Devenue une nation d’Amérique du Sud fiable, l’Équateur défiera vendredi soir le Venezuela, avec l’objectif de conserver cette très belle troisième place dans le groupe de qualification au Mondial 2026, juste derrière l’Argentine et l’Uruguay. Focus sur cette équipe rajeunie qui ambitionne de faire son meilleur parcours en Coupe du monde à l’été 2026.
Deux défaites seulement. C’est le très bon bilan de l’Équateur après 12 matchs de qualification pour le prochain Mondial, vaincu deux fois sur le score de 1-0 par l’Argentine, puis le Brésil. La place de troisième du groupe est d’autant plus surprenante que La Tri a démarré son parcours avec une sanction de trois points en moins, suite à une sanction du Tribunal arbitral du sport pour avoir fait jouer Byron Castillo, finalement reconnu comme joueur colombien et non équatorien par la FIFA. Sans ces trois points rabotés, l’Équateur serait même deuxième, devant l’Uruguay et à trois points de l’Argentine.
Au cœur de cette réussite : une équipe rajeunie, avec une moyenne d’âge de 24 ans, faisant d’elle la sélection la plus jeune d’Amérique du Sud. La grande majorité d’entre eux évolue même en Europe, avec des têtes d’affiche comme Willian Pacho au PSG, Moises Caicedo à Chelsea ou Piero Hincapie. Point commun entre ces trois piliers de l’effectif de la Tri ? Leur âge d’abord, 23 ans. Mais surtout, leur club de formation : l’Independiente del Valle.
14 des 24 joueurs appelés sont issus de l’Independiente del Valle
« Dans les années 2010, le grand patron de KFC Equateur, Michel Deller, a racheté l’Independiente del Valle et a décidé de faire le plus grand centre de formation d’Amérique du Sud, pas seulement d’Équateur, explique Axel, créateur de @EquateurFrance sur X. Et le résultat a porté ses fruits car ils ont investi énormément dans les infrastructures et dans les équipes de jeunes, ce qui a fait que beaucoup de talents de ce club ont pu éclore en Europe. » Sept terrains sont mis à disposition du centre de formation, qui perçoit 30 % du budget actuel du club, dont le modèle économique repose sur le transfert de jeunes pépites.
Au total, 14 des 24 joueurs convoqués pour ce rassemblement ont été formés par le club basé à Sangolquí, dans la banlieue de Quito. C’est même le cas de 8 des derniers 11 titulaires face à la Colombie en novembre 2024. « C’est un running gag qu’on a au pays. Ce n’est pas la sélection équatorienne, c’est la sélection de l’Independiente del Valle », sourit Axel.
S’il n’est pas un supporter du club pourvoyeur numéro un de talents, qu’il compare au PSG parce que c’est « le gros club que personne n’aime au pays », il félicite le travail accompli : « Voir autant de nos joueurs évoluer en Europe, c’est quelque chose qui était impossible il y a encore dix ans de cela. Sur le plan national, c’est un bonheur. L’Independiente del Valle a placé l’Équateur sur une carte : ils ont remporté la Copa Sudamericana, ils sont allés loin en Libertadores… Grâce à eux, on arrive à exporter des talents. »
Scouting et clubs satellites pour percer
L’Équateur profite aussi des techniques de scouting de plus en plus performantes, mais aussi accessibles aux différents clubs, permettant à certains d’aller chercher des jeunes en Équateur, plutôt que chez les voisins argentin ou brésilien, où les joueurs sont souvent plus chers. C’est ainsi que Joel Ordonez débarque en Europe au Club Bruges, quand Moises Caicedo découvre le Vieux continent en passant par Brighton ou que Pervis Estupiñan doit passer par l’Udinese avant de se faire un nom en Angleterre.
« Il y a énormément de joueurs qui ont signé en Belgique car il y a beaucoup de clubs belges qui sont des clubs satellites. On remarque que les joueurs équatoriens ne sont pas tout de suite pris au sérieux en Europe. Ils doivent d’abord faire leur preuve dans d’autres clubs, dans des championnats qui sont un peu plus inférieurs. L’arrivée sur le marché des joueurs équatoriens est récente, donc forcément, les gens sont assez sceptiques », analyse celui qui a lancé son compte en 2023. Aujourd’hui, les gros clubs vont même chercher les talents directement à la source, à l’image de Kendry Paez, 17 ans, et déjà signé par Chelsea avant sa majorité, ou Keny Arroyo, transféré cet hiver d’Independiente del Valle à Besiktas contre 6,5 millions d’euros.
Un profil de joueur besogneux, malgré les embûches
Mais malgré certains parcours cabossés à des milliers de kilomètres des leurs, les joueurs équatoriens réussissent à éclore. Une des clés de cette réussite ? Le mental, évidemment. « Le joueur équatorien est un joueur humble, avec beaucoup de résilience », développe-t-il, ajoutant que l’Équateur était un pays culturellement calme et avait la réputation d’être « un havre de paix » jusqu’à il y a peu. Depuis, des groupes armés criminels s’opposent à l’État dans une guerre sur fond de trafic de drogues. Une raison de plus pour les jeunes talents de quitter le championnat équatorien, l’un des plus pauvres d’Amérique du Sud, pour trouver meilleure fortune ailleurs.
L’espoir d’un peuple secoué par cette montée de la violence (classé 11ᵉ pays le plus violent du monde selon un rapport) repose donc aussi sur cette jeune génération, presque assurée d’être qualifiée pour le prochain Mondial aux 48 équipes (contre 32 auparavant) à six journées de la fin. « Si déjà, à leur âge, avec leur expérience, on a des résultats comme ça, j’ai hâte de voir ce que ça va donner à la Coupe du Monde. Je ne m’attends pas à ce que l’on remporte, mais qu’on arrive en huitième ou en quart, ce serait le bonheur absolu », s’enthousiasme le Franco-équatorien. L’Équateur n’a jamais fait mieux qu’un huitième de finale dans la compétition, en 2006. À voir si la jeune génération qui était tout juste née à l’époque peut mieux faire.
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