Comprendre la montée en puissance des rebelles du M23 en RDC – DW – 05/03/2025

Dans l’est de la RDC, les rebelles du M23, soutenus par près de 4.000 soldats rwandais selon des experts de l’Onu, ont pris, il y a quelques semaines, le contrôle de Goma et Bukavu, chefs-lieux des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.  

Les combats ont fait des milliers de morts selon l’Onu, qui redoute un embrasement dans cette région en proie à des conflits depuis trois décennies. 

L’avancée rapide des rebelles du M23 dans l’est de la RDC n’est que le dernier chapitre de l’histoire de cette rébellion dans l’est du pays.  

Des agents de sécurité rwandais escortent des soldats congolais qui se sont rendus à Goma après des combats entre les rebelles du M23 et les FARDC, à Gisenyi, Rwanda
L’armée congolaise est impuissante face à l’avancée des rebelles du M23Image : Jean Bizimana/REUTERS

Des accords non respectés

Le M23, ou le « Mouvement du 23 mars », est né en 2012 sur les cendres du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), un mouvement armé pro-rwandais, actif dans l’est de la RDC entre 2006 et 2009.

Les fondateurs du M23 reprochent au gouvernement congolais de ne pas avoir respecté les accords de paix du 23 mars 2009, qui avaient mis fin à la guerre civile avec les rebelles du Congrès national pour la défense du peuple.

Des accords qui prévoyaient notamment la libération des prisonniers et l’insertion de ses combattants tutsis dans les forces armées congolaises.

Le gouvernement congolais a mené plusieurs tentatives pour désarmer le CNDP et l’intégrer dans l’armée régulière, explique Stéphanie Wolters, chercheuse à l’Institut sud-africain des affaires internationales sur la région des Grands Lacs. Mais cela n’a jamais fonctionné. 

« Le gouvernement de Kinshasa a tenté à plusieurs reprises d’intégrer les combattants du CNDP, de les désarmer après les accords de paix et de les incorporer dans l’armée congolaise. Cela n’a jamais vraiment fonctionné parce que l’intégration du CNDP n’était pas complète. Ils faisaient partie de l’armée congolaise, mais ils continuaient à avoir leur propre commandement et contrôle, leur propre leadership. Ils n’ont jamais vraiment fait partie de l’armée congolaise et ils ont continué à poursuivre leurs propres intérêts. »

Autre explication à la montée en puissance du M23 : l’absence de l’Etat dans des zones entières de l’est du pays, selon Pacifique Zikomangane, expert congolais en relations  Internationale.

« En l’absence de l’armée et de la police congolaises dans ces zones, les groupes armés sont devenus les seuls à assurer la sécurité et les services administratifs. »

Paul Kagame le 25 juin 2022 à Kigali lors du sommet du Commonwealth
Paul Kagame est accusé par l’Onu et la RDC de soutenir le M23Image : Dan Kitwood/POOLAFP

Soutien rwandais

Le chercheur estime qu’à maintes reprises, les habitants de l’est du Congo ont reproché au gouvernement de Kinshasa, situé à 2.000 kilomètres, de ne pas faire assez pour résoudre le conflit. 

Les forces de sécurité sont également très mal équipées pour contrôler les presque deux millions et demi de kilomètres carrés que compte la RDC. A cela s’ajoute le fait que les soldats congolais doivent régulièrement attendre des mois avant de recevoir leur salaire – une conséquence de la corruption. 
Enfin, il y a le génocide de 1994.

Le président rwandais Paul Kagame, même s’il nie son soutien au M23, dit vouloir éradiquer la milice hutu des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), dont les combattants sont présents sur le sol congolais depuis le génocide de 1994.

Pourtant, la réalité est aujourd’hui tout autre, affirme la spécialiste des Grands Lacs, Stéphanie Wolters. 

« Il y a toujours un petit noyau de FDLR qui reste dans l’est de la RDC et qui est déterminé à continuer à combattre le gouvernement rwandais, mais qui n’a pas la capacité réelle de s’attaquer au Rwanda, qui n’a pas attaqué le Rwanda depuis près de vingt ans et qui ne représente pas vraiment une menace légitime ou réelle pour la sécurité du Rwanda. Il s’agit donc d’autre chose. Il s’agit du désir du Rwanda de contrôler l’est de la RDC pour ses propres besoins et c’est vraiment ce qui se passe ici. C’est l’une des choses que nous avons vues ces dernières semaines : une expansion du contrôle du territoire que le M23 détient maintenant avec la prise de Goma et Bukavu. »

Des orpailleurs dans une mine d'or de Luhihi dans la province orientale du Sud-Kivu le 13 mai 2023
Plusieurs mines seraient contrôlées par les rebelles du M23Image : Alexis Huguet/AFP/Getty Images

Le contrôle des mines

Des quantités considérables d’or et une grande partie des réserves mondiales de coltan sont stockées au Kivu. Des minerais très importants pour la production d’ordinateurs portables et de smartphones. 

Selon Richard Moncrieff, de l’International Crisis Group, les matières premières jouent un grand rôle dans la violence dans l’est de la RDC depuis les années 1990.

« La RDC est un pays très riche en minerais. L’est du pays est secoué par l’instabilité ou la guerre depuis les années 1990 et les groupes armés congolais, ainsi que les armées étrangères, notamment celles du Rwanda, du Burundi et de l’Ouganda, sont tous intervenus en RDC, en partie dans le cadre d’une sorte de rivalité géopolitique. Ils essaient tous de se repousser les uns les autres et de garder le contrôle de ce qu’ils considèrent comme leurs zones d’influence. Mais il y a aussi eu une énorme quantité de minerais expédiés dans ces trois pays, de l’or, du coltan et autres, ce qui alimente l’économie de guerre et c’est certainement un facteur qui motive les pays voisins à intervenir en RDC, soit directement, soit par l’intermédiaire de groupes armés mandataires. »

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa, le président du Zimbabwe et président de la SADC Emmerson Mnangagwa et le secrétaire exécutif de la SADC Elias Magosi à Harare le 31 janvier 2025
La communauté internationale et les pays de la région n’ont jusque là pas réussi à restaurer la paix dans l’est de la RDCImage : Jekesai Njikizana/AFP

Inertie de la communauté internationale

Enfin, il y a l’inertie de la communauté internationale. Depuis environ quatre ans, le M23 est à nouveau actif dans l’est de la RDC. Pourquoi n’a-t-on pas réussi à repousser le groupe rebelle, comme cela avait été réalisé en 2013 ? 

Dans une interview accordée à la DW, fin janvier, Martin Kobler, l’ancien chef de la mission de l’Onu en RDC, a déploré un manque d’intervention, même de la part des forces de maintien de la paix de l’Onu, bien que celles-ci soient toujours dotées d’un mandat robuste.

Le fait que les acteurs africains soient restés, selon l’estimation de Stéphanie Wolters, presque invisibles, pèse peut-être encore plus lourd. Il y a certes eu des efforts de paix à Luanda et à Nairobi, mais les deux ont finalement échoué. 

Le président rwandais Kagame, qui a toujours nié son ingérence, s’est jusqu’à présent montré peu enclin à retirer son soutien au M23.

Mais pour les experts, il n’y a pas d’alternative : seule la pression internationale permettra au Rwanda de reconsidérer son rôle en République démocratique du Congo, comme en 2013. Aujourd’hui encore, le pays est notamment tributaire des aides au développement.

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