Comment l’AES réoriente l’exploitation de ses ressources – DW – 25/02/2025

Quand on parle de matières premières indispensables à la transition énergétique de l’Union européenne, le Mali est en bonne position avec le lithium. Depuis décembre et l’inauguration de la mine de Goulamina, il est même devenu un producteur important du continent – encore loin, cela dit, des concurrents au niveau mondial : Australie et Chine. 

Au Mali, se trouvent également plusieurs champs pétrolifères encore inexploités, le Niger dispose lui d’importants gisements d’uranium, d’étain et de phosphate tandis que le Burkina Faso a du cuivre, du zinc et de manganèse. Les trois pays ont par ailleurs aussi d’importantes réserves d’or.

À la recherche de nouveaux partenaires

Et voilà que s’ajoute donc le lithium. Plusieurs millions de tonnes de cette matière première indispensable à la production de batterie, se trouvent sur le territoire malien et attendent d’être exploités. L’Europe en a besoin pour ses industries et pour son approvisionnement en énergie.

Problème : ce sont justement ces trois états du Sahel qui, depuis qu’ils sont dirigés par des militaires ont adopté une position officielle clairement anti-occidentale, en particulier contre la France, ancienne puissance coloniale.

Mais pour Seidik Abba, président du CIRES, le Centre international d’études et de réflexions sur le Sahel, basé à Paris, la volonté de ces pays de diversifier leurs relations internationales ne date pas d’hier :

« Pendant longtemps, ils ont eu un seul ou deux partenaires qui sont, pour la plupart, des partenaires occidentaux et les relations pendant les 60 années depuis l’indépendance n’ont pas toujours été des relations équilibrées, d’égale à égale, n’ont pas été des relations win-win. Les relations ont plus profité aux pays occidentaux de façon générale qu’aux pays africains et aujourd’hui il y a une volonté de ces pays de sortir de cette relation verticale où c’est l’Occident dominant, où c’est les pays occidentaux qui fixent à peu près même dans certains cas les prix des matières premières qu’ils achètent. »

Assimi Goïta à Peking
Un partenariat sur un pied d’égalité ? En septembre 2024, Assimi Goïta, président de la transition malienne, a participé au sommet Chine-Afrique à Pékin. Il a été reçu par le président chinois Xi Jinping et son épouseImage : Ding Lin/Xinhua/IMAGO

Le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont également décidé de s’émanciper de la Cédéao – la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest – et ont fondé leur propre organisation, l’AES, l’Alliance des États du Sahel. Une orientation partie pour durer, estime Ulf Laessing, directeur du programme Sahel de la Fondation allemande Konrad Adenauer basé à Bamako, la capitale malienne.

« Je ne peux pas imaginer que le Mali, le Niger ou le Burkina Faso réintègrent bientôt la Cédéao. La nouvelle alliance AES, anti-France, anti Europe, fait partie de la stratégie de légitimation des militaires. »

Les états africains ont aussi trouvé sans mal de nouveaux acheteurs pour leurs matière premières : Turquie, Russie ou encore Chine.

Goulamina, un projet prometteur ?

C’est la Chine qui a d’ailleurs acheté la mine de Goulamina dans le sud du Mali. L’entreprise Ganfeng s’est engagée à partager les gains – 30% pour le gouvernement malien, 5% pour les investisseurs locaux – et à se conformer strictement au nouveau code minier introduit par Bamako en 2023. Ce dernier prévoit notamment une participation nationale plus importante dans les projets miniers stratégiques.

Avec des revenus annuels estimés à plus de 150 millions d’euros, le général Assimi Goïta a parlé d’un « partenariat stratégique et sincère » lors de l’inauguration de la mine de Goulamina.

Ce n’est que le dernier projet en date : depuis plusieurs années déjà, des projets miniers chinois ou russes sont lancés petit à petit sur tout le continent. La tendance officielle semble claire : les entreprises occidentales sont évincées du marché, les acteurs d’autres régions du monde sont invités et courtisés.

Ainsi, le régime militaire au Niger a retiré en juin dernier son permis d’exploitation au groupe français Orano qui extrait de l’uranium nigérien depuis 50 ans. Au Burkina Faso, le président Ibrahim Traoré a récemment annoncé que les ressources de son pays ne devaient plus être exploitées aussi facilement par des consortiums étrangers.

Burkina Faso | affiche avec le président russe Vladimir Poutine et le président de la transition burkinabè Ibrahim Traoré
Le soutien russe au président de la transition Ibrahim Traoré s’affiche dans les rues de OuagadougouImage : Christina Peters/dpa/picture alliance

Quelle place pour les Occidentaux ?

Seidik Abba, du CIRES, estime qu’il n’y aura plus de retour en arrière en la matière mais que les Européens ont toutefois encore leur rôle à jouer dans d’autre domaines :

« Non, ce ne sera plus possible d’avoir une relation dominante. Mais l’Occident peut être présent à côté d’autres compétiteurs,  sur certains segments où l’Occident a un avantage comparatif. Il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui dans le contexte des pays du Sahel ce qui importe c’est la sécurité et la défense par rapport à la menace sécuritaire. Mais quand il va s’agir de la question du développement, construire les routes, construire les infrastructures, construire les trains tout cela, les pays occidentaux ont un rôle à jouer. »

Ulf Laessing, directeur du programme Sahel de la Fondation Konrad-Adenauer, a lui aussi constaté une amorce de rapprochement entre les pays du Sahel et l’Union européenne – notamment entre le Mali et l’Allemagne. Sans-doute, dit-il, que les pays de l’AES ont réalisé qu’ils ne pouvaient pas totalement se passer de leur coopération avec l’Europe.

 

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