Bouba Atkins, Yung Nouchi, Zo Kalanga… Ces noms ne vous disent peut-être rien, mais en Côte d’Ivoire, ce sont les réalisateurs de clips vidéo que les artistes s’arrachent. Depuis quelques années, ils occupent une place centrale sur les réseaux sociaux et à la télévision. Le secteur commence donc à se professionnaliser et à se structurer, tandis que les investissements des labels sont de plus en plus conséquents.
Avec notre correspondante à Abidjan, Marine Jeannin
Photographie de qualité, chorégraphies soignées, beaux décors, actrices séduisantes… En Côte d’Ivoire, les clips musicaux sont devenus une identité visuelle qui, pour les artistes, compte presque autant que leur musique. Pour certains d’entre eux, c’est d’ailleurs après un clip que leur carrière a décollé. Comme Akim Papichulo, chanteur et compositeur depuis sept ans, révélé l’an dernier par le morceau Amore.
« Le clip »Amore » m’a permis d’avoir pas mal d’opportunités, reconnaît-il. Parce que quand la qualité de ton clip est bien, il y a des portes qui s’ouvrent, en fait. Parce qu’ils se disent que tu es professionnel, maintenant. Ça pousse les gens à s’intéresser à ce que tu fais. Quand tu écoutes un morceau, tu te dis »ce morceau, il faut que je le clippe »… Quand tu te dis que c’est un »banger », un son qui est »wow », un hit, tu le clippes ! »
DJ Arafat ouvre la voie
La Côte d’Ivoire est une habituée des clips, devenus un passage obligé pour les artistes depuis les années 1990, quand ils étaient diffusés sur la télévision nationale. Mais dans ces clips à l’ancienne, la qualité n’était pas forcément au rendez-vous. Le réalisateur Bouba Atkins, passé par Blu Magik et Universal, se souvient de ses débuts en 2009, à la grande époque du coupé-décalé. « Les clips, c’était : tu t’arrêtes là, on te filme, tu danses, ou à la limite, tu fais un signe, on colle les images, c’est fini… Ils se contentaient du peu. À partir du moment où ils se voyaient à la télé, c’était suffisant. »
À partir des années 2010, DJ Arafat ouvre la voie en mettant plus de moyens dans ses clips, suivi par des grands noms du zouglou comme Magic System et Yodé et Siro. Puis, les producteurs et les artistes de rap Ivoire s’y engouffrent à leur tour. Les premiers clips qui font date sont Anita (2014, 3 millions de vues) et surtout Tu es dans pain (2014, 4 millions de vues) de Kiff No Beat, tous deux produits par Blu Magik. « Les gars étaient étonnés de voir un tel clip ivoirien, réalisé par des Ivoiriens, se souvient en riant Bouba Atkins. Ça les a choqués ! Et là, ça a explosé, il y a des gars qui ont vraiment commencé à s’intéresser à l’audiovisuel. Ces deux clips-là ont vraiment révolutionné tous les clips jusqu’à aujourd’hui. »
« Le top 10 ivoirien, ils sont à un million de vues minimum par clip »
Depuis cinq ans, la Côte d’Ivoire a vu sa production de clips monter en qualité et en quantité. Ils sont de plus en plus consommés par les Ivoiriens, non seulement à la télévision, mais surtout sur les réseaux sociaux et sur YouTube, souligne le rappeur et producteur Pit Baccardi, gérant du label Gold Prod : « Ce matin encore, quand je me suis réveillé, je suis parti sur les plateformes. Le clip de Didi B, qui est sorti hier, il était à 1,2 million de vues sur YouTube. Le clip de Suspect95, sorti avant-hier, pareil, il était aussi à 1,2 million. Le clip de Himra, un million et des poussières, pareil. Les hommes peuvent mentir, mais pas les chiffres. Le top 10 ivoirien, ils sont au minimum à un million de vues par clip. Il y a cinq ans, on n’était pas à ces niveaux de consommation. »
Grâce au clip, un morceau ne s’écoute pas seulement, mais se voit. Pour Pit Baccardi, ces capsules vidéo sont devenues en Côte d’Ivoire « l’atout marketing par excellence ». Parmi les clips récents qui ont marqué la musique ivoirienne, citons Decapo de Tripa Gninin, produit par Yung Nouchi (2021, 1,1 million de vues), Kpaflotage de Suspect95, réalisé par Kouny The Manset (2023, 3 millions de vues), 2025 de Didi B, réalisé par David Nonos (2024, 4,6 millions de vues) et Big Boss de Didi B, le clip le plus cher du rap Ivoire.
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