Côte d’Ivoire : Anomalie dans les établissements pénitentiaires, au moins 360 enseignants et assimilés payés à ne rien faire, Sansan Kambilé saisi du dossier
A l’Inspection générale des services judiciaires et Pénitentiaires, l’année judiciaire est toujours clôturée par un banquet. La tradition encore une fois, a été respectée cette année, avec le somptueux diné offert par la structure sous tutelle du ministère de la justice et des Droits de l’Homme, à l’ensemble des acteurs du système judiciaire et pénitentiaire ivoirien, le vendredi 26 juillet dernier, dans un restaurant au Plateau.
Ce banquet cette année, a également été l’occasion de célébrer les dix années de remise sur pied de l’Inspection générale des services judiciaires et pénitentiaires, après plus de deux décennies de léthargie. Fodjo Kadjo Abo, l’Inspecteur général des services judiciaires et pénitentiaires, a profité de l’instant, pour dresser le bilan des activités de l’organe qu’il dirige, dix ans après sa redynamisation par le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Jean Sansan Kambilé. Il s’est appesanti sur l’instruction des dossiers disciplinaires et des missions d’inspection sur la période du 1er octobre 2014 au 26 juillet 2024.
“ Sur cette période, 746 dossiers disciplinaires ont été instruits au total. Sur ces dossiers, 557 ont fait l’objet de proposition de saisines des différents organes disciplinaires. 9 ont donné lieu à des avertissements de l’Inspecteur général des services judiciaires et pénitentiaires et 160 ont fait l’objet de classement. Pendant ces dix années, c’est à dire du 1er octobre 2014 au 26 juillet 2024, 2986 inspections ont été réalisées soit 2 inspections à l’ex-parquet général près la Cour suprême, 16 dans les directions centrales et des structures sous tutelle du ministère de la justice. 422 inspections réalisées dans les juridictions tous degrés confondus, 19 inspections dans les délégations régionales de l’administration pénitentiaire, 342 inspections dans les établissements pénitentiaires, 30 inspections dans les centres d’observation des mineurs, 4 inspections dans un centre de rééducation, 462 inspections dans des offices de notaires, 1577 inspections dans des études de commissaires de justice et 126 inspections chez des greffiers notaires ”, a présenté l’Inspecteur général des services judiciaires et pénitentiaires.
La deuxième partie du rapport décennal de la structure, a été consacrée à des anomalies constatées dans le fonctionnement du système judiciaire et pénitentiaire. Cette année, l’Inspection générale des services judiciaires et pénitentiaires pilotée par Fodjo Kadjo Abo, s’est intéressée à une situation qu’elle qualifie “ d’invasion” des établissements pénitentiaires par des enseignants et assimilés.
“ Lors de l’une de nos dernières missions d’inspection et de contrôle, l’Inspection générale avait relevé un nombre trop important de cette catégorie de personnel dans les prisons et certains greffes. L’Inspection générale s’est par la suite félicité d’apprendre que 234 de ces agents qui étaient payés à ne rien faire, ont été remis à la disposition de la fonction publique. La procédure engagée à cet effet, est quelque peu en souffrance, parce que la fonction publique refuse de les accueillir. Lors de nos dernières missions d’inspection, il nous a été donné de constater que des enseignants existent encore en très grand nombre dans nos prisons. Nos équipes d’inspection ont pu recenser et cela n’est pas exhaustif, 129 enseignants, constitués de conseillers d’éducation physique et sportive, de professeurs d’éducation physique et sportive, d’inspecteurs d’orientation, de professeurs de lycée, de conseillers à l’extra-scolaire, d’éducateurs, de maitres d’éducation permanente, d’instituteurs, de conseillers communautaires et d’éducateurs préscolaire. En attendant leur identification complète, ils sont 360 agents disséminés dans les établissements pénitentiaires”, a révélé l’Inspecteur général.
Il poursuit : “ la formation et la compétence de ses enseignants, n’ont rien à avoir avec le travail qui se fait quotidiennement dans les établissements pénitentiaires. Il est certes prévu des activités socio-culturelles et sportives, ainsi que l’enseignement et la formation professionnelle dans nos établissements pénitentiaires. Mais les inspections ont révélé que malgré la présence de ses agents, ces activités n’ont pas lieu. Dans les rares établissements où des activités socio-culturelles et sportives ont lieu, elles se font de façon occasionnelle lors des fêtes et consistent en des jeux de Maracana, de Ludo et de damier. Pour ces activités, il n’est pas besoin de recruter des conseillers d’éducation physique et sportive et des professeurs d’éducation physique”, a-t-il fait remarquer.
Fodjo Kadjo Abo fait en outre savoir que, dans les rares établissements où il existe l’enseignement et la formation professionnelle, ces activités sont des formations en couture, en coiffure et en alphabétisation. De fait, il n’est pas besoin selon lui, que l’on ait recours à des inspecteurs d’orientation et à des professeurs de lycée. “ La réalité est que la plupart de ces enseignants et assimilés, ne vont pas au travail. Certains d’entre eux dispensent des cours dans des établissements privés, d’autres s’occupent d’affaires personnelles. Ainsi donc, ils perçoivent leurs salaires d’enseignants, ils donnent des cours qui leur rapportent de l’argent et dans le même temps, ils perçoivent des émoluments”, a-t-il détaillé.
Pour lui, des réflexions méritent d’être menées sur cette situation. Car dit-il, “ au-delà de l’inutilité de ces enseignants, leur présence dans les établissements pénitentiaires a de quoi susciter des inquiétudes”. Fodjo Kadjo Abo, s’est dit presque convaincu, que ces enseignants sont à la base des fuites d’informations et de documents dans les établissements pénitentiaires que le milieu judiciaire ne connaissait pas par le passé. “ Tous cela doit nous interpeller et nous amener à des réflexions sur la situation dénoncée”, a-t-il prévenu.
L’Inspecteur général des services judiciaires et pénitentiaires, n’a pas manqué de rendre un hommage appuyé au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Jean Sansan Kambilé qui, dès sa nomination à la tête de ce département ministériel, “ a compris la nécessité de s’appuyer sur l’Inspection générale des services judiciaires et pénitentiaires, pour permettre à la justice de retrouver ses lettres de noblesse”. “ Le premier et le plus important des moyens qu’il a donné à ce service, c’est la reconnaissance de la place qui est la sienne au sein de l’institution judiciaire. Du garage qu’il était hier, il est devenu aujourd’hui, un service qui compte”, a-t-il reconnu.
Représentant le Garde des Sceaux à cette cérémonie, Bernard Kouassi, son directeur de cabinet, a exprimé les chaleureuses salutations de son patron à l’Inspection générale des services judiciaires et pénitentiaires, pour “ le désormais traditionnel banquet qui est un moment de joie et de retrouvaille après un an de dur labeur” et l’a félicité pour le travail réalisé.
“ On peut sans risque de se tromper, dire que le Garde des Sceaux a misé sur le bon cheval. Aujourd’hui, grâce à votre travail, les pratiques surannées, les décisions de justice non rédigées, les pièces de justice distraites, les comportements anti-déontologiques, ont quasiment disparu de nos juridictions. Je voudrais vous réitérer la satisfaction du Garde des Sceaux et vous réitérer ses satisfactions tout en vous encourageant à continuer sur cette voie pour offrir à nos concitoyens, une justice moderne, crédible et qui protège les droits de tous ”, a-t-il félicité.
S’agissant de la problématique de l’utilisation de certains types de personnel dans les établissements pénitentiaires, le Directeur de cabinet du ministre de la justice a rassuré l’Inspecteur général que “ la question est en cours de traitement au sein du cabinet en rapport avec les autres administrations de l’État. C’est un sujet qui préoccupe le Garde des Sceaux et il y veille personnellement ”, a-t-il indiqué.
Bernard Kouassi a terminé en rassurant Fodjo Kadjo Abo et son équipe, de tout le soutien du ministère qu’ils sont en droit d’attendre pour l’atteinte de leurs objectifs.
Wassimagnon
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