 8 mois, nous donnons la deuxième dose, à 9 mois, nous donnons la troisième dose. Et nous fixons un rendez-vous à 15 mois pour la dernière dose, la quatrième dose. Pour ceux qui arrivent en retard, si vous commencez à 7 mois, cela sera décalé. Mais nous encourageons les mères à venir très tôt pour pouvoir bénéficier du calendrier vaccinal et ne pas laisser l’enfant de 23 mois sans avoir reçu les quatre doses. Car ce sont les quatre doses qui permettront de protéger l’enfant. Je termine également en disant que le vaccin est sûr, efficace et gratuit.

Quels moyens de communication mettez-vous en place pour informer la population sur le nouveau vaccin contre le paludisme ? Quel message voulez-vous faire passer aux parents ?

Nous avons plusieurs stratégies de communication : une communication de masse au niveau central, et une communication de proximité qui est faite dans les différents districts sanitaires. Hier, dans notre programme, il y a eu un briefing des animateurs dans les langues des radios de proximité, des blogueurs, toute la presse en ligne, et la communication par les leaders communautaires. Donc, il se passe beaucoup de choses pour amener la population à adopter cette vaccination. Et lorsque le moment viendra, au fur et à mesure, dans les centres de santé, il y aura une communication interpersonnelle autour du vaccin. Nous ne l’avons pas encore. Cela viendra plus tard.

Le paludisme est une maladie grave, très connue et sérieuse. J’encourage donc les parents à avoir confiance dans les structures de santé. Le vaccin a été utilisé dans plusieurs pays africains, et il est à la fois sûr et efficace. Il est gratuit, comme les autres vaccins. Il est gratuit pour ceux qui l’utilisent, mais il a un coût. Comme je l’ai mentionné, tous les nouveaux vaccins coûtent extrêmement cher. Et si l’État et les partenaires ont déployé tous leurs efforts pour rendre le vaccin disponible, faites l’effort de protéger votre enfant. Le vaccin a prouvé son efficacité pour réduire les cas graves de paludisme et diminuer la mortalité des jeunes enfants.

Quels sont les principaux défis que vous rencontrez pour le déploiement du vaccin contre le paludisme, notamment en termes de couverture dans les districts et de financement ? Et comment assurez-vous la coordination et le suivi du programme pour garantir son succès ?

Le premier défi que nous voyons est d’ordre programmatique. Comme je l’ai dit plus tôt, nous commençons dans 38 districts. Nous en avons 113, donc il reste encore 75 districts qui ne proposent pas la vaccination. Étant donné l’envergure de la politique et la communication que nous déployons, le défi que nous envisageons est que nous soyons submergés et que d’autres districts voisins, parfois, avancent, ce qui crée des difficultés. C’est donc un défi que nous comptons relever par la sensibilisation, et nous disons qu’il y a une prochaine étape qui les concernera.

« Si l’État et les partenaires ont déployé tous leurs efforts pour rendre le vaccin disponible, faites l’effort de protéger votre enfant. Le vaccin a prouvé son efficacité pour réduire les cas graves de paludisme et diminuer la mortalité des jeunes enfants. »

– Dre Yao Kossia

Un autre défi que vous avez évoqué est le défi du financement, mais il s’agit du financement général du programme de vaccination. Nous bénéficions du soutien d’un partenaire important, Gavi, et nous nous préparons à sortir de l’éligibilité à ce soutien de Gavi. C’est pourquoi nous sommes actuellement en train d’élaborer des plans et de préparer des stratégies pour que la prise en charge du financement par l’État puisse se faire. Et je pense que nous sommes sur la bonne voie, car il y a beaucoup de mécanismes mis en place pour pouvoir assurer la continuité après la fin de l’éligibilité. 

Arrivée des vaccins contre le paludisme, déchargement, contrôle de la température et stockage en chambres froides à la DCPEV à Abidjan, le 12 juillet 2024.
Crédit : Gavi/Miléquêm Diarassouba

Il existe également un cadre de coordination global du programme élargi de vaccination. Il y a un Comité de Coordination Interinstitutionnel qui suit la performance du PEV. Lorsque nous commencerons à vacciner, la performance de la couverture vaccinale du vaccin antipaludique sera également suivie. Et s’il y a des difficultés, ce comité fera des suggestions pour renforcer la performance du programme sur le terrain. Voici donc un résumé de la manière dont nous nous organisons pour assurer un suivi continu de cette intervention dans le cadre global de la vaccination.

Comment le financement du nouveau vaccin contre le paludisme est-il assuré, et quel est le rôle des différents partenaires dans le soutien à ce vaccin ?

Étant donné qu’il s’agit d’un nouveau vaccin, nous bénéficions du soutien de Gavi. Pour l’achat du vaccin, Gavi prend en charge une partie et l’État de Côte d’Ivoire en paie une autre. De plus, il y a les coûts opérationnels, la formation des acteurs, les coûts de communication, et nous devons superviser, étant donné qu’il s’agit d’une nouvelle intervention, pour vérifier que les agents appliquent bien les directives. Tout cela a un coût. Donc, Gavi nous aide avec le soutien financier pour l’achat du vaccin et les coûts opérationnels.

Les autres partenaires impliqués dans le programme, tels que l’OMS, l’UNICEF, le PMI (President’s Malaria Initiative), et d’autres partenaires, nous apportent un soutien technique sur le terrain, dans la mobilisation des ressources complémentaires. Car, lorsque nous avons élaboré le budget, Gavi a contribué, l’État a contribué, mais il restait encore des compléments à apporter, et tous ces partenaires se sont réunis pour mobiliser les ressources nécessaires et apporter leurs contributions.

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