Corse, Guyane, Martinique : des demandes d’autonomie aux tonalités différentes

L’autonomie comme type de statut juridique et politique est un sujet devenu commun ces derniers mois. Cette demande est identique sur le papier, mais elle revêt des contenus et des calendriers spécifiques selon les territoires où elles est formulée.

La Corse est sur le point d’acquérir le statut d’autonomie réclamé par ses élus depuis de longues années. Mercredi 27 mars 2024, l’Assemblée de Corse a adopté une délibération portant sur  « le projet d’écriture constitutionnelle » ouvrant la dernière ligne droite au processus visant à doter les institutions du territoire de pouvoirs et de moyens mieux adaptés à la réalité du terrain.

Un « pouvoir normatif » sera dévolu à la Collectivité de Corse. Elle pourra adapter les lois et règlements selon les nécessités et les besoins du territoire, ce qui est juridiquement impossible aujourd’hui.

Le texte adopté prévoit « la reconnaissance d’un statut d’autonomie pour la Corse au sein de la République qui tient compte de ses intérêts propres liés à son insularité méditerranéenne, à sa communauté historique, linguistique, culturelle ayant développé un lien singulier à sa terre ».


Drapeau Corse.


Le document a été préparé après plusieurs rencontres entre le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et une délégation de huit élus du territoire représentant toutes les tonalités de l’arc politique. Les discussions ont été ouvertes après une séquence de mobilisation en 2022, après le meurtre du militant indépendantiste Yvan Colonna, condamné à la prison à perpétuité pour l’assassinat en 1998 du préfet Claude Erignac. Une accélération s’est produite en octobre 2023. Puis deux rencontres décisives se sont tenues au ministère de l’Intérieur le 26 février et le 11 mars 2024.

Désormais, les élus locaux seront reçus par le Président de la République qui consultera ensuite les forces politiques de l’Assemblée nationale. Puis le projet de loi constitutionnelle sera présenté au conseil des ministres. Une fois validé, ce texte sera présenté aux députés et aux sénateurs. S’il est adopté, le Parlement réuni en congrès à Versailles devra le ratifier pour permettre la révision de la Constitution. La dernière étape sera celle du référendum local.

Ce processus est envié dans plusieurs territoires, comme l’Alsace, le Pays basque, la Bretagne, mais aussi la Guyane et la Martinique. En Guyane, le congrès des élus a voté à l’unanimité en mars 2022 un principe identique à celui de la Corse. À savoir « l’inscription de la Guyane dans la Constitution comme territoire autonome » ainsi que le dit Gabriel Serville, le président de la collectivité territoriale.


Gabriel Serville, président de la Collectivité Territoriale de Guyane et Emmanuel Macron, le chef de l’État (mars 2024).


Il a rappelé au président Macron en déplacement à Cayenne lundi 25 et mardi 26 mars 2024 que la classe politique réclame depuis plusieurs décennies un statut sur mesure. Une référence à la revendication d’un statut spécial formulée par Justin Catayée, fondateur du Parti socialiste guyanais, dès 1961.

Une revendication régulièrement réitérée. Depuis 2017, cinq réunions du congrès des élus ont permis de délimiter le périmètre et le contenu du « Projet Guyane », inspiré du statut de la Polynésie. Un projet de développement des ressources économiques et fiscales a été adopté en décembre 2023.

Pourtant, le pouvoir exécutif répond à côté. Le chef de l’État, tout en se disant sensible à l’argumentaire autonomiste, estime que les élus guyanais doivent démontrer l’inefficacité du statut actuel. Il leur recommande vivement d’utiliser, dans un laps de temps de deux mois, la possibilité de demander au Parlement des lois d’habilitation, à savoir la possibilité de légiférer localement sur un sujet précis pour une période donnée.

Un processus lourd et complexe que les élus n’ont jamais utilisé à Cayenne. Dans une seconde période de deux mois, les élus sont invités à dresser une liste des domaines ou des sujets pour lesquels il convient de modifier la Constitution. La fraîcheur avec laquelle les propos du chef de l’Etat ont été accueillis laisse supposer que le dialogue de sourds entre le pouvoir local et le pouvoir central se poursuit.


Visite ministérielle à la CTM en présence du président du conseil exécutif et de l’Assemblée de Martinique.


En Martinique, nous ne sommes pas encore parvenus à ce stade abouti d’une demande d’autonomie. Pourtant, cette notion est inscrite depuis les années 1960 dans les doctrines du Parti communiste et du Parti progressiste. Or, les élus actuels ne parviennent pas à s’accorder sur le périmètre et le contenu d’un statut nouveau.

En outre, la gouvernance de la CTM a fait adopter, lors de la dernière réunion du congrès des élus, le 29 novembre 2023, une résolution demandant l’adjonction d’un article 73-1 à la Constitution. « L’évolution ainsi demandée concerne l’attribution d’un pouvoir réglementaire autonome pour les Collectivités qui le souhaitent permettant d’adapter les lois aux réalités sociales, économiques et environnementales de la Martinique » précise le communiqué de la CTM.

Certains interprètent cette rédaction nouvelle de l’article 73 comme un net recul par rapport au changement de statut réclamé régulièrement par les mêmes dirigeants politiques. Lesquels doivent entendre que la population ne semble pas persuadée du bien-fondé d’un régime d’autonomie, même limité.

Il est devenu fréquent d’entendre que nos élus n’utilisent pas totalement les dispositifs législatifs et réglementaires en vigueur pour résoudre les difficultés récurrentes rencontrées par leurs administrés. Réclamer des pouvoirs supplémentaires implique au préalable d’avoir épuisé les possibilités offertes par la loi aujourd’hui.

Si la demande d’autonomie est semblable en Corse, en Guyane et en Martinique, elle suppose des modalités et une intensité différentes dans des contextes politiques dissemblables. Il serait inopportun de mettre sur le même plan une revendication ancienne dans les trois cas, mais aux accents distincts d’un territoire à un autre.


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