Comment la France facilite les dons

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La France est connue pour la qualité de son régime fiscal en matière de philanthropie. Qu’il s’agisse des dons des particuliers ou du mécénat des entreprises, des régimes efficaces viennent soutenir et amplifier la générosité des Français. Le législateur dans le cadre de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025 a apporté quelques retouches à ce dispositif favorable.

La troisième édition du Panorama national des générosités, publiée en décembre 2024, se donne comme objectif d’évaluer l’importance de la générosité en France, qu’elle vienne des particuliers ou des entreprises.

La difficile évaluation des dons

Elle vise à rendre compte des évolutions des différentes formes de générosité à l’égard des organismes d’intérêt général, en additionnant aux données fiscales produites par la Direction générale des finances publiques (DGFiP) tous les dons dont on sait qu’ils ne sont pas inclus par définition dans les bases fiscales. De nombreux dons ne sont en effet pas déclarés. Pour ce faire, l’étude se base principalement sur deux types de sources de données : celles issues des déclarations fiscales des particuliers et des entreprises, transmises par la Direction générale des finances publiques (DGFiP) et celles provenant des associations et autres organismes bénéficiant de la générosité, principalement issues des comptes annuels des organisations accessibles au Journal officiel et de la comptabilité publique. Le Panorama national des générosités prend en compte les différentes formes de dons en numéraire, ou en nature lorsqu’ils sont valorisés, déduits ou non des impôts, ainsi que les legs, assurances-vie et donations. S’intéressant uniquement aux dons, il ne prend pas en compte les versements accordés aux organismes d’intérêt général comportant des contreparties substantielles.

De nombreux dons non déclarés

35 % des personnes résidant en France affirment ne jamais déclarer leurs dons à une association ou une fondation faisant appel à la générosité du public (source : Baromètre image et notoriété 2024, IFOP pour France générosités). Certains dons n’ouvrent pas droit à une réduction fiscale et, de fait, ne sont pas déclarés. Il s’agit des dons qui ne sont pas effectués à un organisme d’intérêt général, les dons pour lesquels aucun reçu fiscal n’a été émis, et, pour les particuliers, les dons en nature. Le champ d’activité des organismes d’intérêt général est défini par les articles 200 et 238 bis du Code général des impôts dans les termes suivants : « œuvres ou organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer l’achat d’objets ou d’œuvres d’art destinés à rejoindre les collections d’un musée de France accessibles au public, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ».

Plus de 9 milliards de flux

En 2022, la générosité au bénéfice des causes d’intérêt général, portées par des organismes privés sans but lucratif ou public, est estimée à 9,225 milliards d’euros en France. Sur le total estimé à 9,2 milliards d’euros pour 2022, la générosité en France est portée à 58 % par les dons des particuliers et à 42 % par les dons des entreprises, soit très sensiblement dans les mêmes proportions qu’en 2019, lors de l’estimation de la précédente édition du Panorama. Le montant total des dons déclarés au titre de l’IR et de l’IFI est de 3,641 milliards d’euros, avec un total de 5,5 millions de foyers fiscaux donateurs, d’après les données de la DGFiP. Les dons des particuliers déduits de l’IR et de l’IFI représentent 3,632 milliards d’euros. À ce montant, il convient d’ajouter 9 millions d’euros de dons provenant des travailleurs non-salariés et imputables sur leur IR en 2022 dans le cadre d’une déclaration distincte de celle des autres contribuables. Le montant des dons dits « non déclarés » des particuliers est estimé à 456 millions d’euros.

Les dons des particuliers ouvrent droit à des réductions d’impôt

Les dons des particuliers aux organismes d’intérêt général ouvrent droit à une réduction fiscale, dans le cadre de l’impôt sur le revenu (IR) ou de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Les particuliers effectuant leur déclaration fiscale ont ainsi la possibilité de déduire de leurs impôts, dans certaines limites, le montant de leurs dons qui ont fait l’objet d’un reçu fiscal. Depuis 2013, ce reçu ne doit plus être joint à leur déclaration de revenus. Les dons en faveur des organismes d’intérêt général ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu (IR) égale à 66 % de leur montant, dans la limite d’un plafond annuel égal à 20 % du revenu imposable. Lorsque les dons effectués au cours d’une année excèdent la limite de 20 %, l’excédent peut être reporté successivement sur les cinq années suivantes et ouvre droit à la réduction d’impôt dans les mêmes conditions.

Une réduction spécifique pérennisée

Pour les dons aux organismes d’aide aux personnes en difficulté, le taux est de 75 % dans la limite d’un montant plafond. La part des dons allant au-delà de ce plafond se voit appliquer le taux de réduction d’impôt de droit commun de 66 %. Il n’est pas tenu compte de ces dons dans le calcul de la limite de 20 % du revenu imposable visée par l’article 200 du CGI. La loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025 a pérennisé le plafond de 1 000 euros applicable à cette réduction d’impôt. Ce plafond de 1 000 euros avait été mis en place de façon temporaire pendant la crise sanitaire, en 2020, avant d’être renouvelé en 2021, 2022 et 2023 puis prorogé jusqu’au 31 décembre 2026. Ce dispositif, aussi connu sous le nom de réduction d’impôt « Coluche », s’applique aux dons réalisés au profit des organismes dont l’activité principale est de contribuer à favoriser le logement ou à fournir gratuitement des repas ou des soins aux personnes en grande précarité. Le législateur l’a étendu aux dons effectués au profit des organismes sans but lucratif (OSBL) qui œuvrent contre les violences domestiques bénéficient désormais du taux majoré de 75 %. Il s’agit des associations qui leur proposent un accompagnement ou qui contribuent à favoriser leur relogement. En outre, le taux majoré à 75 % de la réduction d’impôt pour les dons en faveur du patrimoine religieux a été étendu à l’ensemble des fondations reconnues d’utilité publiques (Frup), dont les statuts prévoient une mission de conservation et restauration du patrimoine immobilier religieux, que ces Frup appartiennent à des collectivités publiques ou privées. Jusqu’alors, les seuls dons effectués au profit de la Fondation du patrimoine pour la restauration du patrimoine immobilier religieux public bénéficiaient de cette réduction d’impôt de 75 %.

Une réduction IFI

Les contribuables qui sont redevables de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) peuvent déduire de leur impôt une somme correspondant à 75 % du montant des versements qu’ils ont réalisés au cours de l’année au profit d’organismes d’intérêt général. Cette réduction d’impôt est plafonnée à 50 000 euros par an. Par ailleurs, la liste des organismes habilités à recevoir ce type de dons est plus restreinte que celle des organismes habilités à recevoir des dons éligibles à la réduction d’impôt sur le revenu. Ils sont listés à l’article 978, I du CGI. Sont notamment concernées les fondations reconnues d’utilité publique, les fondations universitaires et partenariales et certaines structures d’insertion par l’activité économique. En 2022, l’ensemble des dons déduits de l’IR et de l’IFI a représenté 3,632 milliards d’euros, soit une croissance de 6,7 % du montant des dons déclarés par les particuliers entre 2021 et 2022. Ces dons ont été effectués par 5,5 millions de foyers fiscaux donateurs. Compte tenu de la porosité existante entre les dons déduits de l’IR et ceux déduits de l’IFI, les donateurs privilégient, a priori et autant que possible, le taux de déduction le plus élevé.

Des dons IFI en augmentation

En 2022, l’ensemble des dons déduits de l’IFI représente 203 millions d’euros, affichant une croissance de 8 % des montants déclarés au titre de l’IFI par rapport à 2021. Cependant, les montants des dons déclarés à l’IFI demeurent en-deçà des montants atteints dans le cadre de l’ISF (267 millions d’euros au titre de l’ISF en 2016), mais connaissent un taux d’évolution moyen de l’ordre de 10 % depuis le passage à l’IFI. En 2022, 33 000 foyers fiscaux ont déclaré un don au titre de l’IFI, soit une croissance de 6 % du nombre de foyers fiscaux donateurs depuis 2021. Cependant, le nombre de foyers fiscaux donateurs à l’IFI demeure inférieur au nombre record atteint en 2016, avant le passage à l’IFI. En effet, 51 000 foyers fiscaux ont déclaré un don au titre de l’ISF en 2016, contre 33 000 au titre de l’IFI en 2022. Depuis le passage à l’IFI, le nombre de foyers fiscaux donateurs augmente en moyenne de 12 % par an. En outre, le passage à l’IFI a entraîné une hausse du don moyen. Le don moyen est ainsi passé de 2 598 euros en 2006 à 6 166 euros en 2022, soit une croissance de 137 % du montant moyen déclaré. En 2017, année marquée par le passage à l’IFI, le don moyen a atteint 6 752 euros, soit une hausse de plus de 1 500 euros par rapport à l’année antérieure. Il a connu une diminution en 2018, mais demeure en constante progression depuis.

Des libéralités croissantes

Au-delà des dons monétaires, les particuliers peuvent transmettre tout ou partie de leur patrimoine sous forme de libéralité aux organismes d’intérêt général. À ce jour, il n’existe pas de base de données recensant les libéralités versées à des organismes d’intérêt général. De même, si l’assurance-vie représente une part importante des successions, les données sur les bénéficiaires des capitaux versés ne sont pas disponibles auprès des principales sociétés d’assurance-vie. En prenant en compte les 160 organisations d’un panel d’OSBL, dont le siège social est en France, en 2022, le montant des libéralités des 160 atteint plus de 1,12 milliard d’euros, soit une augmentation de 4 % par rapport à l’année 2021. En 2022, 142 structures ont effectivement collecté un legs ou une assurance-vie. Cependant, il reste difficile de savoir le type de libéralités reçues par les organismes et de connaître le nombre de donateurs et le montant moyen versé par ces derniers. En revanche, ces libéralités sont en hausse. Les 160 organisations du panel ont reçu 1,12 milliard d’euros de libéralités en 2022, soit une hausse de 3,6 % par rapport à 2021. Entre 2019 et 2022, leur montant a augmenté de 13% (991 millions d’euros en 2019). Cette progression est d’autant plus marquée sur une période plus longue. Entre 2005 et 2022, le montant des libéralités a plus que doublé, enregistrant une croissance de 121 %.

Le mécénat progresse

Le développement du mécénat est soutenu par un dispositif fiscal incitatif mis en place en 2003. Depuis lors, le mécénat d’entreprise ne cesse de progresser. Les dons déclarés par les entreprises sont passés d’un milliard d’euros en 2011 à plus de 2,5 milliards d’euros en 2021 – soit une croissance de près de 150 % d’après les derniers chiffres de la DGFiP (DGFIP Analyses, Nicolas Charnacé et Romain Loiseau, Étude fiscale Dons et mécénat de 2011 à 2021 – DGFIP, février 2024). Ce régime fiscal prévoit une réduction d’impôt sur les sociétés (IS) égale à 60 % des sommes données (CGI, art. 238 bis). La loi n’impose aucun montant minimal de chiffre d’affaires. De même, aucun montant minimal n’est requis pour le don effectué par l’entreprise. En revanche, le dispositif est plafonné, puisque les dépenses ne sont retenues que dans la limite de 5 ‰ du chiffre d’affaires de l’entreprise ou dans la limite de 20 000 euros. En cas de dépassement de ce seuil ou si le résultat de l’exercice en cours est nul ou négatif, il est cependant possible de reporter l’excédent sur les cinq exercices suivants. Pour les grandes entreprises, le taux de réduction d’impôt passe de 60 à 40 % pour les dons supérieurs à 2 millions d’euros par an.

Près de 150 000 entreprises mécènes

En 2022, le montant total des dons déduits par les entreprises au titre du mécénat est estimé à 2,65 milliards d’euros, effectués par 142 500 entreprises mécènes, d’après les chiffres de la DGFiP. Les entreprises ne déclarent pas le montant total de leurs dons, mais le montant de la réduction d’impôt dont elles peuvent bénéficier. Les montants de mécénat déclaré sont donc déduits de ces données. La loi de finances pour 2020 a modifié les règles de réduction fiscale, en appliquant une réduction de l’IS de 60 % du montant des dons pour la fraction inférieure ou égale à 2 millions d’euros, et de 40 % pour la fraction supérieure à 2 millions d’euros. Ces évolutions fiscales concernant les réductions d’impôt au titre du mécénat rendent plus difficile l’estimation du montant total du mécénat en France dirigé vers les organismes d’intérêt général. Pour contourner cette difficulté, la DGFiP a transmis une clé de répartition permettant d’identifier la part des dons supérieure à 2 millions d’euros ouvrant droit à une réduction d’impôt de 40 % et donc d’y appliquer une règle de calcul différente.  En 2022, le montant total du mécénat non déclaré est estimé à 1,207 milliard d’euros.

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