En Côte d’Ivoire, un nouveau vaccin antipaludique vient d’être introduit dans le calendrier vaccinal des enfants de moins de cinq ans. Le R21 Matrix-M, sera progressivement déployé dès le 15 juillet 2024, dans l’ensemble du pays. Le ministère de la Santé ivoirien affirme qu’il dispose déjà de plus de 656 000 doses en stock. Ce nouveau vaccin est symbole d’espoir, mais son arrivée sur le sol ivoirien génère aussi beaucoup de désinformation sur les réseaux sociaux.
Après le Ghana, le Nigeria, le Burkina Faso et la République Centrafricaine, la Côte d’Ivoire devient le 5ᵉ pays à autoriser l’utilisation du R21 Matrix-M. Ce vaccin, développé par l’Université d’Oxford et le Serum Institute of India, est recommandé par l’Organisation mondiale de la Santé depuis octobre 2023. Le RTS,S ou Mosquirix et ce R21 Matrix-M sont aujourd’hui les seuls vaccins antipaludiques préqualifiés par l’OMS.
Les deux agissent contre la même cible, le plasmodium falciparum, le parasite du paludisme le plus meurtrier et prédominant sur le continent africain. Ils doivent être administrés « selon un schéma à quatre doses aux enfants à partir de l’âge de cinq mois. Les programmes de vaccination peuvent choisir d’administrer la première dose à un âge plus tardif ou légèrement plus précoce en fonction de considérations opérationnelles », précise l’OMS. Si le R21 Matrix-M pourrait présenter une meilleure efficacité, à ce stade, cela n’a pas encore été formellement démontré. Les deux vaccins sont donc aujourd’hui considérés comme équivalents.
« Une excellente tolérance »
Sur les réseaux sociaux, certains internautes assurent, sans en apporter la preuve, que le R21 Matrix-M provoquerait de graves effets secondaires. « C’est totalement faux », répond Marc Thellier, responsable du Centre national de référence du paludisme, à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. « C’est un vaccin qui a été préqualifié par l’OMS. Les essais de la phase 2 et 3 montrent qu’il a une très bonne efficacité, mais également une excellente tolérance. La balance bénéfices/risques est largement positive et c’est pour ça qu’on autorise leur administration dans le cadre de procédures nationales de vaccination. Comme pour chaque vaccin, il y a un très petit nombre de sujets qui peuvent faire des réactions à la vaccination, mais ce n’est rien comparé au bénéfice de son administration à une large population ».
Autre argument phare du narratif anti-vaccin, ce R21 Matrix-M serait « inutile dans la lutte contre le paludisme en Afrique ». Là encore, il s’agit d’une fausse information selon Marc Thellier. « On a réussi entre 2000 et 2015 à faire baisser de manière importante le nombre de cas et le nombre de décès. Mais on est en ce moment, en échec, notamment en Afrique, continent qui souffre le plus du paludisme. On essaye donc de trouver des solutions et ce vaccin en est une parmi d’autres ».
Les experts insistent, ce vaccin ne vient pas remplacer, mais compléter les mesures déjà en place, comme les distributions de moustiquaires ou le traitement des sites où prolifèrent les moustiques.
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L’ombre des théories complotistes
À l’origine de toutes ces infox, on retrouve des activistes anti-vaccin de longue date, mais aussi des influenceurs bien connus sur le continent. Leur désinformation vaccinale se mêle souvent avec des théories complotistes. Ils avancent par exemple que ce vaccin, financé en partie par la fondation du milliardaire américain Bill Gates, s’inscrirait dans un « plan d’asservissement des populations ».
Un récit déconnecté de la réalité. « Les vaccins ne sont pas développés par des individus ou des instituts isolés. C’est un travail collectif qui s’appuie toujours sur les travaux antérieurs. Ce sont des progressions qui se font pas à pas, dans des conditions qui sont très contrôlées, standardisées, et de façon très ouverte. C’est-à-dire qu’on peut librement consulter les données qui sont issues des études qui sont faites autour de ces vaccins. On est donc certain que ce vaccin est efficace, sûr et qu’on peut l’administrer dans un programme de vaccination », rappelle Marc Thellier. Ces études sont, pour la plupart, librement accessibles en ligne.
Une désinformation dangereuse
Cette désinformation vaccinale représente un véritable danger pour la santé publique, regrette Marc Thellier. « La vaccination est une arme très efficace de lutte contre les maladies. C’est démontré au plan scientifique, il n’y a aucun doute. Si on introduit un doute sur l’intérêt de la vaccination, si les pays, finalement, sont contraints à abandonner une solution comme celle-là, ça peut devenir dramatique puisqu’on peut revenir à des épidémies qui étaient contrôlées et qui ne le seraient plus ».
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