Depuis bientôt 25 ans, l’Association internationale des femmes de Côte d’Ivoire (AIFCI) vient en aide aux femmes jeunes ou moins jeunes déscolarisées qui ne maîtrisent pas la lecture, l’écriture ou le calcul. Un centre gratuit, tenu par des bénévoles qui donnent une deuxième chance aux femmes du quartier populaire d’Anoumabo.
Dans le quartier populaire d’Anoumabo, au centre d’alphabétisation de l’AIFCI, l’activité bat son plein. Elles sont des dizaines de femmes, jeunes filles et mamans plus âgées qui répètent ensemble les leçons des professeurs et des animateurs bénévoles. Bema Kamagate explique son travail en tant que professeur bénévole de CP2 « On va permettre à ces dames de mieux garder ce qu’elles ont appris au CP1. En plus, nous allons leur ajouter des notions de conjugaison, de grammaire, de vocabulaire afin de préparer ces dames à mieux cerner la classe d’après ».
Quand on lui fait remarquer qu’il y a une grande différence d’âge – entre certaines filles et des dames qui pourraient être leur mère -, le professeur bénévole répond avec un peu de fierté et beaucoup de tendresse pour ses élèves : « En Côte d’Ivoire, on a beaucoup de jeunes, souvent qui sont déscolarisés. Il y en a aussi qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école. Donc ici, nous donnons d’abord la chance aux plus âgés. Il faut dire que vraiment, elles sont volontaires, il faut le dire ! Pour nous, c’est aussi un plaisir de donner une partie de nous-mêmes. Parce que, être ici en tant qu’enseignant, c’est d’abord donner une partie de soi parce que comme on le dit : l’école, c’est la lumière ! ».
Véronique est originaire de Bondoukou. Débarquée à Abidjan très jeune, elle a raté plein d’opportunités d’emploi, faute de savoir lire et écrire. Aujourd’hui, à 36 ans, elle reprend le chemin de l’école et du tableau noir. « À l’âge de 10 ans, j’ai cherché l’argent. Mais maintenant, j’ai compris que l’école, c’était important. Je prenais des cours du soir dans une autre école, mais là-bas, je payais cher, donc c’est une sœur qui m’a parlé d’ici. En plus, c’est gratuit. J’ai compris que quand tu ne sais pas lire ou écrire, c’est un peu comme quand tu es aveugle. Tu es là, tu vois, mais tu es aveugle. Donc savoir lire, écrire, c’est très important », conclut Véronique.
« Quand tu ne sais pas lire ou écrire, c’est un peu comme quand tu es aveugle »
Rebecca Ozé qui l’écoute, elle, a débarqué un peu par hasard au centre d’enseignement pour fuir la maltraitance de ses parents. D’abord apprenante, Rebecca est devenue enseignante bénévole. Elle nous décrit l’importance de l’existence de tels centres pour les femmes déscolarisées. « Ici, c’est vraiment le centre de l’espoir. C’est une deuxième chance qu’on vous donne parce que moi, étant déscolarisé, c’était une deuxième chance qu’ils m’ont donné de pouvoir m’en sortir ».
« Quand on ne sait pas lire et écrire, on est « handicap« dans la société pour pouvoir travailler. Ces dames qui viennent ici, ce sont des commerçantes et même au marché, elles ont besoin de savoir lire, écrire et de savoir compter parce que, très souvent, elles se trompent dans leurs calculs de monnaie. Le fait de venir apprendre ici à lire, à compter, c’est vraiment très bénéfique pour elles ! ».
« Ici, c’est vraiment le centre de l’espoir »
Grâce à ces centres d’enseignements bénévoles et aussi certaines opérations comme « Alphatic » portées par l’Unesco, qui forment des femmes par le biais d’applications sur smartphone, la maîtrise de l’écriture et de la lecture progresse en Côte d’Ivoire. Et son corollaire : la pauvreté des femmes régresse même si elle reste trop importante.
Yves Marius sagou, chargé d’alphabétisation à l’Unesco en Côte d’Ivoire le constate chaque année dans ses études. « Quand vous regardez la carte la pauvreté en Côte d’Ivoire et que vous la comparez à la carte de l’analphabétisme, vous voyez que c’est pratiquement pareil et cela est lié au fait que les gens n’ont pas reçu l’éducation qu’il leur fallait depuis l’enfance. Ils sont donc restés dans la pauvreté et la précarité », déplore-t-il.
L’analphabétisme chez les femmes diminue en Côte d’Ivoire, il est passé de 71 % en 1998 à 53 % en 2021 selon l’Unesco. Le travail d’éducation et des centres d’alphabétisation comme celui d’Anoumabo ont encore un peu de chemin à faire.
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