C’était le 10 février 2022 à Belfort, dans le décor industriel de l’usine General Electric de Belfort. Emmanuel Macron, alors candidat à sa réélection, définissait des objectifs pour la politique énergétique française à l’horizon 2050 et annonçait la relance du nucléaire civil, avec le projet de six nouveaux réacteurs EPR2. « Une large concertation du public aura lieu au second semestre 2022 sur l’énergie, puis des discussions parlementaires se tiendront en 2023 pour réviser la programmation pluriannuelle de l’énergie », lançait-il. La concertation va démarrer avec près de deux…
C’était le 10 février 2022 à Belfort, dans le décor industriel de l’usine General Electric de Belfort. Emmanuel Macron, alors candidat à sa réélection, définissait des objectifs pour la politique énergétique française à l’horizon 2050 et annonçait la relance du nucléaire civil, avec le projet de six nouveaux réacteurs EPR2. « Une large concertation du public aura lieu au second semestre 2022 sur l’énergie, puis des discussions parlementaires se tiendront en 2023 pour réviser la programmation pluriannuelle de l’énergie », lançait-il. La concertation va démarrer avec près de deux ans de retard. De discussions parlementaires, en revanche, il n’y aura point. Le serpent de mer d’une grande loi sur l’énergie a plongé en eaux profondes. Le gouvernement entend statuer par décret.
Après moult atermoiements, le cabinet de Roland Lescure, le ministre délégué à l’Industrie et l’Énergie, l’a confirmé il y a trois semaines. La feuille de route énergétique du pays 2025-2035 devrait voir le jour en fin d’année, après une consultation du public menée sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP), une autorité administrative indépendante qui, dans notre région, a organisé la concertation sur les projets de parc éolien au large de l’île d’Oléron (Charente-Maritime) et de parc photovoltaïque géant à Saucats (Gironde). Lors de sa séance du 2 mai, la CNDP a désigné ses « garants » pour ce débat sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et sur la troisième stratégie nationale bas carbone qui l’accompagnera.
« Les dérives de calendrier »
Derrière ces termes aussi rébarbatifs que jargonneux se cachent des questions très concrètes. Quelle place attribuer à chaque source d’énergie à l’avenir ? Quelle puissance à installer pour le solaire, l’éolien terrestre, l’éolien en mer ? Quel calendrier pour le nucléaire ? Quel chemin pour la réduction des énergies fossiles – charbon, gaz, pétrole – qui torpillent le climat ? Pour les filières concernées, il est plus qu’urgent de statuer. Dans une démarche très inhabituelle, Corinne Le Quéré, la présidente du Haut conseil pour le climat – une instance d’expertise créée par l’État en 2019 – a envoyé une lettre en ce sens il y a un mois à Gabriel Attal. La climatologue franco-canadienne l’alertait sur les retards qu’affichent tous les documents de programmation sur l’énergie et le climat. Ils « sont essentiels afin de guider l’action climatique à long terme », rappelait-elle en pointant « les dérives de calendrier ».
Si Roland Lescure a répondu à sa façon, il a pris d’évidentes libertés avec la loi. Celle de novembre 2019, baptisée « énergie climat ». Elle dispose que tous les cinq ans, « une loi détermine les objectifs et fixe les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique ». En s’asseyant sur le rôle dévolu au Parlement, le gouvernement s’évite un débat compliqué et un risque non négligeable de ne pas trouver de majorité. Ce faisant, il s’attire les foudres des députés et des sénateurs qui travaillent sur la question.
Daniel Grémillet est de ceux-là. Vice-président (LR) de la commission des affaires économiques du Sénat, président du groupe d’études sur l’énergie, il fustige la décision de l’exécutif et rappelle que celui-ci n’a pas fait montre d’une grande constance sur les sujets énergétiques dans un passé récent. « Avant le discours de Belfort d’Emmanuel Macron qui a relancé le nucléaire, on était sur l’objectif de fermer quatorze réacteurs ! Il n’est pas possible de se passer d’un débat parlementaire qui donne le cap », juge-t-il.
« L’Élysée décide tout seul »
Fait peu commun, ce point de vue qui émane de la droite de l’échiquier politique est rejoint par les ONG environnementales. « Cinq ans après une loi qu’il a lui-même mise en place, le pouvoir décide que le Parlement n’a pas son mot à dire sur les grands choix énergétiques et climatiques de la France. C’est l’Élysée qui décide tout seul dans son coin », relève Nicolas Nace, le chargé de campagne transition énergétique de Greenpeace France.
Selon l’ONG, l’entorse à la loi de 2019 fragilisera la feuille de route énergétique. Elle pourrait être la cible de recours devant les tribunaux. « Et ce qu’un gouvernement aura décidé par décret, un autre gouvernement pourra le défaire par décret. Ou ne pas le respecter, sans aucune conséquence », ajoute Nicolas Nace.
Ce climat de discorde pourrait déteindre sur la concertation publique que la CNDP va installer. L’État ne « sera pas tenu de suivre » les préconisations qui en seront issues, explique la Commission. C’est plus simple comme ça…
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