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- Author, Isidore Kouwonou
- Role, BBC Afrique
- Reporting from Dakar
« Je n’arrive plus à dormir, je ne sais pas comment ma famille vit là-bas à Bukavu ». La situation est traumatisante pour Fidèle Buananguela, orignaire de Bukavu dans l’Est de la République démocratique du Congo, mais vivant à Nairobi au Kenya.
Il confie à BBC Afrique que c’est sur internet qu’il s’informe de la situation qui prévaut dans sa ville natale, n’arrivant souvent pas à entrer en contact avec sa famille à cause de l’absence du réseau. Il ajoute ne pas savoir comment aider sa famille dans le chaos qui règne actuellement dans la ville.
« Je ne sais pas comment ils continuent à vivre là-bas. Mais on prie pour eux espérant que le gouvernement va faire ce qu’il faut faire pour que le pays puisse retrouver la paix », souhaite-t-il.
Fidèle Buananguela fait partie de ces milliers de Congolais éparpillés à travers le monde, qui sont inquiets de la situation dans leur pays, surtout du sort de leurs familles restées au bercail.
L’inquiétude est plus grande pour ceux qui ont des proches à l’Est du pays, notamment au Nord et au Sud Kivu, où deux villes importantes se retrouvent aujourd’hui dans les mains des rebelles du M23 soutenus par le Rwanda.
Dr Martin Kabange, qui suit l’actualité de son pays depuis l’Afrique du Sud où il réside, se dit outré par « le sang des Congolais, de mes compatriotes hommes, femmes et enfants qui coule chaque jour sous le regard indifférent de la communauté internationale ».
Le « règne » des rebelles à Goma et Bukavu

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Après avoir pris la ville de Goma en janvier, les rebelles du M23 ont marché sur Bakuvu qui est tombé dans leurs mains en février.
La prise de cette ville de plus d’un million d’habitants, capitale de la province du Sud Kivu, a été suivie de pillage des entreprises, des institutions gouvernementales et des ONG internationales, selon les témoignages sur place.
Les combats dans la prise de Goma et de Bukavu ont fait des morts, des blessés et de nombreux déplacés. Ceux qui n’ont pas pu fuir la ville se terrent chez eux et subissent les représailles des rebelles du M23.
Les rebelles font régulièrement des descentes dans les quartiers de ces villes, pillent les maisons, recrutent les jeunes de force selon des témoignages receuillis par la BBC sur place. Les autres exactions attribuées aux nouveaux maitres de cette partie du pays, font paniquer tout le monde, notamment la diaspora congolaise qui pense à ses proches.
La BBC a demandé à Corneille Nangaa, un des leaders de l’AFC-M23, s’il a pris connaissance des rapports qui accablent leurs combattants concernant ces exactions. Il affirme ne pas avoir lu ces rapports et qu’il ne peut pas, par conséquent, les commenter.
De nombreuses personnes ont fui Goma et Bukavu, traversant la rivière pour se retrouver dans le Burundi voisin. Ceux qui n’ont pas eu la chance de franchir le cours d’eau se sont noyés dans cette rivière qui sépare la RDC et le Burundi.
« Aujourd’hui, l’aéroport de Goma et celui de Bukavu sont fermés, rendant impossible le déplacement pour Kinshasa voire même pour d’autres provinces », regrette Albert Mukulubundu, Congolais vivant à Paris en France.
Une situation qui ne laisse pas indifférents les Congolais de l’extérieur

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Albert Mukulubundu craint beaucoup pour sa famille et proches qui sont au Sud et au Nord Kivu. Les récents affrontements à Goma et à Bukavu ont poussé une fois encore de nombreux Congolais à fuir leur pays. Beaucoup d’entre eux se sont dirigés vers les pays voisins de la RDC, notamment le Burundi. D’autres encore plus loin.
Selon le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), environ 3 millions de personnes ont été nouvellement déplacées.
« Personne ne peut faire semblant d’être normal. Nous ici, on est malade. On imagine la situation de ceux-là qui sont sur place. C’est pourquoi nous sommes en train de décrier cette guerre », confie à BBC Afrique Prince Mushagalusa, un des responsables de la communauté congolaise au Kenya.
Cette diaspora congolaise au Kenya indique qu’elle reste connectée au pays et suit de près la situation.
Dr Martin Kabange, Enseignant d’Economie à Durban University of Technology en Afrique du Sud, suit avec beaucoup d’intérêt les événements dans son pays. Il regrette que sur les réseaux sociaux et les médias, la RDC, surtout l’Est du pays, soit résumé à « des récits de violence, des attaques, des déplacements et tout ce qu’il y a comme souffrance infligée à nos compatriotes ».
Il est surtout contrarié par la désolation des familles sur place et la crise humanitaire qui sévit dans le pays à cause de cette guerre « que les Congolais n’ont pas voulu ». A Goma d’où il est originaire, ses amis et proches vivent dans des conditions de plus en plus difficiles, selon lui.
« On parle des massacres, des violences sexuelles, des déplacements forcés et tout ce qu’il y a comme souffrance infligée aux civils, qui se poursuivent sans qu’aucune solution durable ne soit trouvé », ajoute-t-il, soulignant que malgré les cris de détresse des victimes et les preuves accablantes des exactions commises, c’est le silence au niveau de la communauté internationale.
Pour Albert Mukulubundu qui vit en France, cela fait presque 30 ans que les Congolais qui vivent dans l’Est du pays sont tués injustement, « ils errent dans la nature fuyant la guerre ».
« Aujourd’hui, nous comptons plus de 7 millions de déplacés internes sans compter le pillage des richesses minières et les viols des femmes et jeunes filles, et il y a lieu d’être inquiet », dit-il.
Il accuse les autorités congolaises, car pour lui, cette situation vient de leur incapacité à doter la RDC d’un système de défense adéquat.
« C’est quand même révoltant. Cette tragédie humaine appelle à une mobilisation urgente et à une réponse ferme pour mettre fin à l’impunité dans cette région de mon pays qui est en train de saigner », ajoute Dr Kabange.
Faire un diagnostic des causes réelles et aller à la paix

Crédit photo, Dr Martin Kabange
Dr Martin Kabange pense qu’il faut une réponse urgente et concertée à cette situation « pour garantir la paix et restaurer la sécurité à nos compatriotes ».
Malgré la situation et les difficultés auxquelles ils sont confrontés tous les jours, surtout ceux qui sont à l’Est du pays, « les Congolais résistent tout de même contre cette guerre d’agression barbare », selon M. Mukulubundu.
Les Congolais de l’extérieur qui ont parlé à la BBC sont unanimes pour un retour à la paix. Ce qui doit forcément amener les acteurs autour d’une table.
« La guerre va détruire, la guerre va ravager. Le gagnant dans tout ça, c’est celui qui vend les armes. Le perdant, c’est celui dont la communauté est massacrée et tuée. Mais il n’y aura pas la solution », indique Prince Mukulubundu qui ajoute qu’il faut une solution durable pour la paix en RDC et dans toute la région du Grand Lac, et pour « un développement que tout le monde attend ».
Bien qu’il soit inquiet pour son pays, Dr Martin Kabange, depuis l’Afrique du Sud, reste optimiste et garde espoir en les efforts collectifs pour le retour de la paix. « Mon pays va surmonter ces épreuves et va progresser vers un avenir plus stable et prospère ».
Albert Mukulubundu appelle également à la paix. Ce Congolais vivant à Paris indique qu’il adhère à l’initiative des religieux pour la stabilité dans son pays d’origine.
« La CENCO et l’ECC, les deux confessions religieuses, l’église catholique et protestante ont proposé un pacte pour la paix et le bien vivre ensemble. C’est un plan de sortie de crise qui implique non seulement les parties en conflit, c’est-à-dire les Congolais entre eux pour trouver des solutions au volet interne de la crise, mais aussi les pays agresseurs, nos voisins de la sous-région, donc le Rwanda et l’Ouganda », souligne-t-il.
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