Côte d’Ivoire : Dialogue de sourds entre l’Etat et les producteurs de cacao

La paix n’est toujours pas revenue au sein de la filière cacao de la Côte d’Ivoire puisque les producteurs appellent à un conclave, le 12 avril prochain, à Daloa, à plus de 373 km d’Abidjan, pour analyser les nouveaux prix fixés par l’Etat et pour donner une suite à une éventuelle reprise en main de la filière par les producteurs eux-mêmes.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè 

Lorsque le 2 avril, le gouvernement ivoirien fixe le prix bord-champ du kilogramme de cacao à 1.500 FCFA (2,2 euros), soit une augmentation de 50%, le ministre en charge de l’agriculture, Adjoumani Kobenan, exulte : « c’est un niveau de prix jamais réalisé dans l’histoire de la filière », dit-il. Une association de planteurs lui emboite aussitôt le pas en affichant fièrement sa satisfaction devant un système de commercialisation devenu plus efficient.

Sauf que la Côte d’Ivoire n’est pas la seule à profiter de l’embellie des prix mondiaux de l’or brun. Ceux affichés par le Cameroun, Madagascar, le Ghana et maintenant la Guinée qui sont respectivement de 5.100 CFA (7,8 euros), 3.000FCFA (4,6 euros), 2.000FCFA (3 euros), 4.000FCFA (6,1 euros) sont si valorisants qu’ils ont fini par faire réfléchir les planteurs ivoiriens qui représentent, à eux seuls, 40% de la production mondiale de cacao.

C’est pourquoi le 12 avril prochain, le conseil national des syndicats agricoles de Côte d’Ivoire invite les délégués syndicaux des 700.000 fermiers ivoiriens à un conclave à Daloa, à un peu plus de 373 km d’Abidjan. La rencontre doit analyser la pertinence du prix bord-champ de 1.500 FCFA le kilogramme fixé par le gouvernement dans le cadre de la campagne intermédiaire et donner une suite aux différents points de revendication pour lesquels le conseil avait menacé l’Etat d’une grève illimitée le 28 mars dernier.

Le nouveau prix de la discorde

C’est essentiellement pour empêcher ce débrayage que le gouvernement avait revu la hausse du prix d’achat du cacao. Mais le PDCI, parti d’opposition, l’a immédiatement rejeté en émettant de sérieux doutes sur les chiffres. « Le groupe parlementaire PDCI laisse le gouvernement ivoirien seul juge de ses chiffres sur le résultat des ventes par anticipation de la récolte pour la période d’avril à septembre 2024, qui donneraient le prix CAF moyen de 2.326 FCFA le kilogramme ». Car le producteur continue « de souffrir de la mauvaise gestion de cette spéculation dans le pays », a-t-il dénoncé.

Malgré les protestations régulières du gouvernement qui dénonce des tentatives de manipulation de l’opposition dès que celle-ci essaie de regarder de plus près la commercialisation du cacao, la filière est bel et bien contrôlée par les amis du président dont le dénommé Loïc Folleroux, gendre d’Alassane Ouattara et fils aîné de la première dame tire les marrons du feu de tous les bénéfices concédés aux amis du régime. Monsieur Folleroux qui dirige en effet Africa Sourcing, une société de négoce qui opère dans le secteur du cacao où elle bénéficie d’un quota quasi officiel de tonnage de cacao destiné à son autre entreprise, alors qu’Ivory Cashew Nuts, son autre entreprise vient de faire main basse sur la filière cajou.

Les planteurs veulent reprendre en main leur filière

Les négociants de la filière cacao se procurent de faramineux bénéfices alors que les producteurs tirent le diable par la queue. C’est pourquoi le Conseil national des syndicats agricoles de Côte d’Ivoire veut aller plus loin en demandant un bilan de la gestion du Conseil café-cacao ainsi que la reprise en main de la filière par les fermiers eux-mêmes. En Côte d’Ivoire, l’expérience de la libéralisation de la filière avait tourné court lorsque des actes de prévarication manifeste avaient montré une mauvaise gestion de l’or brun. Mais pour le président du Conseil, Marcel Tia, ce n’est pas une raison suffisante pour mettre les fermiers à l’écart. Au demeurant, le prix n’était qu’un pan de leur revendication, dit-il, mais « le système de commercialisation (qui) a montré toutes ces limites aujourd’hui », dit-il.

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